Chapitre 4 Chapitre 4

Lyra entra dans la ville avec une détermination silencieuse, ses pas mesurés et son regard fixé sur l'horizon. Il y avait quelque chose dans l'air, une tension qu'elle ressentait sans même l'expliquer. La ville qui l'avait un jour rejetée, qui l'avait vue fuir, semblait maintenant l'attirer, comme si elle l'appelait. Elle n'était plus la même, mais les murs, les rues, les souvenirs, tout semblait encore vibrer de l'ancienne énergie qu'elle avait laissée derrière elle.

À côté d'elle, un petit garçon marchait avec une assurance étonnante pour son âge. Il était si calme, ses yeux d'or brillant sous la lumière douce du matin, scrutant chaque recoin comme s'il savait déjà ce qui l'attendait. Il ne parlait pas, mais il était là, et ses yeux, si semblables à ceux de Lucian, portaient en eux une profondeur étrange. Lyra ne pouvait pas ignorer l'évidence. Ce regard... c'était le sien, et pourtant ce n'était pas tout à fait le même.

Elle s'arrêta devant une maison qu'elle reconnaissait. Elle n'avait jamais cru qu'elle y reviendrait. Mais le petit garçon, la main posée sur sa jupe, semblait l'inviter, comme un signe, un appel muet. Elle se sentit attirée. Une partie d'elle voulait fuir, l'autre, plus forte, voulait affronter ce qu'elle avait laissé derrière.

Elle tourna la poignée. La porte s'ouvrit dans un grincement léger. Le silence à l'intérieur était oppressant, mais il n'était pas froid. Elle avait quitté cet endroit avec la sensation que tout était en équilibre, et maintenant, c'était la même chose, mais dans une version déformée, comme si le temps avait figé les choses tout en les modifiant subtilement.

Le garçon entra avant elle, ses petites mains touchant les murs comme s'il les reconnaissait aussi. Lyra s'immobilisa, son cœur battant plus fort, une sensation de malaise la traversant. « D'accord », murmura-t-elle dans sa langue intérieure, « c'est ici que tout va changer. » Mais elle n'était pas prête, pas encore. Son regard se posa sur le petit, et elle comprit qu'elle avait une mission bien plus grande que de simplement se venger.

Ses pensées furent interrompues par un bruit dans l'escalier, un bruit léger mais soudain. Lyra se tourna, ses yeux se durcissant instantanément.

Un homme descendait les marches. Sa silhouette était imposante, ses mouvements fluides, presque prédateurs. Lorsqu'il leva les yeux vers elle, elle n'eut aucun doute. C'était Lucian. Le même regard intense qu'elle avait connu, le même Alpha, mais celui qui, à une époque, l'avait laissée derrière, comme un fardeau.

Elle s'était préparée à ce moment, mais rien n'aurait pu la préparer à ce regard. Il la scrutait, cherchant peut-être à découvrir l'étrange sensation qu'il ressentait à sa présence. Un silence lourd passa entre eux avant qu'il ne prenne la parole, son ton incertain mais presque amusé.

« Lyra », murmura-t-il, comme si le nom avait un goût étrange sur ses lèvres. Il se leva lentement, son regard se fixant maintenant sur le petit garçon qui, silencieux, observait les changements autour de lui. Lucian ne semblait pas comprendre immédiatement. Ses yeux passèrent de Lyra au garçon, puis à nouveau sur elle, comme si un doute grandissait en lui.

Lyra croisa les bras, détournant légèrement le regard. « Tu ne sembles pas vraiment surpris. »

Lucian émit un bruit sec, un éclat de surprise dans ses yeux. « Je ne suis pas sûr de savoir ce que je devrais ressentir. » Puis il se tourna vers le garçon, qui continuait à l'observer sans rien dire. « Il... il est à toi ? » demanda-t-il enfin, une question emprunte de confusion et d'incertitude.

Lyra hocha doucement la tête. « Oui. » Le mot semblait plus lourd qu'il n'aurait dû l'être. Elle avait une responsabilité envers lui, envers son héritage. C'était un enfant de l'ombre, un enfant que Lucian n'avait jamais vu venir.

Lucian fit un pas en avant, mais s'arrêta brusquement, comme s'il craignait de trop s'avancer. « Il a... ses yeux », murmura-t-il, l'air distrait, comme s'il avait été frappé par une révélation. Il fixa à nouveau le garçon, puis, lentement, tourna son regard vers Lyra. « Pourquoi maintenant ? »

Elle serra les poings, luttant contre la vague de colère qui montait en elle. « Parce qu'il est temps », dit-elle d'une voix plus forte, plus assurée que ce qu'elle ressentait. « Le passé n'a plus de prise sur nous. Il est temps de réparer ce que vous avez brisé. »

Lucian l'observa un instant, un mélange de culpabilité et de confusion dans son regard. Mais il n'eut pas le temps de répondre. Le garçon s'avança à pas lents, se rapprochant de Lucian. Ce dernier s'immobilisa, son regard se durcissant en une fraction de seconde. Puis, avant qu'il ne puisse réagir, le garçon leva la main, tendue, et Lucian se figea. Il resta là, sans savoir comment réagir, comme paralysé par l'intensité du regard du petit.

