L'angoisse bruissait dans son ventre. À ses côtés, Alys souriait, entourée de coureurs qui dansaient avec joie, mais Selene ne pouvait s'empêcher de ressentir une profonde mélancolie. Ce monde de pétale et de soie n'était pas le sien, et elle avait l'impression d'évoluer dans une seconde peau, une couverture qu'elle n'avait pas choisie.
Alors qu'elle observait les couples tourner, la musique s'intensifia et, à un moment donné, elle sentit une main se poser sur son épaule. Elle se retourna brusquement, découvrant le roi alpha, vêtu d'un costume somptueux, son visage impassible, mais ses yeux révélaient une profondeur qui l'énigmait. Dans un instant, le flot de danseurs se réduisit autour d'eux.
« Viens, Selene. Ne reste pas ici à profiter de l'ombre. » Sa voix était ferme mais douce, comme une étoile qui brille au milieu de l'obscurité. Il lui tendit la main, et elle, après une fraction de seconde de freinage, se trouva incapable de s'y soustraire.
Elle accepta la main qu'il lui tendait avec une certaine réticence, mais dans son geste, il y avait une chaleur et une autorité incroyables. Lorsqu'il l'attira dans le tourbillon de la danse, le monde autour d'eux sembla disparaître, comme si le temps s'était arrêté et qu'ils flottaient dans une bulle d'intimité.
Tous deux s'avancèrent dans la danse, Selene ayant le cœur battant au rythme d'une mélodie enivrante. Leurs corps s'alignèrent, et c'est lorsque leurs yeux se croisèrent qu'un frisson parcourut son échine. L'éclat des chandeliers faisait scintiller son visage, dévoilant les traits marqués par l'angoisse et le pouvoir.
« Tu es magnifique ce soir », murmura-t-il, ses yeux s'attardant sur son visage. « Comme une étoile qui illumine cette soirée. »
Les mots, bien que flatteurs, frappèrent Selene comme des objets contondants. Elle avait appris à se méfier de ses paroles, à comprendre que derrière chaque compliment se cachait une intention. « Votre Majesté, c'est simplement une robe. On ne peut se fier à l'apparence dans un monde aussi... dangereux. »
« Moi, je sais ce que signifie se cacher derrière une apparence », rétorqua-t-il, sérieux. « Dans ce royaume, il est difficile d'entrevoir la véritable nature des gens. Ce que vous voyez ici n'est qu'un reflet, une façade. »
Leurs yeux s'accrochèrent de manière presque douloureuse. Selene sentait la tension palpable entre eux, une fragilité cachée sous leurs façades respectives. « Je ne suis pas ici pour jouer les marionnettes, Sire. J'ai mes propres combats à mener et mes propres démons à chasser. »
Il haussait un sourcil, un léger sourire au coin des lèvres. « En effet, j'ai entendu parler de votre courage et de la manière dont vous avez osé défier le conseil. Mais chaque combat nécessite un allié. »
Leurs cœurs battant la chamade, ils continuèrent à danser, leurs pas synchronisés dans un ballet vibrant. Selene ressentait ce lien inexplicable qu'elle avait tenté d'effacer si souvent. Dans cet échange, elle percevait des vérités, des échos de souffrances qu'ils partageaient en silence.
« Et quel allié seriez-vous, vraiment ? » balança-t-elle, cherchant à vérifier son propre cœur, déjà sensible. « Si le serpent se cache pour frapper. »
Il se mit à rire doucement, une sonorité agréable, mais d'une tristesse sous-jacente. « Je ne suis pas le serpent, Selene. Je suis celui qui essaie de garder l'herbe devant moi propre. Nous sommes tous des produits de nos expériences. Mais je crains que mon passé finisse par me dévorer. »
Une douleur silencieuse résonnait dans ses mots. Elle devina qu'il était toujours hanté par ses démons, et Selene s'interrogea sur ce qu'il cachait sous cette carapace d'autorité. À cet instant, une partie d'elle voulait plonger dans cet abîme, tandis qu'une autre s'en méfiait.
