Chapitre 4 04

La créature s'arrêta à quelques pas d'elle, son regard perçant scrutant Nyssa avec une intensité glaciale. Elle n'avait aucune illusion : ce n'était pas simplement un ennemi, mais un être qui portait un savoir ancien, une connaissance que les générations passées avaient oubliée, et que sa propre meute n'avait jamais eu à affronter.

La brume qui les entourait semblait vibrer au rythme des battements du cœur de Nyssa, chaque pulsation marquant un écho à la voix de la créature. Le vent sifflait autour d'eux, portant avec lui des murmures indiscernables, comme si la terre elle-même avait été animée d'une volonté propre, prête à répondre à l'appel de cette présence.

« Pourquoi venez-vous ? » demanda Nyssa d'une voix ferme, même si une part d'elle-même tremblait intérieurement. Elle savait que ce n'était pas une simple question. Ce n'était pas juste un combat à mener. C'était l'ultime épreuve qui se dressait devant elle.

La créature leva une main fine et éthérée, semblant se perdre dans l'obscurité elle-même, comme si elle était en train de manipuler la réalité. « Je ne viens pas, Nyssa. J'ai toujours été ici, depuis les premières marées du monde. » La voix de la créature se fit plus douce, presque intime, mais chaque mot avait un poids lourd comme le tonnerre avant la pluie. « Tout ce que vous croyez savoir n'est qu'un masque, un voile dissimulant la vérité. La guerre entre les meutes n'est qu'un jeu d'ombres. Votre vengeance, vos luttes, elles ne sont que des ombres de ce qui se trame dans l'obscurité. »

Nyssa resta figée, sentant un frisson glacial lui parcourir l'échine. Ses poings se serrèrent encore plus fort, les griffes transperçant la peau de ses paumes, mais elle ne laissa aucune émotion percer sur son visage. Elle avait traversé trop de souffrances pour fléchir maintenant.

« Vous parlez en énigmes, » répondit-elle, plus pour affirmer sa présence que pour chercher une explication. « Je ne suis pas là pour écouter des discours. Montrez-moi ce que vous êtes vraiment, ou reculez avant que je ne vous arrache ce masque. »

La créature inclina légèrement la tête, une lueur d'amusement scintillant dans ses yeux. « Vous êtes une guerrière, Nyssa Valcourt. Mais vous n'êtes pas prête à comprendre. Pas encore. »

Elle étendit alors ses bras, et d'un geste fluide, elle fit apparaître une vision dans l'air, un reflet du passé. Les images se superposaient lentement, distordues mais compréhensibles à celui qui savait regarder. Nyssa vit des images de son propre clan, ses parents, les alphas déchus, et l'instant où la meute des Nightfangs les avait anéantis. Les éclats de douleur de ce jour-là, la terreur dans les yeux des siens, le sang qui inondait le sol... Tout revint dans un tourbillon qui faillit la faire chanceler. La créature observait la scène avec un regard presque distant, comme si elle savait déjà ce que Nyssa allait ressentir.

« C'est là que tout a commencé, n'est-ce pas ? » dit-elle, sa voix s'éteignant en une fine vibration. « Mais ce n'était qu'une partie du grand jeu. »

Le sol trembla sous les pieds de Nyssa, comme une promesse de chaos imminent. Les images du passé se dissipèrent, mais leur impact restait gravé dans son esprit. Elle avait vu la mort de sa famille, elle avait vu la destruction de sa lignée. Mais ce qu'elle comprenait maintenant, c'était que ce massacre n'était pas seulement une attaque des Nightfangs. Ce n'était qu'un déclencheur, un catalyseur pour un plan plus vaste. Elle était, malgré elle, une pièce d'un échiquier plus grand, un jeu auquel elle n'avait jamais consenti à participer.

La créature fit un pas en avant, brisant la distance entre eux, et approcha son visage d'à peine quelques centimètres du sien. « Ce que vous cherchez, Nyssa, c'est une vengeance, une justice personnelle. Mais ce que vous trouverez, c'est la vérité qui vous brisera. »

Nyssa fixa ses yeux, refusant de céder à la peur, mais elle savait, au fond d'elle-même, que la créature avait raison. Tout ce qu'elle avait cru connaître était sur le point de s'effondrer, et ce qu'elle pensait être sa mission n'était qu'une fraction de l'histoire. Ce monde, les meutes, les alliances, tout était plus complexe et plus ancien qu'elle ne l'avait imaginé.

« Je suis prête à payer le prix, » répondit-elle, sa voix tremblante de rage contenue. « Que la vérité me brise si elle doit le faire. Mais je ferai face à ce qui m'attend. »

La créature sourit, et dans un éclat de lumière étrange, elle se dissipa dans l'air, ne laissant derrière elle que la chaleur du vide. L'aura de menace persistait, flottant autour de Nyssa comme une présence intangible.

Les membres de son groupe, toujours en retrait, s'avancèrent lentement, leurs visages marqués par l'inquiétude et la confusion. Kalen s'arrêta à côté d'elle, son regard fixé sur l'endroit où la créature se tenait encore, comme si elle n'avait jamais existé. « C'était... un avertissement, n'est-ce pas ? »

Nyssa hocha la tête, un frisson d'appréhension traversant son corps. « Un avertissement et un défi. »

Elle se tourna alors vers ses alliés, son regard ferme. « La guerre n'est pas terminée. Elle n'a fait que commencer. Et cette fois, ce n'est pas seulement notre survie qui est en jeu. C'est la vérité elle-même. »

Le silence s'installa à nouveau, pesant et lourd, avant que Kalen ne parle à son tour, ses mots posés mais graves. « Que devons-nous faire maintenant ? »

Nyssa soupira, la rage et la fatigue se mêlant en elle. « Nous allons découvrir ce que cette créature voulait dire. Et nous le ferons en affrontant l'inconnu, jusqu'à ce que la vérité nous soit révélée. »

L'heure était venue. La traque allait reprendre, mais cette fois-ci, Nyssa savait que le prix à payer serait bien plus élevé que tout ce qu'elle avait imaginé.

