Laurenne GBÊDAN épouse AKUÊNU
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Laurenne GBÊDAN épouse AKUÊNU
- Toc toc.
- Oui ?
- Vous avez de la visite, madame, m'informe Koffi mon majordome.
- Qui est-ce ?
- Deux sœurs de l'orphelinat Béthel. Sœur Rosa et Sœur Thérèse.
- D'accord. Installe-les dans le salon de monsieur.
- Je les ai déjà installées.
- Bien. Demande à Justine de leur servir des rafraîchissements. J'arrive.
- D'accord, madame.
- Appelle aussi la gérante de la quincaillerie et demande-lui de me fournir un vrai point financier, pas ce chiffon qu'elle m'a envoyé.
- D'accord, maman.
Je quitte mon bureau où je passais en revue les finances de nos différentes entreprises familiales avec mon dernier né, Hervé, mon unique fils. L'esprit préoccupé par des chiffres, je rejoins le salon. Mes invitées m'y attendent déjà, assises l'une à côté de l'autre, mains croisées sur leurs genoux.
- Soyez les bienvenues, mes sœurs.
Les deux femmes se lèvent respectueusement.
- Non, non, restez assises. Bonjour !
Je m'installe dans un fauteuil face à elles et leur adresse un sourire accueillant.
- Bonjour, Madame AKUÊNU, répondent les sœurs à l'unisson.
- Comment allez-vous ?
- Très bien, par la grâce de Dieu. Et vous ?
- Je me porte bien aussi, Dieu merci.
- Merci de nous recevoir malgré notre visite imprévue.
- Je vous en prie. La porte de ma maison vous sera toujours ouverte.
- Nous sommes venues vous remercier en personne pour tout ce que vous faites pour notre orphelinat.
- Madame AKUÊNU, merci infiniment pour tous ces dons. Nous vous serons éternellement reconnaissants. Nous en restons sans voix. Il fallait absolument que nous nous déplaçons pour vous remercier.
- Je vous en prie, ma sœur, je réponds à la directrice de l'orphelinat, la sœur Rosa.
- Vous êtes une bénédiction pour cette ville et ce pays. Une de nos consœurs nous a parlé de votre générosité envers le centre d'accueil des femmes victimes de violences conjugales, le Centre Sainte-Marie, il y a une semaine. Merci infiniment. Que Dieu vous bénisse.
- Amen ! Qu'Il vous bénisse également. Merci à vous d'avoir fait le déplacement. Apporter un peu de joie et de réconfort à ces petits anges et à ceux qui manquent du nécessaire est un réel plaisir pour ma famille et moi. N'hésitez pas à me solliciter en cas de besoin.
- Nous saurons à quelle porte frapper prochainement en cas de besoin.
- Exactement.
- Nous n'allons pas vous retenir plus longtemps. Mais avant de partir, nous souhaiterions prier pour vous et votre famille, si vous le permettez.
- Bien sûr, ce serait un honneur.
Pendant environ huit à dix minutes, elles prient pour ma famille et moi avant de prendre congé de moi. Je remonte ensuite dans mon bureau, où Hervé m'attend.
- Elles ont encore un souci à l'orphelinat ?
- Non, elles sont venues me remercier pour le don de la semaine dernière, je lui réponds en prenant place derrière mon bureau pour reprendre le travail.
Je m'appelle Laurenne GBÊDAN épouse AKUÊNU. Je suis une grande commerçante à l'international et la Directrice Générale de notre empire familial. Toutefois, ma fille aînée occupe le poste de Directrice Générale Adjointe et gère les affaires courantes. Je ne suis présente que lors des réunions importantes ou en cas de déplacement prolongé de mon mari.
Je dois ma prospérité à mon époux, Joshua AKUÊNU, qui a bâti sa fortune dans la téléphonie et la vente de bijoux en pierres précieuses. Je suis son unique épouse légitime, et nous avons trois merveilleuses filles et un fils, mon benjamin.
Je ne suis pas née dans la richesse, mais une famille prospère est née de moi. Ayant connu la pauvreté, la faim et le manque des besoins les plus essentiels, je m'efforce d'aider les plus démunis. Je sais que je ne peux pas soulager toutes les souffrances, mais j'essaie d'apporter un sourire, un peu de réconfort à ceux qui en ont besoin.
Je m'efforce d'être une bénédiction pour chaque personne que je rencontre.
- Maman !
- Oui, mon chéri. Je réponds en reprenant mes esprits.
- On ne va plus faire les courses pour le déjeuner du dimanche ?
- Si, si. Va prévenir Brice qu'on sort tout à l'heure et qu'il prépare la voiture. Je termine ce dossier et on y va.
