Chapitre 3 Chapitre 3-le poids de la vérité

Pierre était figé, l'esprit en tourmente, ses pensées se heurtant les unes aux autres dans une cacophonie insensée. Les mots de Claude résonnaient toujours dans sa tête, comme une cloche qui sonnait sans fin. Marié à mon cousin ? Son regard se tourna instinctivement vers sa mère, cherchant désespérément une lueur de compréhension, un signe qu'il pourrait encore saisir une vérité cachée, mais son visage était fermé, impassible.

"Ce n'est pas possible," murmura-t-il enfin, sa voix trahissant son trouble. "Il... il est... un homme. Mon cousin est aussi un homme. Vous me racontez quoi là ?"

Claude resta calme, sans même esquisser un sourire, comme si ce qu'il disait était la chose la plus normale du monde. "Oui, Pierre. Tu es marié à un homme. Et ton cousin est celui avec qui tu vas vivre désormais."

Pierre secoua la tête, son cœur battant la chamade. Il se leva brusquement de la table, ne supportant plus d'être là, enfermé dans cette pièce étouffante où les murs semblaient se resserrer autour de lui. Il se dirigea vers la fenêtre, la vue floue à cause des larmes qui menaçaient de perler sur ses cils. Marié... Le mot tournait dans sa tête comme un poison, un poison doux et glacial qui envahissait son esprit.

"Je... je suis perdu," dit-il, sa voix brisée, sans aucune certitude dans ses mots. "C'est quoi cette histoire ?"

Claude soupira doucement et se leva de la table. Il s'avança lentement vers Pierre, son regard glacial comme un couperet, l'air détaché, comme s'il expliquait simplement quelque chose d'évident. "C'est la réalité, Pierre. Accepte-la. Tu n'as pas le choix."

Pierre se tourna vers lui, son regard embué par la confusion. Il était pris au piège dans un tourbillon d'émotions, et chaque mot de son beau-père ne faisait qu'ajouter à l'angoisse qu'il ressentait. Il était pris dans une situation qu'il n'avait jamais demandée, dans un monde qu'il ne comprenait pas.

"Tu me demandes d'accepter ça... ?" Pierre se laissa tomber sur le canapé, comme si ses jambes avaient cessé de le soutenir. "Mon cousin... il a toujours été là. On s'est connus enfants, on a partagé des moments... mais là, vous me dites que je suis marié à lui, que je vais vivre avec lui... Comment vous pouvez me dire ça ? Je suis... je suis perdu. Vous me racontez des histoires."

Claude haussait à peine les épaules, impassible. "Il est temps pour toi de prendre ta place, Pierre. Ce mariage... c'est pour ta sécurité, pour ton avenir. Il n'y a rien de plus à discuter. C'est comme ça que les choses se passent."

Pierre baissa les yeux, cherchant à calmer l'agitation dans sa poitrine, mais rien ne semblait pouvoir apaiser le tourment qui l'étouffait. "Mais... pourquoi moi ? Pourquoi ce mariage ?"

Sa mère, jusque-là silencieuse, se leva enfin et s'approcha de lui. "C'est pour l'honneur de la famille, Pierre," dit-elle, d'une voix douce mais ferme. "Il n'y a pas de place pour les doutes dans cette décision. Tu n'as pas à comprendre maintenant. Un jour, tu verras que c'est pour ton bien."

Mais Pierre ne pouvait pas se résoudre à accepter cela. "Non... Non, vous ne pouvez pas me dire que c'est pour mon bien. Ce n'est pas normal... Je n'ai jamais voulu ça. Je ne sais même pas si je vais être capable de vivre avec lui... Et si c'était ce qu'il attendait depuis toujours ? Que vous m'offriez sur un plateau comme un objet ?" Sa voix s'étrangla un instant, mais il la força à continuer. "Je suis... je suis perdu. Je suis un pion dans votre jeu, un choix que vous avez fait pour moi sans même me demander mon avis."

Le silence s'installa dans la pièce, lourd et pesant, et Pierre se retrouva de nouveau à contempler la fenêtre, le regard perdu dans l'obscurité de la nuit qui s'installait peu à peu dehors. Il se sentait piégé, pris au piège de ses propres choix et des décisions des autres.

