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Laurenne Gbêdan épouse AKUÊNU
TOC TOC TOC
- Oui ?
- Chérie, ça va ? demande Joshua en entrant dans ma chambre.
- Oui, mon amour, et toi ? As-tu bien dormi ?
- Oui, mais tu n'as pas l'air en pleine forme.
- Je vais bien, j'ai juste un peu de mal à sortir du lit ce matin.
- Ah, d'accord.
- Je te croyais déjà au bureau.
- Pas encore, je me suis réveillé un peu tard.
- Ok. Tu as pris ton petit-déjeuner ?
- Pas encore. Je pensais qu'on le prendrait ensemble avant de partir travailler, comme au bon vieux temps.
- Je m'apprête seulement à me lever.
- "T'apprêter" ? D'où vient cette paresse matinale ? demande-t-il en retirant ses chaussures.
- Aucune idée, je ne me suis pas bien réveillée ce matin, c'est tout.
- Il fallait me dire que tu avais besoin d'un réveil spécial, dit-il en se glissant sous les draps.
- Ai-je vraiment besoin de le demander ?
Je me blottis contre lui en souriant dès qu'il s'allonge près de moi. Malgré les années, notre passion reste intacte. Mon mari est sur le point de me prendre dans ses bras quand la porte s'ouvre brusquement sur Jade, notre fille aînée. Je me dépêche de couvrir la nudité de mon mari avant de tirer le drap sur ma poitrine.
- Jade, ça ne va pas ? À ton âge, tu entres dans la chambre de tes parents sans frapper ? Quelles manières !
- Pardon, maman.
- Sors immédiatement de cette chambre et ferme la porte derrière toi. Que ce soit la première et la dernière fois que tu entres ici sans frapper, dis-je, furieuse, alors qu'elle referme la porte.
- Doucement avec elle...
- Non, ne me dis pas ça. À 30 ans, elle ne sait toujours pas qu'on frappe avant d'entrer dans une chambre ? Ce n'est pas la première fois qu'elle le fait, en plus. Et qu'est-ce qu'elle vient faire ici à huit heures du matin ?
- C'est bon, viens là. Elle ne savait sûrement pas que j'étais avec toi, dit-il en me tirant contre lui.
Il parvient à me calmer, et nous passons près d'une heure blottis l'un contre l'autre avant de prendre le petit-déjeuner et de partir ensemble au bureau.
La journée de travail se déroule à merveille. Le soir, Joshua et moi rentrons ensemble à la maison. J'aide Justine, notre cuisinière, à préparer le dîner avant de nous mettre à table.
- Chérie ?
- Oui, mon cœur.
- Tu ne prévois pas de voyager dans les semaines à venir, j'espère ?
- Non, sauf si un imprévu se présente.
- D'accord. J'aurai besoin de ta présence et de ton expertise au Cameroun la semaine prochaine, annonce-t-il en prenant une première bouchée.
- C'est à propos de cette affaire de détournement ?
- Oui.
- Depuis plus d'un mois ? Je pensais que c'était déjà réglé.
- Pas encore.
- Bonsoir, Madame, salut ma cuisinière en entrant dans la salle à manger.
- Justine, nous venons de préparer le dîner ensemble, tu n'as plus besoin de me saluer avant de me parler.
- Oui, c'est vrai. Je voulais vous remercier, vous et Monsieur.
- Me remercier pour quoi ? je demande, un peu perdue.
- Pour l'augmentation de nos salaires. Je suis venue vous exprimer notre reconnaissance à tous. Que Dieu vous bénisse.
- Amen ! Qu'il te bénisse aussi. Apporte-moi de la friture, s'il te plaît.
- Tout de suite, Madame, répond-elle en se précipitant vers la cuisine.
- Tu as encore augmenté leurs salaires ? me demande mon mari.
- Oui.
- Franchement, c'est exagéré. Ils gagnent déjà bien plus que tous les employés de maison de cette ville, comme les femmes de ménage ou les cuisiniers.
- Chéri, ce que nous leur versons ne vaut même pas le service qu'ils nous rendent. Ce sont eux qui maintiennent cette maison debout pendant que nous ne faisons qu'en assurer l'entretien financier. Chaque employé donne le meilleur de lui-même pour notre confort. Tu ignores peut-être ce qu'ils vivent chez eux : ils ont des enfants, une famille à nourrir. J'ai été dans leur situation autrefois, et je sais ce que c'est de se battre au quotidien.
Ils supportent nos humeurs sans jamais se plaindre.
- Ce n'est pas parce que tu as été pauvre que tu dois payer le salaire d'un ministre à une cuisinière, à un chauffeur ou à un jardinier.
- Salaire d'un ministre ? Tu n'exagères pas un peu ? Ils méritent chaque centime que j'augmente à leur salaire, crois-moi.
