Chapitre 3 Chapitre 3

Iris AKUÊNU

Toc toc toc

- Oui ? réponds-je, les yeux fixés sur mon ordinateur.

- Amour ? lance Qadmiel.

Je relève la tête, surprise.

- Ah, chéri, c'est toi ?

Il s'approche et me vole un baiser.

- Oui, c'est moi. Tu n'as pas encore terminé ?

- Donne-moi cinq minutes et je serai toute à toi.

- D'accord.

Il contourne le bureau et se place derrière moi. Ses lèvres effleurent doucement mon cou.

- Tu me déconcentres, chéri, protesté-je en refermant instinctivement les cuisses sur sa main qui s'aventure déjà sous ma jupe.

- Aïe ! s'exclame-t-il, feignant une douleur exagérée.

Je desserre aussitôt les jambes, mais il en profite pour glisser ses doigts dans mon intimité.

- Qu'est-ce que tu fais ? On est au bureau, ma secrétaire peut débarquer à tout moment !

- J'ai fermé la porte à clé, murmure-t-il en pivotant mon fauteuil pour que je lui fasse face.

Il s'accroupit, soulève mes jambes et les dépose sur ses épaules avant de repousser délicatement mon string sur le côté. Sa langue explore mon intimité tandis que ses doigts me pénètrent habilement. Ce type va me rendre folle... Impossible de lui résister. Dès que l'on se voit, c'est plus fort que nous. On fait l'amour au moins quatre fois par jour, parfois même plus. On se dévore comme des lapins en chaleur. Rires. Le sexe ne nous fatigue jamais.

Il relève la tête après que j'ai joui, un sourire satisfait aux lèvres.

- Tu es sensationnelle, chérie. Chaque fois est unique.

Je tente de reprendre mon souffle.

- Il faut vraiment qu'on arrête de le faire au bureau. Si Monsieur Hamza Jamal nous surprend, on est foutus.

- C'est un bon ami à mon père. Si jamais ça arrivait, il arrangerait les choses. Ne t'inquiète pas. On se fait un dernier coup avant d'aller déjeuner ?

- Non, dis-je en ajustant ma jupe.

Qadmiel et moi nous sommes rencontrés une semaine après mon retour au pays, lors d'une soirée privée organisée par une amie pour fêter mon retour au bercail. Ce fut un véritable coup de foudre. Nous avons couché ensemble le soir même, ce qui ne m'était jamais arrivé auparavant. Après l'acte, je me suis éclipsée sur la pointe des pieds, honteuse d'avoir cédé aussi vite à un inconnu.

Les jours suivants, rongée par le remords, je me suis enfermée chez moi, refusant de sortir de peur de le croiser en ville. J'ai envoyé ma demande de stage par mail, et par chance, elle a été acceptée. Une fois au bureau, je m'enfermais dans mon bureau dès mon arrivée et priais pour ne jamais le revoir.

Je n'imaginais pas qu'il travaillait dans la même entreprise que moi. Quand je l'ai aperçu lors de notre plénière mensuelle, j'ai failli défaillir. J'ai feint l'indifférence, mais c'était sans compter sur la détermination de Qadmiel à me démasquer...

Flash-back

Dès que le PDG prononce son mot de fin, je quitte la salle de réunion à toute vitesse, comme si j'avais le feu aux fesses. J'espère que Qadmiel ne m'a pas reconnue, me dis-je en pressant le pas vers mon bureau.

Une fois à l'intérieur, je pousse un long soupir de soulagement. Ce que je redoutais depuis des semaines vient de me rattraper aujourd'hui. Bouleversée, j'essaie tant bien que mal de me concentrer sur ma journée de travail.

Quelques heures plus tard.

Toc toc toc

- Oui ?

La porte s'ouvre, révélant Qadmiel. Mon cœur manque un battement.

- Bonjour, dit-il.

- Bonjour, Monsieur. Que puis-je faire pour vous ? je lui réponds la gorge sèche.