Claude, visiblement agacé, se leva lentement. "Tu finiras par comprendre, Pierre. Il est temps que tu arrêtes de résister. Accepte cette situation et tu verras que ça ne sera pas si mal. Ton cousin t'attend. Il a fait des sacrifices pour toi. Fais de même." Il tourna les talons, ne prêtant plus attention à Pierre qui était toujours là, tremblant, perdu dans la confusion de cette réalité qui lui échappait.

Pierre resta seul, le regard plongé dans l'obscurité de la pièce. Il était abattu. Marié à un homme... Il ne savait plus quoi penser. Tout semblait si irréel. Les images de la France, de ses amis, de sa vie avant tout cela, tourbillonnaient dans sa tête. Il aurait donné n'importe quoi pour revenir à ce temps-là, où il n'avait jamais eu à affronter cette monstruosité.

Soudain, il eut une pensée, une pensée fugace, mais qui s'imposa brutalement : Et si je ne pouvais pas échapper à cette réalité ? Et si c'était déjà trop tard pour tout cela ?

L'avenir qu'il avait espéré, les rêves qu'il avait laissés derrière lui, semblaient s'éloigner de plus en plus, engloutis par la vague dévastatrice de ce qu'il venait de découvrir. Tout ce qu'il voulait maintenant, c'était fuir. Fuir cet endroit, fuir cette situation. Mais au fond de lui, il savait que ce n'était pas si simple.

Pierre se leva en silence, le cœur lourd comme une pierre. Il n'avait même pas la force de répondre à ses parents, de tenter de comprendre ce qui venait de se passer. Tout ce qu'il voulait, c'était s'échapper, ne plus entendre leurs voix, ne plus faire face à cette réalité qui l'écrasait. Il tourna les talons, s'éloignant de la table et de la conversation qui tournait en boucle dans sa tête.

Sans un mot, il se dirigea vers sa chambre, son corps lourd et épuisé comme si un fardeau invisible l'écrasait à chaque pas. La porte se ferma dans un léger claquement, et il s'effondra sur le lit, sans même prendre le temps de se changer. Tout semblait flou, comme un cauchemar dont il ne pouvait pas se réveiller.

Il ne voulait pas manger, ne voulait pas répondre. Il voulait seulement être seul, dans le silence de cette pièce, loin de tout, loin de cette famille qui l'avait piégé dans un jeu dont il n'avait pas les règles.

Un léger bruit de pas se fit entendre derrière lui. Il n'eut même pas à se retourner pour savoir qui c'était. Sa sœur, en silence, s'approcha, comme une ombre discrète, et s'assit doucement à ses côtés, sans dire un mot. Pierre sentit la chaleur de sa présence, réconfortante, comme un baume sur son âme tourmentée.

"Tu veux en parler ?" demanda-t-elle finalement, sa voix douce, presque timide, comme si elle n'osait pas briser le silence qui s'était installé entre eux.

Pierre ferma les yeux, une vague de douleur envahissant son cœur. Il tourna lentement la tête vers elle, et dans ses yeux brillait une compréhension qu'il n'avait pas eue avec les autres. "Comment... comment est-ce arrivé ?" demanda-t-il, sa voix brisée. "Pourquoi moi ? Pourquoi je dois vivre cette vie-là, cette vie que je n'ai jamais choisie ?"

Elle ne répondit pas tout de suite. Elle resta là, silencieuse, les yeux baissés, comme si elle aussi se demandait comment il avait pu se retrouver dans une telle situation. Puis, finalement, elle posa sa main sur la sienne, un geste simple mais plein de réconfort.

"Je ne sais pas, Pierre," murmura-t-elle, "mais je suis là. Je ne sais pas pourquoi tout cela arrive, mais tu n'es pas seul dans tout ça. Je suis avec toi. Toujours."

Pierre la regarda, les yeux pleins de gratitude mais aussi de douleur. Il n'avait pas de réponses, et personne n'en avait. Les mots ne pouvaient pas effacer ce qu'il ressentait, mais la présence de sa sœur, là, à ses côtés, lui apportait un peu de soulagement. Un peu de chaleur dans ce monde qui semblait devenu si froid.

"Merci," dit-il simplement, sa voix rauque, mais pleine de sincérité. "Merci de ne pas me laisser seul."

Elle lui sourit doucement, une lueur de tendresse dans ses yeux. "Tu es mon frère, Pierre. Tu n'as jamais été seul."

