Chapitre 5 Chapitre 5

Elle sentit le malaise s'intensifier. Alessandro lui indiqua une chaise à côté de lui et, en un clin d'œil, un serveur vint lui remplir son verre. Les conversations autour d'eux semblaient se poursuivre sans interruption, mais Lina se rendit vite compte qu'elle n'était pas la bienvenue. Les hommes lui lançaient des regards calculés, comme si elle faisait partie d'un contrat qu'ils n'avaient pas accepté. Mais Alessandro semblait serein, bien plus calme que le tumulte qui régnait autour d'eux.

Au fur et à mesure que le dîner avançait, Lina comprenait peu à peu l'étendue du pouvoir d'Alessandro. Ce n'était pas simplement une question d'argent, ou même de respect. C'était une question de contrôle. De vie et de mort. Chaque geste de ces hommes, chaque parole prononcée, semblait chargé d'une menace tacite. Il ne fallait pas les contrarier, pas les défier.

Et Alessandro, elle le comprenait à présent, était celui qui détenait la clé de ce monde. Il n'était pas simplement un homme d'affaires, il était le maître de tout ce qui se passait dans cette salle. Son regard ne quittait jamais ses interlocuteurs, ses gestes étaient mesurés, et il parlait peu, mais toujours avec une autorité inébranlable.

Les échanges étaient presque sans fin, alternant entre discussions sur les affaires, les alliances, les menaces voilées. Lina se sentait de plus en plus mal à l'aise, surtout en voyant la façon dont les autres se comportaient avec lui. Ils étaient là pour écouter, pour exécuter ses ordres. Il n'y avait aucune place pour la discussion ou le doute. Alessandro commandait, et tout le monde obéissait.

Puis, au moment où elle commença à se détendre, pensant qu'elle pourrait enfin supporter l'atmosphère étouffante, un homme s'approcha d'elle. Il avait les traits durs, le regard perçant.

- Et toi, petite, comment te sens-tu ici ? demanda-t-il, son ton un peu trop familier.

Elle releva la tête, prête à repousser ce qu'elle devinait être une tentative de déstabilisation. Mais avant qu'elle ne puisse répondre, Alessandro se leva brusquement.

- Elle n'est pas là pour toi, Francesco, coupa-t-il d'une voix glaciale. Elle est ici parce que je l'ai invitée.

L'atmosphère changea instantanément. Les murmures s'estompèrent, et tous les regards se tournèrent vers Alessandro, visiblement en colère.

Lina observa la scène, son cœur battant plus vite. Elle comprit en un instant qu'elle venait d'assister à un moment de pouvoir pur. Francesco, le regard noir, se redressa, et après un instant de tension palpable, il retourna à sa place sans un mot.

Alessandro ne lui adressa même pas un regard, mais Lina sentit qu'il venait de montrer à toute la salle que personne, personne ne devait se permettre de la traiter ainsi. Pas même pour une seconde.

Elle le regarda, secouée, mais il ne semblait pas la voir. Ou du moins, il ne la regardait pas comme avant. Ses yeux étaient vides de toute émotion, aussi impénétrables qu'un mur de glace.

Ce soir, Lina avait compris une chose : dans ce monde, elle n'était pas qu'une compagne. Elle était une partie du jeu. Et Alessandro De Luca en était le maître. Lina se trouvait dans le salon privé, l'air lourd de tension. La soirée qui s'était déroulée dans la villa d'Alessandro avait été plus qu'éprouvante. Elle avait vu de ses propres yeux l'étendue du pouvoir d'Alessandro, mais aussi la manière dont il manipulait les autres, les marionnettes qu'il tirait dans son jeu. Le contrôle qu'il exerçait sur chacun de ceux qu'il côtoyait l'effrayait et la fascinait à la fois. Pourtant, la sensation d'être prise au piège dans une toile d'araignée ne faisait qu'intensifier son désir de s'échapper.

Elle s'assit dans un fauteuil en velours bleu, le regard plongé dans le vide. La pièce était grande, élégamment décorée avec des meubles anciens et des peintures au mur. Les rideaux épais étaient tirés, plongeant la pièce dans une semi-obscurité. Lina n'était plus qu'un spectateur dans ce décor. Elle ne comprenait même pas pourquoi elle était là. Pourquoi elle avait été choisie. Pourquoi elle était la pièce du puzzle qu'Alessandro assemblait.

Soudain, la porte s'ouvrit doucement. Un homme entra, grand, vêtu d'un costume sombre parfaitement ajusté. Il avait des traits marqués, un regard acéré, et une posture qui dégageait une autorité tranquille. Lina le reconnut immédiatement. C'était Marco, un des hommes d'ombre d'Alessandro, un de ceux dont on murmurait le nom en silence, avec une crainte palpable. Il avait une réputation bien établie, un pouvoir presque aussi vaste qu'Alessandro lui-même.

Marco la fixa un instant avant de se diriger vers un canapé en face d'elle. Il s'assit, ses yeux ne la quittant pas.

- Tu sembles perdue, dit-il d'une voix calme, mais menaçante.

Lina se redressa légèrement, se forçant à croiser son regard.

- Je suis juste en train de me demander pourquoi je suis ici, murmura-t-elle, plus pour elle-même que pour lui.

Marco sourit, mais c'était un sourire froid, calculé.

- Tu es ici parce qu'Alessandro a fait de toi une pièce importante du jeu. Et il ne s'agit pas seulement de ton rôle de mère. Il y a bien plus que ça.

Lina serra les poings sur les bras du fauteuil, mais garda le silence. Marco parlait toujours avec cette assurance qui faisait naître l'inquiétude en elle. Il était clair qu'il savait beaucoup de choses sur elle, sur ses pensées.

- Mais peut-être que tu as l'impression de n'être qu'une prisonnière, ajouta-t-il. Que ton seul avenir est de devenir la mère d'un enfant destiné à renforcer l'empire de De Luca. Tu te trompes. Il existe toujours des opportunités.

Elle se tendit à l'idée qu'il sache ce qu'elle pensait.

- Et quelles opportunités pourraient bien exister pour moi dans ce... lieu ? demanda-t-elle d'une voix mordante.

Marco sembla apprécier son ton, un éclat de satisfaction passant brièvement dans son regard.

- Il existe toujours un moyen de fuir. De sortir de ce réseau, de cette vie que tu détestes. Je peux t'aider.

Lina le scruta, surprise. Elle n'avait pas pensé qu'une personne ici, dans cet univers aussi contrôlé par Alessandro, serait prête à lui tendre une main secourable.

- Et pourquoi ferais-tu ça ? Pourquoi m'aider ?

Marco posa ses coudes sur ses genoux et croisa les mains, ses yeux ne quittant jamais son visage.

- Parce que, répondit-il calmement, j'ai des intérêts dans cette histoire. Alessandro a des ennemis, des rivaux, et il ne le sait pas encore, mais il les a sous-estimés. Tu es un atout, Lina. Tu as de la valeur, même sans ton rôle de mère. Mais si tu veux vraiment t'échapper, je peux t'offrir une chance. Un moyen de t'enfuir.

                         

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