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Lyra n'avait jamais été aussi forte. Cinq années de silence, cinq années à forger son corps et son esprit, loin de la meute, loin de l'Alpha qu'elle avait cru être son destin. Elle n'était plus la jeune oméga fragile, celle qui avait cru que l'amour serait une bénédiction. Non, aujourd'hui, elle était une guerrière. L'ombre de la Lyra d'autrefois était désormais tout ce qu'elle laissait derrière elle. Chaque mouvement qu'elle faisait, chaque décision qu'elle prenait était imprégné de la douleur de son passé, mais aussi de la force qu'elle en avait tirée.
Dans cette ville, elle n'était pas une femme brisée, mais une silhouette d'acier, un fantôme que personne ne voulait croiser. Elle était rapide, silencieuse, avec les yeux d'un prédateur. Ses ennemis la redoutaient avant même de savoir qui elle était. Les rumeurs se propageaient à son sujet, mais elles n'étaient que des murmures effrayés. Des chasseurs, des voleurs, des traîtres, peu importe leurs titres, tous avaient appris à connaître son nom : Lyra la Guerrière. Personne ne savait d'où elle venait, ni comment elle avait acquis ces compétences qui frôlaient la perfection. Mais chacun savait qu'elle ne se battait pas pour l'argent, ni pour la gloire. Elle se battait pour une seule raison : pour se prouver qu'elle n'avait jamais été inférieure à quiconque, pas même à lui, à Lucian.
Ce soir-là, dans la taverne obscure où elle se rendait régulièrement, son regard scrutait l'assemblée. Les hommes riaient fort, l'odeur de la bière et de la sueur remplissait l'air, mais Lyra n'y prêtait guère attention. Elle observait, attentive, chaque mouvement, chaque changement de posture des hommes autour d'elle. Un des habitués s'avança vers elle, un sourire en coin. Il la connaissait, et savait qu'elle n'était pas ici pour discuter des dernières rumeurs ou pour se mêler aux fêtes de ces misérables. Lyra n'était pas là pour la fête. Elle n'était là que pour un seul but : une mission.
Ses yeux glissèrent lentement sur lui, puis sur les autres. La mission était simple : retrouver l'homme qui se trouvait derrière cette chaîne de meurtres, celui qui était responsable de tant de souffrances dans la ville. Personne ne savait exactement qui il était, mais Lyra avait l'intuition qu'il se trouvait dans cette pièce, parmi ces hommes. Elle n'avait aucune preuve, rien de tangible, mais son instinct ne la trompait jamais. Elle se leva lentement, l'air implacable, et se dirigea vers la table où l'homme en question se trouvait.
L'homme la regarda, une lueur de dédain dans les yeux. Il était grand, robuste, et paraissait sûr de lui. Mais dans son regard, elle lut la peur qui le dévorait lentement. Il savait. Il savait qu'il ne pouvait pas la repousser. Ses doigts glissèrent sur la poignée de son épée, mais Lyra n'eut même pas besoin de bouger. Le simple fait de le fixer suffisait à l'intimider. Sans un mot, elle sortit de la taverne, l'homme sur ses talons. Ils étaient seuls maintenant, la nuit les enveloppant. La lutte serait brève. Lyra savait que ce n'était qu'une question de temps avant qu'il se rende. Son savoir-faire était inégalé.
Elle s'arrêta dans une ruelle sombre. L'homme fit un dernier mouvement brusque pour dégainer, mais Lyra se déplaça avec une fluidité qu'il ne pouvait suivre. En un instant, elle l'avait maîtrisé, l'épée du bretteur la touchant à peine. Il était maintenant à ses pieds, les yeux emplis de terreur. « Tu pensais que tu pouvais fuir tes crimes, mais tu es tombé sur la mauvaise personne », murmura-t-elle d'une voix calme. Puis, d'un geste vif, elle l'assomma, ne laissant aucune trace derrière elle. Elle n'avait besoin d'aucun bruit, d'aucune preuve.
Le lendemain, son nom circula à nouveau parmi les habitants de la ville. Lyra n'était plus qu'un murmure, une légende parmi les voleurs, les chasseurs et les trafiquants. Sa réputation grandissait, et, bien que cela lui apportait une forme de reconnaissance, elle n'était toujours pas prête à tout affronter. Les cicatrices de son passé étaient toujours là, invisibles, mais omniprésentes. Et malgré ses victoires, malgré son ascension, quelque chose en elle était brisé, irrémédiablement. Lyra vivait pour la vengeance, pour la rédemption, mais elle ne savait plus comment revenir à ce qu'elle était autrefois, à la femme qu'elle avait été, avant lui, avant son Alpha.
