Chapitre 2 Chapitre 2

Chapitre 2

Une alliance en or blanc. Un truc sobre, élégant, parfaitement calibré pour ne rien dire de trop. Il la lui tend sans un mot, sans un regard. Juste ce cercle glacé posé dans l'écrin, entre eux, comme une évidence.

Elle croise les bras. Pas question de tendre la main.

- Mets-la.

Un ordre.

Elle lève un sourcil, laisse le silence s'étirer.

- Mets-la toi-même.

Un défi.

Il esquisse un sourire. Léger. Presque amusé. Puis il referme l'écrin.

- Très bien.

Une tension invisible s'accroche à l'air. Il n'a pas haussé le ton, n'a pas montré une once d'impatience, mais il vient de refermer un piège. Elle le sent. Une bête acculée, sans issue.

- Tu crois vraiment que tu peux tout contrôler ? lâche-t-elle.

- Non.

- C'est pourtant ce que tu fais.

- Je me contente d'imposer ce qui doit l'être.

Elle ricane. Un bruit sec, plein de rage contenue.

- D'accord. Faisons ça. Balance tes conditions.

Il s'appuie contre le bureau, croise les bras à son tour.

- Tu portes cette alliance en public.

- Évidemment.

- Tu assistes à tous les événements familiaux et professionnels requis.

- Encore heureux.

- Tu ne mets pas mon nom en jeu. Tu ne fuis pas, tu ne fais pas de scandale.

- Et si j'ai envie de foutre un peu le bordel ?

Il sourit à peine.

- J'attendrai de voir jusqu'où tu es prête à aller.

Elle serre les dents.

- Et moi ? J'ai le droit d'imposer mes propres règles ?

Il incline la tête.

- Essaye.

Un frisson. D'adrénaline, de colère, de quelque chose d'indéchiffrable.

- Pas de contrôle sur ma vie. Tu ne t'imposes pas dans mes décisions.

Il ne répond pas tout de suite. Juste un regard.

- Tout dépend de quelles décisions tu parles.

- Celles qui ne te concernent pas.

- Mari et femme. Tout me concerne.

Une phrase anodine, dite sans éclat. Mais un poids monstrueux.

Elle inspire. Longtemps. Trop longtemps.

- Pas de contact, ajoute-t-elle.

- Pas de contact ?

- Tu m'as très bien entendue.

Il la toise. Longuement.

- On verra.

Elle serre les poings.

- Non. On ne verra pas. On établit les règles maintenant.

- J'établis les règles.

Elle ne répond rien. Il a déjà tourné les talons. Conversation terminée.

***

Le champagne brille sous les lumières, coule dans les coupes comme du poison doré. Des mains se serrent, des sourires s'échangent, des faux semblants s'étalent sur les visages. Elle veut vomir.

Sa robe colle à sa peau, trop serrée, trop parfaite. Son dos est droit, sa tête haute. Elle joue le rôle. Celui qu'on attend d'elle.

Oliver est à côté. Impeccable. Son bras frôle le sien. Un frisson malgré elle.

- Souris.

Elle le fusille du regard.

- Fais-moi sourire.

Il approche son visage, juste assez pour qu'elle sente son souffle.

- Arrête de jouer avec moi, Megan.

Elle sourit. Pour de vrai. Parce qu'elle sait que ça l'agace.

Les regards les encerclent. Les jugent. Les analysent.

- Vous êtes ravissants, murmure une femme en levant sa coupe.

- Une évidence, réplique Oliver sans détourner les yeux de Megan.

Un poids dans l'estomac. Cette foutue sensation d'être un pion sur son échiquier.

Les conversations s'enchaînent. Des poignées de main, des rires trop forts.

Une main effleure sa taille. Pas celle d'Oliver. Un inconnu. Un homme trop sûr de lui.

- Félicitations, souffle-t-il près de son oreille. Mais si jamais vous cherchez à fuir...

Elle n'a pas le temps de répondre.

Oliver attrape son poignet.

- Va te faire foutre.

Un murmure sec, tranchant. L'homme pâlit, s'éloigne.

Elle fixe Oliver.

- Tu te prends pour qui ?

- Pour ton mari.

- Pas encore.

- Bientôt.

Une promesse ? Une menace ? Impossible à dire.

Le reste de la soirée est un jeu. Entre eux. Contre eux. Une bataille silencieuse, un affrontement de regards.

Et à la fin, une certitude.

Personne ne gagnera sans perdre quelque chose.Une main posée sur son dos. Un geste calculé. Pas brutal. Pas possessif. Juste là. Juste assez pour qu'elle le sente.

Megan ne bouge pas. Ne recule pas. Mais son corps se tend. Elle sait ce qu'il fait. Il marque son territoire. Il s'assure que tout le monde voit, que tout le monde comprend.

Elle pourrait éclater de rire. Ou l'étrangler.

- Enlève ta main.

Un murmure. Aucune supplication.

- Souris.

Elle se tourne vers lui. Un rictus. Pas un vrai sourire. Juste une grimace trop polie.

