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Elle détourna lentement les yeux du paysage nocturne pour les poser sur l'homme assis à côté d'elle. Alessandro De Luca. Ce nom, associé à tant de peur et de légendes urbaines, »lui était pourtant familier d'une manière bien plus intime. Il n'était pas seulement un criminel redouté. Il n'était pas seulement le diable qui venait de la réclamer comme un bien acquis.
Il était son passé.
Son regard se perdit sur lui, détaillant chaque trait de son visage comme pour y retrouver le garçon qu'elle avait connu. Il avait grandi, s'était endurci, transformé en cet homme froid, calculateur, dont l'aura oppressante emplissait tout l'habitacle. Mais sous cette façade impénétrable, il y avait quelque chose d'autre. Une ombre de douleur.
- Pourquoi tu ne me l'as pas dit ?
Sa voix était plus tremblante qu'elle ne l'aurait voulu, mais elle ne détourna pas les yeux.
Alessandro ne répondit pas tout de suite. Il continuait de fixer droit devant lui, impassible, comme s'il pesait chaque mot avant de le laisser franchir ses lèvres.
- Ça aurait changé quoi ? finit-il par dire, sa voix basse et maîtrisée.
Lina sentit une colère sourde lui monter à la gorge.
- Tout.
Elle serra les poings sur ses genoux, essayant de maîtriser la tempête d'émotions qui menaçait d'exploser en elle.
- Je t'ai cru mort, Alessandro. Mort !
Il ne bougea pas, mais elle vit sa mâchoire se contracter légèrement.
- C'était mieux ainsi.
- Mieux pour qui ?! siffla-t-elle, la rage perçant dans sa voix. Pour toi ? Pour ton foutu empire criminel ?
Alessandro tourna enfin la tête vers elle, ses yeux d'un bleu glacé la transperçant comme une lame effilée.
- Pour toi.
Elle sentit son souffle se bloquer.
- Tu crois vraiment que j'aurais pu revenir ? reprit-il, le ton plus dur. Que j'aurais pu frapper à ta porte et prétendre que tout était comme avant ?
Elle voulut répondre, lui crier que oui, qu'il aurait dû le faire, qu'il aurait dû la retrouver, mais les mots restèrent coincés dans sa gorge. Parce qu'elle savait que ce n'était pas aussi simple.
- Alors tu as choisi de disparaître, dit-elle finalement, la voix tremblante.
Un silence pesant s'installa dans la voiture. Alessandro se passa une main sur le visage, visiblement agacé.
- J'ai fait ce qu'il fallait.
Lina éclata d'un rire amer.
- Ce qu'il fallait ? Et maintenant, quoi ? Tu reviens des années plus tard pour m'acheter comme une vulgaire marchandise ?
- Ce n'est pas comme ça...
- Alors explique-moi, Alessandro ! hurla-t-elle en se tournant complètement vers lui, les yeux brillants de colère et de douleur. Parce que moi, je ne comprends pas !
Il la fixa longuement, son regard traversé par une ombre indéchiffrable. Puis il se pencha légèrement vers elle, réduisant l'espace entre eux jusqu'à ce qu'elle puisse sentir la chaleur qui émanait de son corps.
- Je n'ai jamais cessé de penser à toi, Lina.
Sa voix n'était plus qu'un murmure rauque, un aveu arraché à sa carapace d'acier.
Elle sentit son cœur se serrer violemment.
- Tu mens... souffla-t-elle, les larmes menaçant de couler.
- Non.
Un silence suspendit le temps.
Alessandro se redressa, rompant la proximité entre eux comme s'il réalisait qu'il s'était laissé emporter.
- Mais ça ne change rien, ajouta-t-il froidement.
Lina eut l'impression qu'il venait de la gifler.
- Bien sûr que si, Alessandro. Tu n'as pas le droit de prétendre que ça ne change rien.
Il ne répondit pas. Il s'adossa simplement contre le cuir du siège et détourna les yeux.
Elle sentit sa gorge se nouer davantage.
- Pourquoi tu veux que je porte ton enfant ? demanda-t-elle finalement, sa voix plus faible, brisée par l'incompréhension et la peur.
Il inspira profondément, comme s'il hésitait à lui répondre. Puis, enfin, il lâcha :
- Parce que j'ai besoin d'un héritier.
Elle ferma les yeux un instant, luttant contre le flot d'émotions qui la submergeait.
- Alors tout ça, c'est juste une affaire de sang ?
- C'est plus compliqué que ça.
- Explique-moi, alors.
Il se passa une main dans les cheveux, visiblement agacé.
- Mon empire... il ne survivra pas sans un héritier légitime. J'ai des ennemis partout, Lina. Si je veux sécuriser mon pouvoir, je dois avoir une descendance.
Elle le fixa, cherchant un mensonge dans son regard.
- Et tu as choisi moi ?
- Ce n'est pas un hasard.
Un frisson glacé remonta le long de sa colonne vertébrale.
- Qu'est-ce que tu veux dire ?
Il ne répondit pas immédiatement.
- Tu comprendras en temps voulu.
Elle sentit une vague de panique monter en elle.
- Non, Alessandro, dis-moi maintenant !
Mais il ne dit rien. Il la regarda simplement, ses yeux brillants d'un éclat troublant.
Puis la voiture ralentit, et Lina se rendit compte qu'ils arrivaient à destination.
Devant eux, une imposante villa aux allures de forteresse se dressait sous la pluie, entourée de hautes grilles noires et de gardes armés.
Lina sentit un poids s'abattre sur ses épaules.
Elle venait de comprendre une chose essentielle.
Elle n'était pas seulement une prisonnière.
Elle était un pion dans un jeu dont elle ne connaissait pas encore les règles. Le portail en fer forgé se referma dans un grincement sinistre derrière la voiture. Lina observa la haute clôture qui encerclait le domaine, chaque centimètre conçu pour empêcher quiconque d'entrer... ou de sortir.
Lorsqu'ils s'arrêtèrent devant l'entrée principale, Alessandro descendit en premier, refermant la portière derrière lui. Un garde en costume noir ouvrit la portière de Lina. Elle hésita une seconde, puis sortit, levant les yeux vers la villa qui se dressait devant elle.
C'était une œuvre d'architecture imposante, toute de pierre claire et de fenêtres aux vitres teintées. Des colonnes massives soutenaient une large terrasse, et un jardin parfaitement entretenu s'étendait de chaque côté. Tout respirait la richesse et le pouvoir.Mais à ses yeux, c'était une prison.
- Suis-moi, dit Alessandro d'une voix calme mais sans appel.
Elle le suivit à contrecœur, son regard balayant les lieux à la recherche d'une faille, une issue possible.