« Qu'est-ce que... ? » commença-t-il, mais le garçon l'interrompit d'un simple geste de la main. Il n'avait pas encore parlé, mais il semblait comprendre bien plus que ce qu'il laissait paraître.

Lyra s'approcha à son tour, son regard se faisant plus sombre. « Il n'est pas comme toi. Il n'a pas été façonné par ton rejet », dit-elle froidement, avant de se tourner vers le petit, qui la regardait maintenant avec une étrange sagesse dans ses yeux.

Lucian observa le garçon une dernière fois, comme s'il essayait de comprendre ce que son regard signifiait. Puis, sans un mot, il détourna les yeux, une part de lui déconnectée du présent, de cette réalité qu'il n'avait pas choisie.

Lyra se tourna vers lui. « Nous sommes ici pour récupérer ce que tu nous as pris. » Sa voix était froide, sans aucune émotion. Elle ne voulait pas de confrontations, mais elle savait que cela ne se terminerait pas sans un affrontement. Le silence qui suivit fut lourd de promesses non dites.

Lucian hocha lentement la tête, son regard se braquant une dernière fois sur le garçon avant de se tourner vers Lyra. « Je ne sais pas ce que tu veux exactement, mais tu ne comprends pas encore. » Il fit une pause, cherchant ses mots. « Tu crois que tu es prête à affronter ce qui nous lie, mais tu ne l'es pas. »

Elle sourit, un sourire glacé, et répondit : « Je ne suis pas là pour comprendre. Je suis là pour gagner. »

À ces mots, un étrange silence envahit la pièce, un silence chargé de tension. Lyra avait fait son choix. Le petit garçon, toujours immobile à ses côtés, sembla approuver, comme s'il savait déjà tout ce qui allait suivre.

Lucian ne répondit pas immédiatement, mais ses yeux, qui semblaient désormais empreints de la même lourdeur que ceux de Lyra, trahirent une profondeur qu'il ne pouvait cacher. Un dernier regard échangé, et il tourna les talons, sa silhouette disparaissant dans l'ombre.

Lyra et le garçon restèrent là, au centre de la pièce, unis par un lien que même Lucian ne pourrait jamais briser. Le jeu de pouvoir venait à peine de commencer.

Lucian s'était arrêté net au bord de la rue, une sensation étrangère parcourant son corps. Un frisson glacé, inexplicable, remontait le long de sa colonne vertébrale, comme si quelque chose, ou plutôt quelqu'un, venait d'entrer dans son espace. Il tourna la tête brusquement, ses yeux scrutant la rue bondée, mais il n'y avait rien de visible. Pourtant, l'impression persistait, insidieuse. Ce n'était pas la première fois qu'il ressentait une telle chose. Chaque fibre de son être lui hurlait qu'elle était proche.

Il secoua la tête, se forçant à ignorer ce pressentiment. Après tout, il n'y avait aucune raison que Lyra soit de retour dans cette ville. Il l'avait chassée il y avait trop d'années, et depuis, la guerre contre son propre passé avait pris une place plus importante que tout le reste. Pourtant, cette impression ne le quittait pas. Elle se faufilait dans ses pensées, déformant ses sens. Il se mordit la lèvre inférieure, ses poings se serrant dans ses poches.

Soudain, un cri retentit, une voix qu'il connaissait bien. Une voix qu'il n'avait pas entendue depuis des années. Son cœur s'arrêta un instant. Lyra. Il n'eut besoin de rien d'autre pour comprendre qu'elle était là, qu'elle était revenue.

Son regard se tourna alors, incapable de l'empêcher. Il la vit. Là, au milieu de la foule, sa silhouette familière, marquée par le temps, mais reconnaissable entre mille. Elle était différente. Son visage avait changé, mais ses yeux, toujours aussi perçants, restaient les mêmes. Elle était de retour. Ses mains tremblèrent légèrement, mais il refusa de se laisser submerger par cette vague d'émotions qui menaçait de l'envahir. Il avait vu beaucoup de choses en tant qu'Alpha, mais rien de ce qu'il avait vécu n'avait jamais été aussi complexe.

Il la suivit du regard, mais il n'osa pas bouger. Tout semblait figé autour de lui. Il n'avait pas anticipé cette rencontre. Ni lui, ni elle. Et pourtant, il sentait que tout allait changer. Les souvenirs de leur passé resurgirent instantanément dans son esprit. Leur lien, cette connexion qu'il avait un jour rejetée, se faisait plus forte à chaque seconde.

Il tourna alors brusquement les talons, disparaissant dans une ruelle. Il ne voulait pas la confronter ici, pas dans cet endroit, pas à ce moment-là. Il savait que son retour marquait le début d'une nouvelle ère. Mais il n'était pas prêt à l'affronter. Pas encore.