- Je dois aussi acheter ma paire de baskets GOYA. J'en ai besoin pour ce week-end.
Je lui lance un regard appuyé avant de me reconcentrer sur mon travail.
Ce garçon a toujours des envies de dépenses inutiles...
Chaque dernier dimanche du mois, je réunis toute ma famille autour d'un déjeuner que j'ai instauré depuis le mariage de ma fille aînée. Ma famille passe avant tout, et ce rituel est ma façon de rester proche de mes enfants.
Une trentaine de minutes environ plus tard, je quitte la maison avec Hervé pour les courses de notre déjeuner du week-end.
- Maman, regarde !
- Regarder quoi ? je demande, le regard rivé sur mon chariot rempli de bouteilles de vin et de champagne.
- Ta fille.
- Ma fille ? Je relève la tête et suis la direction indiquée par son doigt.
J'aperçois ma cadette, bras dessus bras dessous avec un jeune homme de son âge.
- C'est qui, lui ?
- Je ne sais pas, mais à voir les gardes qui le suivent discrètement, ce n'est pas n'importe qui.
Je repose la bouteille de Moët & Chandon que je tenais et avance vers ma fille, laissant Hervé pousser le chariot.
- Iris ? Je l'interpelle dès que je suis à portée.
- Maman ! Que fais-tu là ? demande-t-elle, un peu surprise.
- (fixant l'homme à ses côtés) Bonjour.
- Bonjour, madame. Il me salue en tendant la main.
Je dévisage un instant cette main tendue avant de plonger mon regard dans le sien. Il retire alors sa main et la glisse dans sa poche, baissant les yeux.
- Maman, je te présente Qadmiel. Un ami.
- Un ami ? Hum...
- Tu fais des courses ?
- Non, elle est venue prier, rétorque son frère, moqueur.
Elle le fusille du regard.
- Invite ton ami à déjeuner demain, qu'on fasse connaissance.
- Non, non, il sera très occupé demain, elle s'empresse de répondre, l'air agacée.
- Aucun problème, je viendrai. Merci pour l'invitation, madame, me répond le garçon visiblement bien éduqué.
- D'accord. Iris, on déjeune dans une heure, je te veux à table. Je lance en me dirigeant vers la caisse.
Je suis une mère poule avec mes enfants, protectrice à l'extrême. Je n'aime pas qu'ils fréquentent n'importe qui. Même si ce jeune homme semble venir d'une bonne famille, je veux en avoir la certitude moi-même. Après tout, ce n'est pas parce que quelqu'un a des origines respectables qu'il est fréquentable.
J'ai connu la galère, la misère et la famine. Je me suis jurée que mes enfants, eux, vivraient dans l'opulence, sans jamais manquer de rien. Pour cela, je fais ce qu'il faut. Il est hors de question que mes enfants épousent quelqu'un en dehors de leur rang social. Ce Qadmiel, je le sais, n'est en rien un ami pour ma fille.
Mes deux aînées sont déjà mariées. Il ne reste qu'Iris et Hervé. Iris est rentrée au pays il y a environ un an, après sept ans d'études en Californie, où elle a obtenu un doctorat en droit. À son retour, son père a souhaité qu'elle travaille dans l'entreprise familiale ou dans le cabinet d'avocats qu'il a fondé, mais elle a refusé, préférant faire ses preuves dans un environnement neutre. Elle effectue actuellement un stage dans la filiale locale d'une grande firme internationale à Cotonou.
Mon fils Hervé, quant à lui, refuse d'aller étudier à l'étranger comme ses sœurs aînées. C'est le seul de mes enfants qui me fera blanchir les cheveux avant l'heure.
- Tu es déjà rentré ? demandé-je à mon mari en sortant de la cuisine.
- Oui, Madame ma femme. Tu m'as tellement manqué que je suis rentré plus tôt du travail, répond Joshua avec un sourire charmeur.
- Regardez-moi ce gros flatteur ! dis-je en lui volant un baiser tout en m'installant sur ses genoux.
- Et toi, comment s'est passée ta journée ?
- Très bien, chéri. Je reviens du supermarché. J'ai fait les courses pour le déjeuner de demain. Dis-moi, tu veux qu'on te prépare un plat spécial pour le dîner ? Je demande en glissant ma main sur son crâne rasé.
- Oui. Toi, répond-il en appuyant ses mains sur mes hanches avant de poser sa tête sur ma poitrine.
Je l'adore, mon mari. Il sait toujours trouver les mots simples qui réchauffent mon cœur. Malgré les années et les rides, notre complicité et notre amour sont intacts. Chaque jour, il me fait tomber amoureuse de lui un peu plus. Je l'aime tellement, mon gros bébé barbu à la tête d'œuf.