- Sérieusement ? Tu ne me reconnais pas ? il me questionne en souriant.

- Non. Je devrais ?

- Tu n'es donc pas Iris ?

- Non.

- Ah, je vois. Pourtant, tu ressembles à une femme que j'ai rencontrée il y a quelques semaines.

- Ah, ok. Vous devez faire erreur, ce n'est pas moi.

- Je ne suis pas sûr de me tromper. Je suis physionomiste de nature. Ton regard, tes lèvres pulpeuses... Elles me disent le contraire. J'ai passé l'une des nuits les plus torrides de ma vie avec cette personne. Impossible que je ne la reconnaisse pas, dit-il en fixant mes lèvres.

- Je vous ai déjà dit que ce n'était pas moi. J'ai du travail. Si vous n'avez rien d'autre à dire, merci de me laisser travailler.

- Tu n'as donc aucun tatouage sous ton sein gauche ?

- Sortez de mon bureau, Monsieur.

Comme si je l'avais invitée à s'installer, il s'assied confortablement et croise les jambes. Je me lève et ouvre la porte.

- J'ai du travail, Monsieur Qadmiel.

Il sourit.

- Si ce n'est pas toi, comment connais-tu mon prénom ?

- Vous... vous me l'avez dit tout à l'heure, balbutié-je.

- À aucun moment je ne me suis présenté à vous depuis tout à l'heure que je suis rentré dans ce bureau.

- Bref, j'ai du travail. Sortez ou je crie au harcèlement.

- Du harcèlement ? Vraiment ? demande-t-il en souriant.

Qu'est-ce qu'il est beau ! Mon traître de cœur s'emballe, et je me déteste un peu plus.

- Très bien.

Il avance jusqu'à moi, s'arrête et me fixe intensément. Je détourne le regard, tentant de rester impassible. Il recule, fait mine de partir, mais revient brusquement. En une fraction de seconde, il m'attire contre lui, ferme la porte et me plaque violemment contre celle-ci. D'un geste brutal, il déchire ma chemise, révélant mon sein gauche et le tatouage. Il relève les yeux vers moi.

- Iris, murmure-t-il en croisant mon regard.

- Ça ne va pas ? je lui demande sous le choc.

- Pourquoi tu me fuis ? souffle-t-il sur ma peau.

Les frissons me parcourent, mes défenses s'effondrent. Là, contre la porte, je ne peux lui résister. Il me soulève et j'enroule mes jambes au tour de sa taille. Il écarte mon string et me pénètre sans préliminaire. J'étouffe mes gémissements dans le creux de son cou, espérant que ma secrétaire n'a rien entendu.

Fin du Flash-back

C'est depuis ce jour que notre histoire a commencé. Même après la deuxième fois, la honte ne me quittait pas. Je me disais que je m'étais comportée comme une fille facile. Mais, petit à petit, il m'a mise en confiance et m'a prouvé le contraire. Cela fait huit mois maintenant. Ma mère ne l'a découvert que le mois dernier, même si mon père le savait depuis je ne sais quand, en jouant les espions dans mon dos.

Laurenne GBÊDAN épouse AKUÊNU

Je suis confrontée à un problème de retard de dossier depuis ce matin. Jade étant en mission à l'étranger, toutes ses responsabilités me reviennent.

- Mais où est le dossier que j'ai demandé à cette fille il y a plus de dix minutes ? dis-je en décrochant le téléphone.

Je l'appelle à plusieurs reprises, mais elle ne répond pas. Agacée, je quitte mon bureau et me dirige vers le sien. Vide. Où peut-elle bien être ? Ce n'est pourtant pas dans ses habitudes de disparaître sans prévenir. Alors que je m'apprête à retourner dans mon bureau, des bruits étouffés attirent mon attention depuis la salle de bains. Intriguée, j'ouvre brusquement la porte et tombe sur Hervé et ma secrétaire en plein ébat.