Pierre ferma les yeux un instant, se laissant bercer par la chaleur de sa sœur. Il savait qu'il ne pouvait pas fuir cette réalité, mais au moins, il n'était pas complètement abandonné dans cette tourmente. Il avait encore sa sœur. Et, dans un monde qui semblait si sombre, c'était déjà quelque chose.

Ils restèrent là un moment, dans un silence partagé, avant que sa sœur ne se lève doucement. "Je vais te laisser te reposer," dit-elle en lui adressant un dernier sourire. "Si tu as besoin de moi, je serai dans ma chambre."

Pierre hocha la tête sans un mot, et elle sortit, refermant doucement la porte derrière elle. La solitude retomba sur lui comme une couverture lourde, mais cette fois-ci, il n'était pas complètement seul. Et dans ce petit réconfort, il trouva un semblant de paix, même si, au fond de lui, les questions ne cesseraient jamais de le hanter.

La nuit s'étendit autour de lui, remplie de doutes et de peurs, mais il savait qu'il devrait, d'une manière ou d'une autre, affronter ce qui allait venir. Et même si l'avenir semblait incertain, il n'était plus aussi perdu qu'avant.

Pierre resta là, allongé dans son lit, les yeux fixés sur le plafond sombre. Les mots de Claude et de sa mère tournaient dans sa tête en boucle. Mais quelque chose, un mince espoir, commença à se former dans son esprit : Peut-être que Damien n'est même pas au courant... Peut-être que tout ça n'est qu'un malentendu.

Il pensa à son cousin. À Damien. Ils avaient grandi ensemble, à une époque où les choses étaient simples. À l'époque, tout semblait tellement plus naturel entre eux. Mais maintenant, tout ça semblait irréel, comme si un épais voile de mystère enveloppait la situation.

Pierre se redressa légèrement dans son lit, en proie à un tourbillon de pensées confuses. Damien... Ce n'est pas possible. Il ne peut pas être dans ce complot, dans cette histoire de mariage forcé. Il est mon cousin. On s'est toujours bien entendus, non ?

L'idée qu'il puisse être un simple pion dans un jeu de pouvoir manipulé par son père et son beau-père lui paraissait presque insensée. Damien... il ne serait jamais d'accord avec ça, n'est-ce pas ?

Pierre se leva brusquement de son lit, se dirigeant vers la fenêtre. La nuit était calme, et la lueur de la lune illuminait les rues désertes. De toute façon, demain, j'en parlerai avec lui, pensa-t-il, déterminé. Je vais lui poser les bonnes questions. Il n'y a qu'avec lui que je pourrais comprendre la vérité. Si ce mariage n'est pas ce qu'il semble être, alors je saurai...

Il s'assit sur le rebord de la fenêtre, les coudes posés sur ses genoux. Il n'arrivait pas à échapper à l'idée que tout cela ressemblait à de la folie, un enchevêtrement de décisions qui n'avait aucun sens. Mais pourquoi tout le monde semble si calme à ce sujet ? se demanda-t-il. Pourquoi tout le monde semble avoir accepté ce mariage comme une vérité, comme si cela allait de soi ?

Un soupir s'échappa de ses lèvres. Peut-être que demain, quand il verrait Damien, tout cela deviendrait plus clair. Peut-être que ce n'était pas aussi grave que ça. Peut-être qu'il allait simplement être pris dans cette situation sans avoir son mot à dire, comme il l'avait toujours été.

Mais non, pensa-t-il en se levant à nouveau, je ne vais pas me laisser faire comme ça. Je vais parler à Damien. Il faut que je sache. C'est de la folie, tout ça. Mais demain, tout s'éclaircira. Je dois croire qu'il y a une solution...

Sur ces réflexions, il se recoucha, son esprit toujours en ébullition. Mais l'angoisse de ne pas savoir le rongeait. Pourtant, dans un coin de sa tête, il s'accrochait à l'idée que tout n'était peut-être qu'un malentendu, une erreur qu'ils pourraient rectifier ensemble. Il n'avait qu'à parler à Damien, et peut-être que les choses prendraient une autre tournure.

Demain, il en saurait plus. Il espérait juste que, lorsqu'il se lèverait, la folie de la situation serait dissipe.

            
            

COPYRIGHT(©) 2022