Elle passa des années à s'entraîner, à se battre, à chercher des réponses. À chercher une raison de vivre autre que la vengeance. La guerre intérieure qui la rongeait ne faisait que croître. Les échos de Lucian étaient loin, mais ils n'étaient jamais totalement silenciés. Parfois, dans le silence de la nuit, elle se surprenait à penser à lui, se demandant ce qu'il devenait, ce qu'il aurait fait si elle avait agi différemment. Mais ces pensées étaient toujours accompagnées d'une douleur sourde, d'un sentiment de trahison qui la dévorait. Jamais plus elle ne serait la même.
Lyra n'était plus cette fille naïve qui croyait en l'amour, en la protection d'un Alpha. Non. Elle était devenue un monstre à sa manière, un être froid et calculateur. Les liens avec la meute, avec tout ce qu'elle avait pu connaître, étaient maintenant distants, effacés. Elle n'était plus rien de tout cela. Ce qu'elle était devenue, c'était la guerrière des ombres, celle que tout le monde craignait et respectait.
Un jour, un homme la chercha spécifiquement dans une taverne, un homme qui semblait la connaître. Il avait un air sérieux, presque grave. « Lyra », dit-il, son regard se posant sur elle avec une intensité qu'elle ne connaissait que trop bien. « Il te cherche. Il n'a pas cessé de penser à toi. Et il est prêt à tout pour te retrouver. »
Lyra le fixa un instant, son cœur battant plus vite que d'habitude. Elle avait entendu des rumeurs, mais cette fois, elle savait que quelque chose était différent. Le nom de Lucian n'avait jamais cessé de flotter dans son esprit, mais elle n'était pas prête à l'affronter. Pas encore.
« Je n'ai rien à dire », répondit-elle froidement, avant de se lever brusquement, laissant l'homme dans son sillage.
Lyra n'avait jamais cru que la rédemption pouvait se cacher sous un visage familier. Mais lorsqu'elle aperçut celui qui, autrefois, était son allié dans la meute, une partie d'elle fut secouée. Elle ne l'avait pas vu depuis des années, mais elle le reconnaîtrait parmi mille. Derrière lui, un air indécis se dessina alors que ses yeux l'effleuraient d'un regard perturbé. Il ne semblait pas la reconnaître immédiatement, mais il y avait quelque chose dans ses yeux qui trahissait la confusion, un étonnement à peine dissimulé.
L'homme s'avança d'un pas hésitant, son regard glissant d'elle à sa posture, puis se posant un instant sur ses mains serrées. Ses traits étaient plus mûrs, ses épaules un peu plus larges, mais ce qui avait attiré Lyra, c'était la familiarité du geste, la façon dont il se redressait comme s'il était à la recherche de quelque chose, quelqu'un. Mais il n'avait pas vu encore. Pas tout à fait. Pas assez pour faire le lien.
Il s'arrêta à quelques pas d'elle, l'observant sous un angle qu'elle n'aurait jamais imaginé, comme si elle était un livre dont il aurait dû déchiffrer les pages avec une attention rare. Un silence s'installa entre eux. Elle le laissa chercher. Elle se laissa envahir par la tension de cette rencontre. Elle avait changé, il le savait, et pourtant il restait là, trop prudent pour parler. Après tout, qui était-elle devenue à ses yeux ?
Il rompit enfin le silence, sa voix un peu rauque, mais toujours teintée de cette même lueur de bienveillance qu'il avait autrefois. « Lyra ? »
Le prénom la frappa comme une cloche. Ce n'était pas l'écho de celui qu'elle avait porté jadis, ce n'était pas la Lyra d'avant. Cette simple syllabe, dans sa bouche, était comme un souvenir douloureux. Elle laissa un instant de silence, et quand elle répondit, ce fut d'une voix calme, mais ferme, « C'est moi. »
Il resta immobile un moment, le regard scrutant sa silhouette, une expression de perplexité sur le visage. Il semblait hésiter, presque comme s'il voulait avancer mais ne savait pas comment. Puis, comme s'il cherchait à comprendre ce qui s'était passé, il demanda avec une pointe d'inquiétude dans la voix, « Tu... tu n'es plus la même. »
Lyra le fixa, les yeux fermement rivés sur lui, un léger sourire en coin, mais un sourire qui ne reflétait aucune véritable joie. « Je n'ai jamais été la même. Personne ne l'est, après tout ce qu'on traverse. »
Il hocha lentement la tête, son regard se durcissant légèrement, non par méfiance, mais par une sorte de résignation. Il savait qu'il y avait un abîme entre eux, quelque chose qu'il ne pourrait pas franchir, pas maintenant. « Tu as changé, Lyra », murmura-t-il. « Tu es... plus forte. »
Un silence lourd passa entre eux. Lyra détourna les yeux, cherchant à ignorer la tension qui montait en elle. Cette phrase, simple mais percutante, lui rappelait pourquoi elle avait pris le chemin qu'elle avait emprunté. Pourquoi elle n'était plus cette douce et fragile oméga de la meute. Elle avait dû tout reconstruire, chaque mouvement, chaque pensée, chaque objectif.