- Seigneur ! Madame ? s'exclame-t-elle en repoussant précipitamment Hervé.

- Maman ? dit-il, stupéfait, en tentant de cacher son intimité avec sa main.

Je les fixe un instant, partagée entre la colère et la honte, puis referme lentement la porte sans un mot. Cet enfant me causera ma perte. Comment est-il possible qu'il ne puisse pas contrôler ses pulsions devant une paire de fesses ?

Toc, toc, toc.

- Oui ?

Hélène entre dans mon bureau, tremblante comme une feuille, le dossier à la main.

- Le dossier, Madame.

Elle avance à petits pas et pose le dossier sur mon bureau.

- Hélène ?

- Oui, Madame ?

- À partir de demain, je ne veux plus te voir dans cette entreprise. Laisse la clé de ton bureau en partant ce soir.

Elle se met à genou et commence à supplier.

- Pitié, ne me renvoyez pas ! C'était une erreur, je vous le promets. Ça ne se reproduira plus jamais, je vous le jure !

- Sors de mon bureau, je lui ordonne calmement.

Je reprends mon travail, ignorant ses supplications. Ce soir, j'attends Hervé de pied ferme à la maison. Il a à peine commencé à travailler comme son père l'a exigé lundi, et il trouve déjà le moyen de séduire ma secrétaire ! Mon mari le surveille comme du lait sur le feu, et il le sait. Une semaine à peine et il s'en prend déjà à mes employées, alors que l'entreprise compte plus de douze stagiaires et de nombreuses collaboratrices. On a introduit le loup dans la bergerie. Comment recadrer cet enfant ? Seigneur, aide-moi !

Anaïs AKUÊNU épouse DOSSOU-YOVO

- Va à l'entrepôt et sors-moi cinquante cartons de vin. Le livreur doit les emporter dans une heure.

- D'accord, Madame.

- Laisse ce que tu fais et exécute-toi. On a beaucoup de travail aujourd'hui. Allez, dépêche-toi ! ordonnai-je à mon employé, qui s'empresse de filer à l'entrepôt.

Les week-ends sont toujours très chargés, et aujourd'hui ne fait pas exception. Je vends toutes sortes de vins, du champagne et du whisky en gros. Ma cave à vin est impressionnante et réputée. Dans tout le pays, les amateurs de bons crus et les célébrités du showbiz savent que je propose des produits de qualité, même si mes prix sont élevés.

Mon commerce s'étend à travers tout le Bénin et jusqu'en Côte d'Ivoire, un pays où les fêtes et réjouissances sont légendaires. J'y réalise presque quatre fois plus de chiffre d'affaires qu'au Bénin. C'est l'une des raisons pour lesquelles je m'y rends régulièrement. Malgré mes nombreux voyages, ce pays occupe une place particulière dans mon cœur.

Dring dring dring

- Oui, Eunice ?

- Madame Azandégbè dit ne pas avoir reçu sa commande. J'ai vérifié dans le cahier des commandes en cours, mais je n'ai rien trouvé à son nom.

- Oh mince ! J'ai complètement oublié. Elle m'a appelée tard la semaine dernière pour passer sa commande. Son chauffeur est déjà là ?

- Oui.

- Demande-lui de patienter, j'arrive dans dix minutes maximum. Prépare tous les nouveaux pagnes Super Wax et Vlisco que j'ai ramenés de voyage.

- D'accord, madame.

Je raccroche et attrape mes clés de voiture.

- Charlène, viens me remplacer ici, s'il te plaît ! (lui dis-je en l'appelant) Continue la livraison des commandes et assure-toi que chaque client reçoive bien la sienne. Si tu rencontres un problème, appelle-moi. Et avant que le livreur de Diego ne parte avec les cartons de vin, vérifie que le nombre soit exact.

- D'accord, madame.

Je prends mon sac et file à la boutique. Quand on jongle avec plusieurs affaires à la fois, les imprévus sont inévitables. Je pourrais déléguer davantage, mais je préfère m'occuper moi-même de certaines choses.

