Kael, toujours en position, ses muscles tendus sous la pression, tourna son regard vers Elara. Ses yeux étaient sombres, empreints d'une inquiétude qu'elle ne lui connaissait pas. Il s'avança d'un pas décidé, balayant les environs du regard, cherchant la source de ce cri surnaturel.
Elara ne comprenait pas. Ce cri... il n'était pas humain. Il n'était même pas l'écho d'une bête sauvage. C'était quelque chose de plus ancien, de plus profond, quelque chose que la terre elle-même semblait ressentir. Elle fit un pas en avant, prête à intervenir, mais Kael la stoppa d'un geste. Un simple mouvement de la main, comme si sa présence pouvait suffire à contenir l'inquiétude qui grandissait entre eux.
- Ce n'est pas une menace directe, dit-il d'une voix grave. Mais ce cri signifie qu'une porte a été ouverte. Et je crains que nous ne soyons pas prêts pour ce qui s'annonce.
Elara, bien qu'elle n'ait jamais vu Kael aussi incertain, acquiesça lentement. Elle ressentait cette même appréhension. Mais il n'y avait pas de retour possible. La guerre qui se profilait, les menaces invisibles qui couvaient sous la surface, tout cela semblait lié à quelque chose d'encore plus ancien qu'eux.
Un grondement sourd se fit entendre au loin, loin au-delà des montagnes. Il vibrait dans l'air comme une pulsation régulière, presque rythmée, comme si la terre elle-même était en train de s'éveiller. La terre trembla légèrement sous leurs pieds, et les arbres se mirent à frémir dans une danse nerveuse. C'était un avertissement. Un préambule. Elara ferma les yeux un instant, concentrée. Elle sentait quelque chose. Une présence, une énergie qui la traversait, la marquait.
Kael, les sourcils froncés, se tourna brusquement vers ses guerriers.
- Préparez-vous à une retraite. Nous devons nous rendre au cœur des montagnes. Le danger est plus grand que nous l'imaginions.
Les guerriers, d'ordinaire implacables, ne firent aucune objection. Ils savaient que Kael ne donnait pas de telles ordres à la légère. Ils commencèrent à se regrouper, se dirigeant vers les hauteurs, où l'air devenait plus frais, plus sec. La lune, haute dans le ciel, semblait les guider. Elara suivit, son esprit agité par les visions floues de ce qu'elle venait de ressentir. La terre tremblait sous ses pieds, mais il y avait plus encore. Elle avait vu des ombres dans les montagnes, des formes mouvantes, tapies dans l'obscurité, comme des spectres attendant leur heure.
La montée fut difficile, mais leur détermination était plus forte que la fatigue. Chaque pas les rapprochait de la source de cette étrange perturbation. Plus ils grimpaient, plus le vent semblait se renforcer, comme une main invisible les poussant en avant, mais aussi comme un avertissement. Elara, le cœur serré, sentait la présence d'une entité qu'elle ne pouvait pas comprendre, mais qui semblait la connaître d'une manière effrayante.
Arrivés au sommet, ils trouvèrent ce qu'ils cherchaient : un ancien temple, oublié de tous, rongé par le temps et la végétation, mais qui portait des marques évidentes d'un rituel récent. Des symboles gravés dans la pierre, d'anciens runes que Kael connaissait bien. Il se tourna vers Elara, son regard dur et déterminé.
- Ce temple... il appartient à ceux qui nous ont précédés. Il est lié à une ancienne magie, une magie que la Meute des Cendres a longtemps oubliée. Mais elle est toujours là, prête à se réveiller. Et si quelqu'un a ouvert la porte, c'est qu'ils cherchent quelque chose... Ou quelqu'un.
Le regard d'Elara se posa sur les runes. L'air semblait plus lourd, comme si l'espace autour d'elle était saturé d'une énergie palpable. Elle frissonna, ses mains se serrant autour de son épée, bien que l'arme ne semble pas être la bonne solution à ce qu'ils allaient affronter.
- Que devons-nous faire maintenant ? demanda Elara, sa voix faible mais déterminée.
Kael se tourna vers elle, son expression s'adoucissant légèrement. Il savait que cette question ne pouvait pas recevoir une réponse simple. Ils étaient sur le point de s'aventurer dans un domaine qu'ils ne maîtrisaient pas. Mais il n'y avait pas d'autre choix.
- Nous devons entrer, dit-il. Nous devons comprendre ce qui a été réveillé. Et si nécessaire... nous l'arrêterons.
Mais Elara savait, tout comme Kael, que ce qu'ils allaient découvrir pourrait changer leur monde à jamais.
L'ombre du temple se dessinait devant eux, menaçante et pourtant fascinante, baignée par la lumière lunaire qui se faufilait entre les arbres. L'air, désormais saturé d'une énergie ancienne, semblait se tordre autour de chaque mouvement, chaque respiration. Les guerriers, pourtant aguerris à tous types de combats, se tenaient à distance, conscients de la présence que ce lieu imposait. Le silence pesait lourdement, comme une chape de plomb, rendant l'atmosphère presque irréelle.