- Ton fils n'est pas loin, tu sais. Il va débarquer d'une minute à l'autre, dis-je en me relevant.
- Je suis chez moi, réplique Joshua. D'ailleurs, il n'est pas encore en âge de quitter ma maison ?
- Je te rappelle que je suis chez mon père, Monsieur Akuênu ! lance Hervé en entrant dans le salon, comme je l'avais prédit. Tu devras supporter ma présence jusqu'à mes 40 ans.
- Chérie, tu entends ça ? Dis à ton fils de quitter ma maison ! À son âge, les garçons travaillent déjà, ont monté leur propre affaire et vivent loin des jupons de leur mère !
- Ne me mêlez pas à vos histoires, dis-je en montant les escaliers.
Je suis épuisé d'entendre ces disputes incessantes. On dirait des enfants, ces deux-là.
Comme tous les midis, ma famille et moi déjeunons dans une ambiance agréable. Seuls Hervé et Iris manquent encore à l'appel. J'insiste toujours pour que nous prenions ensemble les trois repas de la journée, en famille unie et soudée.
- Iris, viens avec moi. On va prendre notre dessert ailleurs.
Je l'invite en me levant.
- Maman !
- Je veux juste qu'on discute.
Je lui réponds, debout devant la porte de la salle à manger.
- Maman, pour info, je ne suis plus une gamine. J'ai 25 ans. VINGT-CINQ ANS, MAMAN ! J'en ai assez que tu me traites constamment comme une adolescente. Je suis adulte maintenant.
- Tu baisses d'un ton et tu me parles autrement. Je ne suis pas ta camarade.
- Qu'est-ce qui se passe ?
Mon mari demande en s'essuyant les lèvres avec une serviette de table.
- Ta fille sort avec un homme que je ne connais pas.
- Elle n'est plus une enfant. Laisse-la fréquenter qui elle veut. Quand elle sera prête, elle viendra nous en parler ou nous le présenter.
- Merci, Papa. Enfin quelqu'un qui comprend que je n'ai plus huit ans. D'ailleurs, il est temps que je prenne un appartement. J'ai besoin de mon espace.
- Tu peux toujours courir. Comme je l'ai dit à tes sœurs aînées, tu ne quitteras cette maison que lorsque ton futur mari viendra faire les démarches pour t'épouser.
- Chérie, cesse d'être sur son dos. Elle est grande maintenant. Elle a le droit de prendre ses propres décisions et d'en assumer les responsabilités et les conséquences.
- Attends une seconde. Papa, que veux-tu dire par "assumer les responsabilités et les conséquences" ?
- Je n'ai pas dépensé des millions pour tes études pour que tu me demandes la définition de ces mots.
- Ah, je vois. Tes filles sont tes enfants préférés, c'est ça ? Moi, je ne compte pas ? Tu les menaces à demi-mot pour qu'elles restent ici jusqu'au mariage, mais avec moi, tu es pressé que je parte.
- Je ne te parle pas, espèce de paresseux.
- Joshua, ta fille se promène dans tout Cotonou avec un inconnu et tu me demandes de ne pas m'inquiéter ?
- Je sais déjà tout ce qu'il y a à savoir sur ce garçon. Il vient d'une bonne famille. Tu n'as pas à t'en faire.
- Quoi ? Attends... Tu as enquêté sur moi ?
- Je n'en ai pas le droit ?
- Tu es sérieux, Papa ? Je n'ai même pas droit à une vie privée ? Tu n'as pas le droit d'aller fouiller dans ma vie. C'est ma vie privée. D'ailleurs, je retire le merci que je t'ai adressé tout à l'heure.
- Tu es notre fille. Tu ne peux pas fréquenter n'importe qui. Tu réalises ce que signifie le nom AKUÊNU dans ce pays et à l'international ? Aucun membre de cette famille ne peut agir à sa guise. Tout ce que ta mère et moi faisons, c'est pour ton bien.
- J'aurais préféré que vous me posiez directement des questions au lieu de jouer les détectives dans mon dos.
- Tu ne nous as pas laissé le choix.
- Vraiment ? Quand m'avez-vous interrogée sur lui et que vous ai-je caché ?
- Tu...
- Vous savez quoi ? me coupant, bon appétit.
Elle quitte la table, furieuse.
- Je l'ai invité demain à déjeuner.
- Je croyais que seuls les membres de la famille avaient droit à ce déjeuner ?
- Je connais bien ma fille. Si Iris s'affiche ouvertement avec ce Qadmiel, c'est que c'est sérieux. Même si tu as déjà fait tes enquêtes, je veux le voir et lui parler, face à face. Il y a des choses que seul l'instinct maternel perçoit.
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