J'en avais marre de souffrir.
Marre de pleurer pour un homme qui ne m'avait pas respectée.
Marre de laisser cette douleur m'enchaîner et m'empêcher d'avancer.
Je pris une profonde inspiration et me redressai. Pour la première fois depuis des jours, je ne me laissai pas tomber en arrière pour m'enfermer dans mon chagrin. Non. Cette fois, je me levai.
Je me dirigeai vers le miroir accroché au mur et m'observai.
Mon reflet me renvoya l'image d'une femme fatiguée, les yeux cernés, le visage marqué par la tristesse. Ce n'était pas moi. Pas la Maya forte, celle qui s'était toujours battue pour sa famille, pour Lina, pour elle-même.
J'étais l'aînée, et depuis toujours, j'avais porté le poids des responsabilités sur mes épaules.
Maman et papa vivaient loin, dans le village où nous avions grandi. Ils n'avaient jamais eu les moyens de nous offrir une vie confortable en ville, alors quand Lina avait voulu entrer à l'université, j'avais pris les choses en main.
J'avais trouvé un travail comme assistante dans un petit bureau, pas très loin d'ici. Le salaire n'était pas énorme, mais il nous permettait de payer le loyer, la nourriture, et une partie des frais de Lina pour ses études. Ce n'était pas facile. Parfois, on devait sauter des repas, faire des sacrifices, mais on tenait bon.
J'avais tout donné pour que Lina puisse réaliser ses rêves.
Et pendant tout ce temps, j'avais cru qu'Ethan était mon refuge. Mon équilibre. Celui avec qui, malgré toutes les difficultés, je pouvais être heureuse.
Mais je m'étais trompée.
Je ne pouvais plus continuer comme ça. Je ne pouvais plus me permettre d'être faible. Lina comptait sur moi. Moi, je devais compter sur moi-même.
Je passai une main sur mon visage, essuyant les larmes qui menaçaient de couler. Non. Ce soir, je ne pleurerai pas.
Je pris une grande inspiration et ouvris mon armoire. J'en sortis un jean, un t-shirt propre et me changeai. Ensuite, je me dirigeai vers la salle de bain et me regardai à nouveau dans le miroir.
J'avais besoin de voir une autre version de moi. Pas la femme brisée, mais celle qui se relève.J'attachai mes cheveux en une queue de cheval haute, me lavai le visage et inspirai profondément. C'était décidé. À partir de maintenant, je reprends ma vie en main.
Ethan ne méritait plus une seule larme. Je ne vivrais plus pour un homme qui ne m'a jamais vraiment aimée. Je vivrais pour moi.
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Les jours passaient, et je restais fidèle à ma décision. Je voulais me relever.
Je m'étais promis de ne plus pleurer pour Ethan, alors j'avais enfoui ma douleur sous une nouvelle routine. Je travaillais plus, je rentrais tard, j'évitais de trop penser.
Mais malgré tout, l'argent manquait toujours.
Le salaire que je gagnais comme assistante ne suffisait pas. Lina avait encore des frais pour l'université, le loyer était une charge lourde, et les factures ne cessaient de s'accumuler.
C'est là qu'ils sont venus me voir.
Tout a commencé un soir, au bureau. J'étais restée tard pour finir des dossiers quand mon patron, Monsieur Vargas, un homme aux allures respectables mais dont les affaires étaient troubles, est entré dans mon espace de travail.
- Maya, j'ai une proposition pour toi.
J'ai levé la tête, intriguée.
- Quel genre de proposition ?
Il a souri, s'asseyant sur le coin de mon bureau.
- Je sais que tu galères financièrement. Que tu prends soin de ta sœur toute seule. Je peux t'aider.
Mon cœur s'est serré. Comment savait-il tout ça ? Depuis combien de temps m'observait-il ?
- Aider comment ? ai-je demandé d'une voix prudente.
Il a sorti une enveloppe épaisse et l'a posée devant moi.
- Un petit travail en plus. Simple. Tu continues de faire ce que tu fais ici, mais parfois, tu fais passer des transactions. Des paiements en liquide que tu ne notes pas dans les registres officiels. Des documents que tu classes sans poser de questions.
J'ai senti mon estomac se nouer.