Lyra déambula dans le marché, ses pas rapides mais silencieux. Son cœur battait plus fort qu'elle ne l'aurait voulu, mais elle ne se laissait pas distraire. Elle n'était pas là pour ressasser le passé. La ville était un endroit dangereux pour elle, mais c'était aussi le seul endroit où elle pourrait trouver ce qu'elle cherchait. Il lui avait fallu des années pour comprendre, mais elle savait maintenant ce qu'elle devait faire.

Le petit garçon marchait silencieusement à ses côtés, comme une ombre fidèle. Il n'était pas comme les autres enfants de son âge. Il n'était pas enfant, pas tout à fait. Il était son héritage, mais il portait également en lui un fardeau qu'elle ne pouvait expliquer. Un fardeau qu'elle avait juré de protéger. Le regard de l'enfant brillait d'une intelligence étrange, et parfois, lorsqu'il la regardait, elle avait l'impression qu'il en savait bien plus qu'elle.

Elle s'arrêta devant un étalage, feignant l'intérêt pour les produits en vente. Mais ses yeux balayèrent la rue, guettant le moindre signe, la moindre réaction. Elle savait que Lucian la cherchait. Il n'était pas du genre à oublier aussi facilement. S'il l'avait sentie, il la chercherait, il viendrait. Elle avait fait son choix en revenant ici, elle en connaissait les risques. Mais son objectif était bien plus grand que la simple vengeance. Elle avait un plan, et pour le mettre à exécution, il lui fallait le confronter.

Ses pensées furent soudainement interrompues par un bruit léger, un mouvement furtif dans la foule. Elle se figea. Une silhouette, familière. Elle n'eut pas besoin de la voir pleinement pour comprendre. C'était lui. Lucian. Il se tenait là, quelques mètres devant elle, semblant hésiter. Son regard se braqua directement sur elle, et la tension entre eux, autrefois palpable, se fit plus forte que jamais.

Ils se fixèrent un instant. Aucun mot n'était prononcé, mais tout était dit dans ce regard. Ce n'était pas la rencontre qu'elle avait imaginée. Non, cette confrontation ne portait pas le poids de la colère. Ce n'était pas un affrontement. C'était un simple constat : Lucian, l'Alpha qui l'avait rejetée, était toujours là, toujours présent, mais quelque chose en lui avait changé. Ses yeux, froids comme la glace, ne pouvaient dissimuler l'inquiétude qu'elle percevait. Elle avait raison de revenir. Mais il ne comprendrait pas tout de suite. Il n'était pas prêt.

Elle détourna lentement le regard, consciente de la présence du petit garçon à ses côtés. Il ne bougeait pas, ne parlait pas. Il regardait Lucian, mais d'une manière différente, comme s'il reconnaissait quelque chose que Lyra ignorait. Elle serra les dents, son esprit vacillant entre la colère et l'indifférence. Lucian ne lui avait jamais demandé de revenir. Et pourtant, il la voyait. Il la voyait, et il se sentait perdu.

« Lyra », dit-il enfin, sa voix rauque, comme s'il était encore sous le coup du choc. Il fit un pas en avant, mais elle le coupa d'un simple geste de la main. Elle n'était pas prête à entendre ses excuses, ses justifications. Non, elle ne voulait rien de tout cela. Elle avait plus important à faire.

« Je n'ai pas besoin de tes paroles », dit-elle, sa voix glaciale, mais ferme. Elle ne l'avait pas quitté des yeux. « Ni de ton pardon. »

Il la fixa un moment, ses traits se durcissant. Puis il sembla hésiter. Il la regarda encore, mais il n'osa pas s'approcher davantage. « Tu es de retour pour quoi ? » demanda-t-il, sa voix désormais plus basse, presque une supplication.

Lyra croisa les bras, un sourire amer se dessinant sur ses lèvres. « Pour toi ? Non. Pour la meute ? Pas non plus. Je suis ici pour ce que tu as brisé, pour ce que tu as fait. » Elle marqua une pause, et ses yeux se posèrent sur le garçon. « Ce garçon n'a rien à voir avec toi. Mais il a tout à voir avec moi. Et toi, Lucian, tu n'es qu'un obstacle."

Lucian se redressa, son regard se durcissant. « Il est comme toi », dit-il, un éclat de compréhension dans ses yeux. « Ce n'est pas possible. »

« Ne parle pas de lui », répliqua Lyra, son ton soudainement plus menaçant. « Tu ne comprends rien. Mais tu finiras par comprendre. »

Avant qu'il ne puisse répondre, elle tourna les talons, emmenant l'enfant avec elle. Lucian resta là, seul dans la rue, ses pensées tournant en spirale autour de ses questions sans réponses. Mais une chose était sûre : Lyra était de retour, et elle ne repartirait pas sans dénouer les fils de cette histoire qu'il avait lui-même laissée dans l'ombre.