Chaque instant semblait l'éloigner un peu plus de sa vie antérieure, un peu plus de la personne qu'elle avait été avant qu'elle ne franchisse cette porte.
Elle passait ses journées dans les vastes bibliothèques, fouillant les livres anciens, cherchant des réponses à des questions qu'elle n'osait même pas formuler. Les écrits qu'elle trouvait ne faisaient qu'ajouter à la confusion. Des récits de créatures mythologiques, des guerres d'antan, des prophéties oubliées. Tout se mêlait dans son esprit, comme un puzzle incomplet, dont elle n'arrivait pas à voir l'image finale.
Mais une chose était certaine : elle ne pouvait plus fuir. Viktor ne l'avait pas seulement avertie. Il avait vu au-delà de ses peurs et de ses résistances, il avait vu la vérité qu'elle n'osait même pas imaginer. La vérité qui la liait à ce monde obscur, un monde où elle n'était ni la victime ni la spectatrice, mais une actrice déterminante.
La louve... Cette silhouette blême qui hantait ses pensées chaque nuit, n'était pas seulement une image dans son esprit. Elle était un symbole. Une partie d'elle, une partie de ce qu'elle devait devenir. Elle l'avait vue dans ses rêves, ses cauchemars, mais à présent, elle sentait cette présence se manifester en elle, dans chaque battement de son cœur, dans chaque souffle. La métamorphose ne faisait que commencer.
Un soir, alors que la brume s'épaississait autour du manoir, Viktor vint la trouver, sa silhouette imposante se découpant dans l'ombre du couloir. Il ne parlait jamais sans raison, et lorsqu'il se présentait ainsi, c'était pour annoncer un changement.
- Alina, il est temps. Sa voix, grave et calme, résonna dans la pièce sombre. Tu ne peux plus ignorer ce qui t'attend. Tu as ressenti la présence de l'Alpha dans tes visions. Il est proche.
Elle releva les yeux vers lui, cherchant dans son regard une lueur de réponse, mais il restait impassible, presque insensible à la tourmente qui se lisait sur son visage.
- Je ne suis pas prête, dit-elle d'une voix tremblante, comme une supplication. Je ne peux pas... affronter ça. Affronter lui.
Viktor s'approcha d'elle, un sourire en coin, mais ce n'était pas un sourire de réconfort. Il savait que la peur, aussi légitime fût-elle, ne changerait rien à ce qui était inévitable.
- Tu penses que la peur peut te sauver ? Il secoua la tête, son expression durcissant. Tu dois comprendre, Alina. Cette peur... elle est le seul fil qui te relie encore à ton ancienne vie. Si tu veux vraiment t'affranchir de ce poids, tu dois accepter ce qui vient. L'Alpha ne te jugera pas pour tes hésitations. Mais il ne te laissera pas le choix. Il est ton seul chemin, celui qui te guidera. C'est lui qui te fera comprendre ce que tu dois devenir.
Il s'éloigna alors, disparaissant dans l'obscurité du manoir, laissant Alina seule, face à ses propres tourments. Ses pensées s'enchaînaient rapidement, sans qu'elle puisse les ralentir. Tout cela lui semblait irréel. Elle était prête à se perdre, à s'effacer dans les ombres, mais la lumière de ce destin nouveau l'appelait. Ce lien avec l'Alpha... ce lien qu'elle sentait croître chaque jour... Était-ce là sa seule option ?
Elle n'avait plus d'autre choix que de suivre ce chemin. Elle était prête à tout, ou presque, mais une dernière question la brûlait encore. Si elle acceptait, si elle se soumettait à cet Alpha mystérieux, qu'adviendrait-il d'elle ? Qu'adviendrait-il de sa liberté ?
La porte du manoir s'ouvrit brusquement, le vent frais de la nuit s'engouffrant dans la pièce. Alina sursauta. Viktor était revenu. À sa suite, une silhouette haute et imposante apparut dans l'embrasure de la porte.
Il était là.
L'Alpha.
Alina se figea sur place, le souffle coupé par la présence imposante qui venait d'entrer dans la pièce. Elle n'avait jamais vu cet homme, mais tout en elle savait immédiatement qu'il n'était pas simplement un autre homme. Il portait en lui une force indescriptible, une aura d'autorité et de mystère qui semblait l'envelopper comme une brume dense. Son regard perça l'obscurité de la pièce, se posant sur elle avec une intensité qui la fit frissonner jusque dans ses entrailles.
Ses yeux étaient d'un gris presque translucide, comme s'ils étaient faits de la brume d'un matin glacé, ou du métal frappé par un froid surnaturel. Il était grand, bien plus grand que Viktor, et son corps semblait sculpté dans une matière plus dure que la pierre, chaque mouvement marqué par une puissance retenue. Mais ce n'était pas sa stature imposante qui déstabilisait Alina. C'était la sensation étrange et envahissante qu'il la comprenait déjà, qu'il savait tout de ce qu'elle ignorait encore.