Le vent se leva lentement, une brise glaciale qui semblait souffler des promesses anciennes. Nyssa, les bras croisés sur sa poitrine, fixait l'horizon, son esprit tourbillonnant sous le poids de la rencontre. Chaque souffle qu'elle prenait était lourd de sens, chargé d'une tension qu'elle n'avait pas ressentie depuis des années. La créature, si énigmatique et imposante, avait ouvert une porte sur quelque chose de plus vaste que la vengeance personnelle qu'elle poursuivait depuis une décennie. Ce n'était pas simplement une guerre entre meutes. Ce n'était pas juste une question de survie ou de revanche. Il y avait une toile de fond plus sombre, une vérité qu'elle devait affronter, même si cela signifiait que tout ce qu'elle croyait connaître allait être remis en question.

Elle tourna lentement la tête vers Kalen, qui l'observait attentivement. Ses yeux, habitués à lire les moindres nuances des visages, cherchaient des réponses dans les siens. Mais Nyssa ne pouvait rien lui offrir pour l'instant. Elle était seule dans sa tête, seule avec ses pensées. Elle avait l'impression d'avoir été poussée dans une réalité qu'elle ne comprenait plus entièrement, où ses ennemis n'étaient que des pions dans un jeu qui la dépassait.

Kalen s'avança, brisant le silence lourd qui les entourait. « Tu penses qu'elle disait la vérité ? Que tout ce qu'on croit savoir est faux ? »

Nyssa ferma les yeux un instant, se concentrant sur la tempête intérieure qui grondait en elle. Elle n'avait pas de réponses, mais elle savait que chaque mot de la créature portait une vérité cachée. « La vérité n'a jamais été un simple concept, Kalen. » Sa voix était rauque, mais déterminée. « Ce que nous croyons être juste, ce que nous poursuivons, ce n'est qu'une facette d'un tout bien plus complexe. »

Les autres membres de leur groupe s'étaient rassemblés autour d'eux, comme s'ils pressentaient que la suite de leur quête allait changer leur destinée à jamais. Mais aucun d'eux n'osait poser la question qui brûlait leurs lèvres : que faire maintenant ? Comment avancer quand les bases mêmes de leur lutte avaient été ébranlées ?

Kalen soupira, son regard tombant sur le sol. « Alors, on continue à traquer les Nightfangs ? » demanda-t-il, l'incertitude s'infiltrant dans ses paroles. « Ou bien on part à la recherche de ces... vérités ? »

Nyssa tourna son regard vers lui, une étincelle de feu dans les yeux. « Nous devons trouver les deux. » Elle prit une grande inspiration, sentant le poids de sa décision. « Les Nightfangs sont toujours notre ennemi, mais ce que la créature a révélé change tout. Il y a des forces plus anciennes à l'œuvre ici, et je ne peux pas les ignorer. »

Il la fixa, puis acquiesça lentement. Il savait que Nyssa ne faisait jamais de compromis. Elle ne se contentait jamais d'une moitié de réponse. Lorsqu'elle décidait quelque chose, c'était avec la certitude qu'elle allait jusqu'au bout, même si la route était semée d'embûches.

« Très bien. Mais nous devons être prêts à tout. » Kalen marqua une pause avant d'ajouter, son ton devenant plus grave. « Si cette vérité est aussi sombre que tu le penses, si ce jeu est plus vaste que ce que nous imaginons, alors... personne ne sera en sécurité. »

Nyssa acquiesça, son regard devenant plus dur, plus froid. Elle savait que ses alliés, bien que loyaux, étaient eux aussi en proie au doute. Et elle comprenait leurs craintes. Mais elle n'avait plus de temps à perdre. Le passé n'était qu'un fardeau lourd à porter, et l'avenir, aussi incertain soit-il, exigeait qu'ils avancent.

« C'est pour cela qu'on ne reculera pas, Kalen. » Son regard se tourna vers l'horizon, là où la nuit commençait à tomber. « La guerre ne fait que commencer. Et tant que je respire, je me battrais. »

Un silence s'installa de nouveau. Chacun, à sa manière, sentait l'ampleur de ce qui allait suivre. Les meutes, les alliances, les trahisons - tout cela n'était que l'ombre d'un plan bien plus vaste, un plan qui se déployait sous leurs pieds sans qu'ils en aient encore saisi toutes les ramifications. Mais Nyssa n'avait plus d'illusions. Elle savait que chaque pas qu'elle faisait la rapprochait d'un destin qu'elle ne comprenait pas encore entièrement. Un destin qui ne dépendait pas seulement de ses ennemis, mais de forces qu'elle ne pouvait même pas imaginer.

Alors, avec un dernier regard échangé avec ses compagnons, Nyssa tourna les talons. « On se met en marche. » Sa voix était ferme, mais à l'intérieur, elle sentait la vague de l'incertitude la frapper de plein fouet. Mais il n'y avait pas de retour possible. La traque était finie. La guerre commençait.

Et dans l'ombre, quelque part, les pièces de ce jeu ancien se déplaçaient, invisibles mais omniprésentes.