« Je dois m'entraîner », dit-elle brusquement, comme pour rompre le fil de la conversation. Elle n'avait pas l'intention de se perdre dans des souvenirs. Ni de laisser ce regard de compassion qui semblait la juger, la ramener à un passé qu'elle avait choisi de fuir. « Je ne peux pas me permettre d'être vulnérable. »
Il la regarda un instant, hésitant, avant de donner un léger signe de tête. Il semblait comprendre, mais il ne pouvait s'empêcher de se sentir coupable, de vouloir l'aider à revenir, à redevenir celle qu'il connaissait. Mais Lyra, toujours aussi déterminée, se détourna déjà, prête à retourner dans l'obscurité qui la protégeait. Les souvenirs ne l'atteindraient pas. Pas aujourd'hui.
Dans les jours qui suivirent, elle poursuivit son entraînement avec une intensité nouvelle. Le rythme était implacable, comme si chaque instant passé à s'entraîner était une minute de moins qu'elle passait à se préparer à tout. Elle savait qu'elle devait être prête. Prête à tout. Prête à revoir Lucian, s'il le fallait. Prête à lui montrer qu'elle n'était plus la femme qu'il avait rejetée, la compagne qu'il avait laissée dans l'ombre.
Ses journées étaient consacrées à l'entraînement. Elle ne permettait aucune distraction, aucun retard. Ses muscles étaient forgés dans la souffrance, son esprit dans la concentration. Le combat n'était pas seulement physique ; il était mental. Elle devait s'habituer à la douleur, à l'épuisement, à l'instinct de survie. Chaque coup porté était un message à elle-même. Chaque victoire, aussi petite soit-elle, était une réaffirmation de sa force. Le doute n'avait plus sa place. Elle se battait pour la certitude. Pour la vengeance. Pour prouver qu'elle n'avait rien perdu, qu'elle n'était pas faible.
Les heures passaient, le soleil se couchait, et elle continuait, sans relâche. Les entraînements étaient maintenant plus difficiles, plus violents. Elle se mesurait à des adversaires toujours plus forts, sans jamais se permettre de faillir. Elle se battait dans des espaces restreints, apprenant à utiliser chaque centimètre d'espace à son avantage. Ses réflexes étaient aiguisés, sa vitesse, redoutable. Ses jambes et ses bras étaient devenus des armes, aussi mortelles que précises.
Elle savait que son corps pouvait encaisser la douleur, mais ce n'était pas là le plus grand défi. Ce qui comptait, c'était la maîtrise de ses émotions, le contrôle sur ses instincts. Elle savait que le jour où elle croiserait à nouveau Lucian, il ne s'agirait pas seulement d'une confrontation physique. Ce serait un affrontement intérieur, une bataille contre ses propres souvenirs, contre l'amour qui, malgré tout, restait enfoui dans son cœur. Elle n'était pas certaine de pouvoir le maîtriser, mais elle le ferait, coûte que coûte. Son passé n'avait plus de prise sur elle. Elle ne lui permettrait pas de détruire ce qu'elle avait construit.
Les nuits étaient les pires. Les cauchemars revenaient, les images de Lucian et d'elle dans des moments heureux, avant que tout ne s'effondre. Elle les chassait d'un geste brusque, comme pour effacer chaque trace de ce qu'elle avait été. Mais au fond d'elle, un malaise persistait. Un vide qu'aucune victoire, aucun coup de poing, ne semblait pouvoir combler. Et dans cet espace béant, un nom revenait sans cesse : Lucian. L'Alpha. Celui qu'elle détestait et aimait encore à la fois.
Elle s'entraînait sans relâche, consciente que chaque instant passé à renforcer son corps et son esprit la préparait à ce qui devait venir. Parce qu'elle savait que ce moment arriverait. Le moment où elle croiserait de nouveau celui qui avait été son tout, celui qui avait façonné une part d'elle. Elle se tenait prête. Prête à ce que ce jour-là ne soit ni la fin ni le commencement, mais une simple réévaluation de ce qu'elle avait été et de ce qu'elle était devenue. Une guerrière. Et plus personne ne pourrait la briser.