- Tu penses vraiment pouvoir sortir tout Cotonou de la pauvreté ?
- Chéri, s'il te plaît... Ne commence pas.
- Je ne suis pas d'accord avec cette somme démesurée que tu leur donnes juste pour 30 jours de travail. Combien as-tu encore augmenté sur leurs salaires cette fois-ci ?
- Chéri ?
Je l'interpelle alors que Justine s'approche de nous. Joshua se tait et se concentre sur son dîner.
Je suis souvent généreuse avec mes employés de maison, ce qui ne plaît pas à mon mari. Il trouve que j'en fais trop.
Le fait d'avoir connu le dénuement, ma famille et moi, m'a rendue compatissante envers les plus démunis. Mes sœurs, ma mère et moi avons travaillé comme domestiques dans ce pays. Je me souviens encore de la façon dont nous étions traitées et de ces salaires dérisoires qui couvraient à peine les besoins essentiels. Je ne peux pas aider tout le monde, mais j'essaie d'être une bénédiction pour ceux qui m'entourent, qui travaillent pour moi ou que je croise sur mon chemin.
Il faut avoir vécu le manque absolu pour comprendre le sens de ma générosité envers ceux qui luttent au quotidien pour subvenir aux besoins de leur famille.
Mon père, conducteur de taxi-moto, partait travailler tous les matins à cinq heures pour nous ramener de quoi prendre le petit-déjeuner. Il rentrait entre sept heures et sept heures trente avant que nous partions à l'école. Paix à son âme.
Déjeuner du dernier dimanche du mois chez les AKUÊNU
- Je porte ce toast à ma merveilleuse épouse, qui fait tout pour nous réunir chaque dernier dimanche du mois. Pour être honnête, j'étais contre cette tradition au début. Elle annulait même des rendez-vous d'affaires pour ça. Mais maintenant, ces moments passés ensemble, entouré de toute ma famille, sont irremplaçables. La famille avant tout, comme elle le dit si bien. Je vous aime, dit Joshua à mon endroit.
- Nous t'aimons aussi !
- Je suis reconnaissante envers maman et Dieu pour cette famille unie. Je me sens heureuse, comblée et chanceuse d'être ici, poursuit Iris.
- Je croyais que nos retrouvailles t'ennuyaient ? D'ailleurs, pourquoi n'as-tu pas encore déménagé ? lui demande son frère.
Iris l'ignore superbement et lève son verre.
- Je suis fière d'être née dans cette merveilleuse famille. La famille avant tout ! continue Iris.
- Maman, je veux te remercier de nous avoir transmis des valeurs telles que l'amour du prochain, le pardon, le partage et surtout avec les plus démunis. Le respect des aînés, même s'ils ne sont pas de notre milieu social, le respect de la dignité humaine, et l'importance de la famille. Ta phrase fétiche, "NOTRE FAMILLE avant tout et contre tout", résonne en moi chaque jour. Je réalise à quel point ces valeurs sont précieuses et je suis fière d'être ta fille, se prononce Anaïs.
- Maman, aujourd'hui tu es à l'honneur. J'avais préparé un discours, mais tout s'est envolé quand Papa et mes sœurs ont dit exactement ce que je voulais exprimer, dit Jade.
- Allez, ma puce, laisse parler ton cœur. Tu n'as pas besoin d'un discours préparé pour faire des vœux à ta maman.
- Merci de m'avoir donné la vie. Merci d'être cette pierre angulaire sans laquelle notre famille n'existerait pas. Je suis fière et honorée d'être ta fille, ma seule et unique rivale. À notre famille ! fini-t-elle par dire après quelques secondes de silence.
- Maman, tu sais déjà combien je t'aime et que sans toi, je ne serais rien ni personne. Tu es ma bouffée d'oxygène, mon tout en fait.
- Oh là, oh là ! Tu es en train de faire une déclaration d'amour à ma femme ?
- Papa, je suis sérieux. Laisse-moi déclarer ma flamme à la femme de ma vie.
- Si je t'entends encore dire "bouffée d'oxygène" à ma femme, je te défenestre !
- Laisse mon enfant exprimer son amour à sa mère que je suis. Ne fait pas le jaloux s'il te plaît.
- Laissez les deux rivaux s'affronter d'abord, dit Jade.
- Que Dieu te donne longue vie, maman.
- Amen, mon chéri.
- Une santé de fer, une longue vie et beaucoup, beaucoup d'argent.
- Pour que tu puisses dilapider à ta guise, n'est-ce pas ?
- Je t'aime aussi, papa.
- Pffff.
Ses sœurs éclatent de rire.
- Vous deux, on préfère rester en dehors de vos palabres, dit Iris.
- Vous me rendez tellement fière que vous n'imaginez pas à quel point, je confesse les larmes aux yeux.