- Arrête de me donner des ordres.

- Arrête de croire que tu en as le choix.

Un photographe passe. Flash. Instant figé. Elle et lui. Faux couple, vraie tension.

- Tu t'amuses ?

- Beaucoup.

Son sourire s'élargit. Elle serre les dents.

Un serveur leur tend des coupes. Elle attrape la sienne, l'avale d'un trait. L'alcool brûle. Parfait.

Des invités viennent les saluer. Des visages inconnus, des noms qu'elle oubliera dans l'heure. Elle joue son rôle. La future épouse parfaite. Elle hoche la tête, sourit, échange des banalités.

Oliver, lui, est dans son élément. Chaque mot est pesé. Chaque mouvement est précis.

Un homme s'approche. Plus vieux. Élégant. Trop confiant. Il prend la main de Megan, l'embrasse du bout des lèvres. Un frisson de dégoût.

- Carrington, tu ne m'avais pas dit que tu avais une femme aussi charmante.

Elle aurait pu répondre. L'envoyer balader. Mais Oliver lui coupe l'herbe sous le pied.

- Je ne dis pas tout à tout le monde.

L'homme rit. Trop fort. Trop faux.

- Un mariage arrangé, n'est-ce pas ?

Un silence.

Megan s'apprête à répondre. Une réplique cinglante. Un truc qui claque.

Mais Oliver parle avant.

- Disons que certains arrangements sont inévitables.

Un sourire. Froid.

L'homme s'incline légèrement.

- Je vous souhaite bien du courage.

Il s'éloigne.

Megan explose.

- T'as un problème ?

- Plusieurs. Mais pas celui auquel tu penses.

Elle pivote, plante son regard dans le sien.

- Ça veut dire quoi, ce que t'as dit ?

Il la fixe. Trop longtemps.

- Ça veut dire que tu devrais finir ton champagne et te taire.

Elle lève sa coupe. Lentement. La vide. Pose le verre sur la première table venue.

- J'en ai marre de ton petit jeu.

- C'est pas un jeu.

- Pour toi, tout est un jeu.

Un muscle tressaute sur sa mâchoire. Première faille.

- Ça te plaît d'avoir une marionnette ?

Il s'approche. Juste assez pour qu'elle sente la tension.

- Tu crois vraiment que t'es une marionnette ?

Un silence.

Elle veut répondre oui. Lui cracher à la figure. Lui dire qu'il ne la possédera jamais.

Mais quelque chose dans ses yeux la retient.

Une ombre. Une vérité qu'elle ne comprend pas encore.

Et ça l'énerve encore plus.

Elle tourne les talons.

Il ne la retient pas.

Mais elle sait qu'il n'a pas dit son dernier mot.Elle s'éloigne. Pas en courant. Pas en fuyant. Juste assez vite pour qu'il comprenne qu'elle en a marre. Qu'elle refuse de jouer son rôle docilement.

L'air est plus lourd. Les conversations bourdonnent autour d'elle. Des regards glissent, évaluent, jugent. Ils doivent tous se demander combien de temps elle tiendra avant de plier.

Spoiler : jamais.

Elle attrape une nouvelle coupe de champagne sur un plateau, la descend en deux gorgées.

- Tu bois un peu trop vite.

Une voix derrière elle.

Pas Oliver.

Un inconnu. Grand. Élégant. Un sourire trop poli.

- Et alors ?

- Juste une observation.

Il se rapproche. Trop près. Son parfum est cher. Son assurance aussi.

- J'ai vu que ton futur mari n'avait pas l'air ravi.

Elle sourit.

- Et alors ?

- Juste une observation.

Elle ricane.

- T'es toujours aussi chiant ?

L'homme rit doucement.

- Seulement avec les femmes qui en valent la peine.

Un frisson.

D'agacement ou d'amusement ? Difficile à dire.

Mais elle n'a pas le temps d'y penser plus longtemps.

Parce qu'en une fraction de seconde, Oliver est là.

Silencieux. Froid.

Un prédateur qui vient de repérer une menace sur son territoire.

L'autre homme ne bouge pas. Mais il a compris. Ça se sent.

- Carrington, murmure-t-il avec un sourire.

Oliver ne répond pas. Il tend juste la main.

- Donne-moi ta coupe.

Un ordre. Pas une demande.

Elle lève le menton.

- Non.

Un silence.

Une bataille muette.

Elle ne cille pas.

L'autre homme s'excuse et s'éloigne.

Oliver ne le regarde même pas. Il n'a d'yeux que pour elle.

- T'as décidé de me coller toute la soirée ?

- T'as décidé de me provoquer toute la soirée ?

Elle sourit.

- Ça marche plutôt bien, non ?

Un muscle tressaute sur sa mâchoire. Deuxième faille.

Il se penche légèrement.

- Continue comme ça, Megan.

- Ou quoi ?

Un souffle. Juste un murmure.

- Tu verras.

Et cette fois, c'est lui qui s'éloigne.

Mais elle sent encore son regard sur elle.

            
            

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