Il s'arrêta à quelques pas d'elle, sans rien dire pendant de longues secondes. Ce silence pesant semblait remplir l'espace d'une tension palpable. Viktor se tenait en retrait, comme un spectateur, laissant l'Alpha faire face à Alina seule. La lumière tamisée de la pièce semblait se concentrer autour de lui, projetant une ombre qui déformait les contours de la pièce.
Enfin, l'Alpha prit la parole, sa voix grave et profonde résonnant dans l'air froid.
- Alina Volkova... Le simple son de son nom prononcé par lui avait quelque chose de solennel, comme si chaque syllabe était imprégnée d'un poids immense. Tu as attendu, hésité, repoussé ce moment. Mais il est maintenant trop tard pour reculer.
Elle ne répondit pas immédiatement. Les mots étaient coincés dans sa gorge, la panique montant lentement, insidieusement. Il y avait une autorité indiscutable dans sa voix, une force primale qui exigeait d'être écoutée. Mais au-delà de cette autorité, Alina sentait quelque chose d'autre. Un lien, imperceptible mais puissant, qui la liait à lui d'une manière qu'elle ne pouvait expliquer.
Il s'approcha d'un pas, son regard scrutant ses traits avec une intensité presque douloureuse. Alina sentit son cœur s'emballer, une chaleur incontrôlable se répandant dans son corps, comme une flamme dévorant un bois sec. Elle ne comprenait pas pourquoi sa réaction était si violente, mais elle savait que quelque chose d'important se jouait ici.
- Tu n'as pas encore compris, n'est-ce pas ? L'Alpha murmura, presque pour lui-même. Puis il la fixa à nouveau, et son regard se fit plus perçant. Tu es la clé de tout ce qui se trame ici. Pas seulement de ce qui se passe dans ce manoir, mais de bien plus. C'est toi qui vas ouvrir la porte. Mais seulement si tu acceptes ce que tu es réellement.
Les mots résonnèrent en elle, creusant des fissures dans la réalité qu'elle connaissait. Quelque chose d'inconnu se dévoilait, un pouvoir en elle qu'elle n'avait jamais cherché, qu'elle n'avait jamais voulu. Mais au fond d'elle, une vérité se faisait jour : elle n'était pas comme les autres. Elle n'avait jamais été comme les autres.
Son esprit se noya dans un tourbillon de questions, de confusion et de peur. Comment pouvait-elle accepter ce qu'il lui disait, ce qu'il insinuait ? Mais en même temps, une voix intérieure, plus profonde, lui soufflait que cette rencontre n'était pas un hasard. Que cet homme était lié à elle d'une manière qu'elle ne comprenait pas encore, mais qu'elle allait devoir accepter, tôt ou tard.
L'Alpha fit un pas en avant, se tenant désormais à quelques centimètres d'elle, si proche qu'elle pouvait sentir la chaleur de son corps, l'énergie qui émanait de lui. Il tendit une main, paume ouverte, vers son visage.
- Alina... Il murmura son prénom comme une incantation. Je sais ce que tu ressens. La peur, la confusion. Mais cette peur, elle fait partie de ce que tu dois devenir. Tu es celle qui va bouleverser l'équilibre de ce monde. Tu n'as pas encore découvert toute l'étendue de ton pouvoir... Mais je vais t'aider à l'éveiller. Si tu le veux.
Ses mots, lourds de sens, pendaient dans l'air. Alina se sentit défaillir sous l'impact de son regard. Chaque fibre de son être criait qu'elle devait fuir, qu'elle ne devait pas se laisser entraîner dans cet univers sombre et dangereux. Mais une autre part d'elle, plus profonde, plus intime, la poussait à s'abandonner, à céder à cet appel qui la guidait sans qu'elle puisse le maîtriser.
Elle ferma les yeux un instant, son esprit cherchant une issue, une possibilité de fuir ce destin imposé. Mais lorsqu'elle les rouvrît, elle savait que quelque chose en elle avait changé. Le lien qui la rattachait à cet homme, à cet Alpha, était trop fort pour qu'elle puisse l'ignorer davantage.
Elle prit une profonde inspiration, et d'une voix presque inaudible, elle répondit :
- Je... je suis prête.
L'Alpha esquissa un sourire, un sourire qui n'était ni rassurant ni bienveillant, mais qui dégageait une forme de satisfaction, comme si le pire, ou le meilleur, était sur le point de commencer.
- Alors, la voie est ouverte. Il tendit alors la main vers elle, et cette fois, elle la prit.