- C'est illégal, n'est-ce pas ?
Il a ri légèrement, haussant les épaules.
- C'est juste du business, Maya. Des gens riches qui veulent que leur argent passe inaperçu. Tu ne fais que du papier, tu ne touches même pas à l'argent directement. Et en échange... tu reçois des primes généreuses.
Il a poussé l'enveloppe vers moi.
- Ceci, c'est juste une avance.
J'ai regardé l'enveloppe, hésitante. Il y avait sûrement plusieurs milliers à l'intérieur.
J'aurais dû dire non.
Mais Lina avait besoin de cet argent. Moi, j'avais besoin de cet argent. Alors, j'ai tendu la main et j'ai pris l'enveloppe.
C'est comme ça que tout a commencé.
D'abord, ce n'étaient que de petits documents à signer sans lire. Des dossiers à ranger sans poser de questions. Puis, j'ai commencé à recevoir des colis à déposer dans certaines adresses.
Les premiers jours, mon cœur battait à tout rompre. Je savais que c'était dangereux.
Mais à chaque fois que je rentrais et que je voyais Lina réviser sereinement, sans se soucier de notre situation, je me disais que c'était nécessaire. Je faisais ça pour elle. Pour nous. C'est ce que je me répétais. Mais au fond, une partie de moi savait que j'étais en train de me perdre.
Ce soir-là, tout devait bien se passer.
J'avais suivi les consignes à la lettre depuis des semaines. Je faisais ce qu'on me demandait, sans poser de questions. Et en retour, l'argent tombait, me permettant de tenir le coup, de payer le loyer, les factures, et d'assurer à Lina un semblant de stabilité.
Mais ce soir-là, tout a basculé.
J'avais reçu une somme importante à faire transiter. Beaucoup plus que d'habitude. Je ne savais pas exactement combien, mais l'enveloppe était bien plus lourde que les précédentes. Une partie devait être discrètement répartie dans différentes transactions pour être "propre", et le reste livré à une adresse précise.
Mon cœur battait un peu plus vite que d'habitude lorsque je suis sortie du bureau, l'enveloppe soigneusement cachée dans mon sac. Je savais que je jouais à un jeu dangereux. Mais jamais je n'aurais imaginé ce qui allait arriver.
Il était tard, la rue était presque vide. J'avançais d'un pas rapide, pressée de terminer cette mission et de rentrer chez moi. Mais à peine avais-je tourné au coin d'une ruelle que je les ai vus.
Trois hommes, capuches abaissées, silhouettes menaçantes.
Je n'ai même pas eu le temps de réagir.L'un d'eux s'est avancé brusquement et m'a agrippée par le bras.
- Donne le sac.
Sa voix était grave, sèche, sans une once d'hésitation. Un frisson glacé m'a parcouru l'échine.
- Je... Je n'ai rien, laissez-moi tranquille ! ai-je balbutié, tentant de reculer.
Un autre homme a ri doucement.
- Écoute, on sait ce que tu transportes.
Mon estomac s'est noué. Comment pouvaient-ils savoir ?Quelqu'un avait parlé.
- J'ai dit, donne le sac.
Cette fois, sa voix s'est faite plus menaçante, et j'ai senti quelque chose de froid contre mon ventre. Un couteau.
Un frisson d'horreur m'a traversée. Je ne pouvais rien faire.
J'ai serré les dents, les larmes aux yeux, et j'ai lentement tendu mon sac. L'homme l'a arraché de mes mains, l'a ouvert rapidement, puis a hoché la tête à ses complices.
- Bonne fille.
Ils ont reculé doucement, s'assurant que je ne bouge pas, puis ont disparu dans l'obscurité de la ruelle.
C'était fini.
Je suis restée figée quelques secondes, le cœur battant à un rythme incontrôlable. Mon souffle était saccadé. Mon corps tremblait.
Puis, la panique m'a submergée. J'ai perdu tout l'argent. Une somme énorme. Mon cerveau s'est emballé. Qu'est-ce que j'allais faire ?
Monsieur Vargas n'allait jamais accepter ça. Ils allaient me tuer. J'ai reculé contre un mur, le souffle court, ma tête tournant sous le choc.
J'étais foutue.