Kael avança le premier, ses pas résonnant sur les pierres moussues du temple. Elara, malgré la tension qui pulsait dans chaque fibre de son être, le suivit. Son regard se posa sur les symboles anciens gravés dans la roche, des runes qu'elle avait étudiées sans vraiment comprendre leur signification. Ces marques n'étaient pas humaines, ni même d'origine terrestre. Elles semblaient appartenir à un autre temps, à une époque révolue où les loups-garous régnaient sur des royaumes oubliés, où la magie se mêlait à la réalité de manière bien plus tangible qu'aujourd'hui.
Le vent se leva soudainement, une brise glaciale soufflant depuis l'intérieur du temple, comme si la structure elle-même respirait. Elara frissonna. Il y avait quelque chose de terriblement vivant dans ce lieu. Ce n'était pas simplement un vestige du passé, mais un espace marqué par une puissance indomptable, une puissance qui attendait de se manifester.
Kael s'arrêta devant l'entrée du temple, ses mains serrant son épée d'un geste presque mécanique. Il se tourna vers ses guerriers et Elara, son visage marqué par la gravité de l'instant.
- Restez en arrière, ordonna-t-il d'une voix basse, presque inaudible. Seuls ceux qui savent ce que cela signifie doivent pénétrer à l'intérieur.
Les guerriers obéirent sans un mot. Elara, bien qu'impatiente, comprenait que l'alpha devait prendre les premières décisions. C'était son rôle, son devoir. Mais l'incertitude se propageait comme une maladie, et Elara savait qu'aucun d'eux ne serait préparé à ce qu'ils allaient trouver.
Ils pénétrèrent dans l'obscurité du temple. À mesure qu'ils s'enfonçaient dans les profondeurs de la structure, la lumière de la lune se dissipait, remplacée par une lueur pâle émanant de cristaux en forme de runes qui brillaient faiblement sur les murs. Le sol était inégal, jonché de débris et de poussière accumulée au fil des siècles. Les odeurs de mousse humide, de terre et d'un parfum étrange, presque métallique, se mêlaient dans l'air.
Kael avança prudemment, les sens en alerte, sa posture de guerre prête à réagir au moindre mouvement. Elara, elle, se sentait observée. Non pas par les guerriers derrière elle, mais par quelque chose d'invisible, d'impalpable. Une présence qui semblait l'envelopper, la scruter de tous côtés.
Ils arrivèrent devant un autel au centre de la grande salle. L'autel était orné de symboles qui semblaient pulsés légèrement, comme s'ils étaient en vie. Un calme sinistre régnait autour d'eux, et pourtant, Elara avait l'impression que quelque chose se préparait, une force prête à se déchaîner à tout moment. Ses yeux se posèrent sur une pierre centrale, plus grande que les autres, marquée d'une rune en particulier, une rune qu'elle reconnut instantanément : l'ancienne marque des anciens loups, un symbole de pouvoir absolu. Ce n'était pas un simple marquage, mais une clé. La clé d'un pouvoir oublié depuis trop longtemps.
Kael s'approcha de l'autel avec une gravité palpable. Ses yeux se fixèrent sur la rune, et Elara sentit une lourde appréhension s'emparer d'elle. Elle savait qu'il allait déclencher quelque chose. Une réaction, une ouverture, mais surtout, une révélation.
- Qu'est-ce que c'est ? murmura-t-elle, sa voix tremblante malgré elle.
Kael tourna lentement la tête vers elle, un regard grave, presque triste dans ses yeux.
- La porte vers un autre monde, dit-il d'une voix calme, presque sage. Un monde que nous pensions disparu.
À ce moment précis, les pierres autour d'eux commencèrent à vibrer. Un bruit sourd, comme un grondement lointain, se fit entendre dans les profondeurs du temple. Ce n'était pas simplement un bruit, c'était un appel. Un appel à travers le temps et l'espace, qui semblait se répercuter dans chaque cellule d'Elara, dans chaque fibre de son être.
L'autel s'illumina d'une lumière aveuglante, et un vent glacial se leva, fouettant le visage d'Elara, la faisant chanceler sous la puissance qui se déchaînait. Un cri perça l'air, cette fois plus proche, plus humain, mais empli de douleur. Un cri qui déchirait l'âme, un cri de souffrance infinie.
Kael se tourna brusquement vers elle, ses yeux écarquillés, une expression de terreur qui ne lui ressemblait pas. Il tendit la main vers elle, mais avant qu'il ne puisse réagir, une silhouette émergea des ténèbres, se dématérialisant de l'air même.
Un être humanoïde, gigantesque, vêtu d'une armure noire et éthérée, se tenait devant eux, sa silhouette floue, comme un spectre sorti des tréfonds des âges oubliés. Ses yeux étaient vides, comme des abîmes sans fin, et son regard se posa directement sur Elara, la reconnaissant instantanément.
- Tu n'es pas censée être ici, dit la voix du spectre, profonde et résonnante, comme un écho d'un autre temps.
Elara sentit un frisson glacé lui parcourir l'échine. Le monde autour d'elle s'effaça presque, se réduisant à cet être, à cette voix, à ce regard qui semblait sonder son âme.
Kael fit un pas en avant, prêt à se battre, mais il était trop tard. L'être avait déjà fait un geste. Un éclat de lumière aveuglant les enveloppa, et avant qu'Elara ne puisse comprendre ce qui se passait, elle se sentit emportée, son corps et son esprit happés par une force infiniment plus grande qu'elle.