- Ne pleure pas, chérie. Nous sommes fiers de toi aussi. Sans toi, nous ne serions rien. Tu es et resteras le pilier de notre famille. J'ai une chance inouïe de t'avoir dans ma vie. Je suis béni, dit Joshua en me prenant la main.
- Je suis également bénie de vous avoir dans ma vie. Malgré mes nombreuses répétitions, vous auriez pu choisir de n'en faire qu'à votre tête, mais non, vous avez écouté mes conseils. Je suis tellement fière de vous, mes enfants. Vous m'honorez et me faites sentir spéciale avec tous ces éloges. Je nous souhaite la santé, la longévité et d'aller de gloire en gloire. Que le nom AKUÊNU perdure dans la richesse et l'essence jusqu'à la fin des temps. Que l'amour et l'union règnent parmi nous à jamais.
- Amennn ! Joyeux anniversaire, maman ! disent-ils en chœur.
Nous portons un toast avant de prendre nos couverts et de déguster nos plats préférés. Mon cœur déborde d'amour et de fierté envers mes enfants. J'ai réussi à leur transmettre les valeurs qui me tiennent à cœur.
Je fête aujourd'hui mes 57 ans. Je suis à l'honneur. Chacun de mes enfants m'a offert un cadeau. Cette année, mon mari m'a offert une Rolls-Royce, en plus de sa collection annuelle de bijoux en diamant.
J'ai épousé un homme merveilleux et généreux.
Quelques jours plus tard
Je prépare une salade de fruits à la demande de Joshua quand mon majordome m'apporte mon téléphone, qui n'arrête pas de sonner. C'est le numéro du médecin qui s'occupe de ma mère.
- Bonsoir, docteur.
- Bonsoir, Madame AKUÊNU.
- Comment allez-vous ?
- Bien, madame. Et vous ?
- Je vais bien, merci. Ma mère a des soucis de santé ?
- Oui, et elle a refusé qu'on vous informe. Mais elle a fait une crise il y a peu, alors j'ai préféré vous en parler.
- Merci, docteur. Elle est à la clinique ou à la maison ?
- À la maison. Je viens de lui administrer des soins à domicile.
- D'accord. Elle est hors de danger ?
- Oui.
- Merci de m'avoir informée.
- De rien, madame.
Je termine rapidement ce que je faisais, sers mon mari et l'informe de l'état de santé de ma mère avant de me rendre chez elle.
- Où est ma mère ? demandé-je à la domestique dès mon arrivée au salon.
- Dans sa chambre.
Je me précipite et trouve ma mère allongée sur le lit, une perfusion au bras. Ma sœur aînée, Corine, est assise près d'elle.
- Pourquoi ne m'as-tu pas appelée dès qu'elle a fait la crise ?
- C'est moi qui lui ai interdit de t'informer de mon état de santé.
- Même dans ce cas, tu aurais dû m'avertir, au lieu que ce soit le docteur qui m'appelle, reproché-je à Corine.
- S'il te plaît, ne m'ajoute pas du stress. Tu connais bien maman, quand elle dit non, personne ne peut aller à l'encontre de sa volonté.
- Maman, comment te sens-tu maintenant ?
- Je vais mieux.
- Ta cuisinière t'a préparé quelque chose à manger ?
- Bonsoir, salut ma petite Chimène en faisant son entrée.
- Bonsoir, lui répondent ma mère et Corine.
- Comment vas-tu, maman Diana ? lui demande la vieille.
- Je vais bien, et toi ?
Elle sort deux glacières du sac qu'elle portait sur la tête.
- Je me sens mieux. Il ne fallait pas te déranger pour venir, je sais que Diana a plus besoin de toi que moi.
- Sa belle-mère a pris le relais quand je suis partie. Elle n'est pas seule.
- Diana a quoi ? lui demande Corine.
- Rien de bien grave.
- Elle a accouché par césarienne hier, révèle notre mère.
- Et tu ne nous as rien dit ?
- Maintenant tu le sais.
- J'espère que toi et tes enfants n'aurez jamais besoin de nous, lui dit Corine.
- Maman tu as bonne mine, c'est bon signe. Je rentre m'occuper de ton beau-fils. Je repasserai demain matin, lui dis-je.
- AKUÊNU ne changera donc jamais ? Quand tu voyages, comment fait-il pour manger ?
- Laisse mon mari en paix, lui réponds-je en me levant.
- Rentre bien et salue tout le monde de ma part.
- Je n'y manquerai pas, dis-je en sortant de la chambre, suivie de Corine qui me raccompagne jusqu'à ma voiture avant de retourner à l'intérieur.
Chimène est notre benjamine. Elle et moi ne nous parlons plus. Nous sommes trois sœurs : Corine l'aînée, moi au milieu, et Chimène la benjamine. C'est elle qui sait ce qu'elle a contre moi. Moi, je n'ai aucun problème avec elle et je ne me reproche rien.