En arrivant, je commence à préparer la commande de madame Azandégbè, l'épouse d'un député et propriétaire de plusieurs boutiques de pagnes. Elle vend en semi-gros et au détail, tout comme moi. Je vérifie minutieusement chaque article avant de l'appeler pour m'excuser. Sa fille, venue avec le chauffeur, contrôle les colis avant de procéder au virement. Une fois le paiement effectué, je prends des nouvelles de ma fille puis compose le numéro de la deuxième personne la plus importante dans ma vie. Il décroche à la deuxième sonnerie.

- Chérie ?

- Bonsoir, Doudou. Ça va ?

- Oui, et toi ?

- Ça va. Tu as déjeuné ?

- Pas encore, je suis débordé. Je ne pense pas avoir le temps de sortir.

- Je t'envoie le livreur ?

- D'accord. Merci chérie.

- Je t'en prie. À tout à l'heure. Je t'aime.

- Moi encore plus. Bisous.

Je raccroche et appelle Eunice.

- Eunice ?

- Oui, madame ?

- Tout est prêt pour les livraisons ?

- Oui, madame, tout est en ordre.

- Parfait. Je pars maintenant. Préviens-moi s'il y a un problème.

- D'accord, madame.

Je quitte la boutique et prends la direction du fast-food préféré de mon mari. Au lieu d'un livreur, c'est moi qu'il verra dans son bureau tout à l'heure.

Je me gare et entre dans le fast-food. Alors que je m'approche du comptoir, mon regard croise celui d'un homme. Je m'arrête net. Il me fixe, sa fourchette suspendue en l'air.

- Adéwolé ?

- Anaïs ? répond-il, posant la fourchette et la serviette sans me quitter des yeux.

Je le dévisage de la tête aux pieds, submergée par l'émotion. Sans réfléchir, je me jette à son cou et le serre de toutes mes forces, oubliant les regards autour de nous. Puis, réalisant qu'il ne répond pas à mon étreinte, je me détache lentement.

- J'ai essayé de te voir, mais ils m'en ont empêchée, dis-je en sanglotant.

- Ce n'est pas l'endroit pour cette discussion, répond-il calmement.

Je regarde autour de moi et remarque les curieux. Il sort du fast-food, et je le suis instinctivement.

- Je ne t'ai pas abandonné. Tes parents m'ont forcée à divorcer, je...

- Je suis au courant, m'interrompt-il.

- Pourquoi je lis du dégoût et de la colère dans tes yeux ?

- Ce n'est pas du dégoût, mais du regret.

- Moi aussi, je regrette que notre mariage ait pris cette tournure. Je le regrette tellement...

- Moi, je regrette surtout d'avoir lié ma vie à la tienne, Anaïs Akuênu, lâche-t-il froidement.

Je reste figée.

- Tu regrettes de m'avoir épousée ?

- À un point que tu ne peux imaginer. Je te demande de ne plus t'approcher de moi. Je ne te tiens pas rancune, mais je veux rester loin de toi. Je tiens à ma vie.

Il me tourne le dos.

- Tu crois, comme tes parents, que je suis responsable de ce qui t'est arrivé ?

- Prends soin de toi, Anaïs, dit-il avant de monter dans sa voiture.

Je le regarde partir, immobile. Mes jambes tremblent tandis que je retourne à ma voiture. À peine assise, j'éclate en sanglots, secouée par la douleur.

Comment peut-il penser ça de moi ? Comment croire à ces calomnies ? Il était mon monde, mon premier mari, celui qui m'a conduite à l'autel et glissé une bague au doigt. Nous étions si proches, si fusionnels...

Les souvenirs douloureux que j'avais enterrés resurgissent brutalement. Adéwolé, mon ex-mari, m'a quittée il y a quatre ans. Une longue, très longue histoire, trop pénible à raviver, même si la blessure semble s'être rouverte aujourd'hui.

            
            

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