« Vous ne devez pas porter ce fardeau seul », murmura-t-elle, presque un fil de voix. Elle trouva la force de faire un pas de plus près, brisant l'espace sacré entre eux. Dans son esprit, elle imaginait le roi, non pas comme l'Alpha régnant avec une poigne de fer, mais comme un homme, essayant de se frayer un chemin à travers les ombres.
Un éclair de vulnérabilité traversa son visage alors qu'il se pencha un peu plus près, attiré par sa chaleur. « Cela fait longtemps que je me suis éloigné des autres, Selene. Mon royaume a besoin d'un roi fort, pas d'un homme vulnérable. »
« Et qui pourrait vous donner cette force si ce n'est pas vous-même ? » demanda-t-elle, le ton sincère, lui offrant une véritable porte où une lumière pourrait entrer.
Il la fixa longuement, la tension dans l'air palpable, en elle s'illuminait une vision plus douce. Elle ne pouvait éviter d'éprouver une forme d'attraction envers lui, une pulsion qui l'amenait à vouloir comprendre l'homme bien plus que le roi. Il se tenait là, en demi-teinte, révélant une part d'humanité dans ses souffrances.
« Je ne peux pas le faire, Selene. J'ai trop perdu. Je ne peux tout simplement pas me permettre de m'attacher à quelqu'un ou à quelque chose à nouveau. » Ses mots étaient empreints d'un désespoir qui touchait son cœur.
Et tout en soutenant ce regard intense, elle sentait son propre cœur s'ouvrir, mais la peur d'être blessée s'immisçait entre eux, tiraillant tous deux leurs désirs et leurs luttes. « Je ne suis pas ici pour vous blesser, mais pour essayer d'avancer ensemble. » Sa voix était douce, mais elle sentait une pression sur sa poitrine, comme si une barrière se dressait entre eux.
Il se redressa, rompant ce léger équilibre. Leurs portées de sentiments se mêlaient dans une atmosphère brûlante et imprévisible. Un frisson passant entre eux comme une onde tellurique, à la croisée des chemins de leur destin tumultueux.
À mesure que la danse continuait, Selene sentit les battements de son cœur résonner dans l'intimité du moment. Elle aurait voulu se perdre, se rendre dans ce tourbillon. Mais la vision de leur univers s'effondrant sur eux, avec des complots cachés, et la peur de la perte l'en empêchait.
« Sire, je ne peux pas être ce que vous attendez, ce que vous désirez. Je... je dois rester vigilant. Je ne peux pas me laisser emporter par ces sentiments », avoua-t-elle.
Il éloigna son regard, un léger sourire formé sur ses lèvres, mais coûteux, de ceux qui peinent à cacher une amertume. « Je comprends. Mais il est difficile de passer à côté de cette attraction. Peut-être qu'elle peut devenir notre force, pas seulement un fardeau. »
Selene ravala un soupçon de douleur. Elle devait se résigner à garder ses distances. L'intensité de ce qu'ils partageaient évoquait un risque, un lien tellement précieux qu'elle craignait que cela ne mène qu'à une issue tragique. Leur union lui faisait peur.
« Nous avons des responsabilités, Sire. Ne laissez pas ce moment de vulnérabilité vous égarer », lui murmura-t-elle, ancrée dans sa décision de ne pas franchir cette limite. Elle lutta, consciente que ce serait dangereux pour tous deux.
Le roi l'observa, cette distance réapparaissant ; des fragments de l'homme autrefois fort à nouveau, replaçant des murs là où ils venaient de s'effondrer. « Je n'ai jamais voulu te mettre dans cette position, Selene. Mais chacun de nous est un pion dans ce jeu cruel. Je crains, plus que tout, que mes émotions deviennent des faiblesses. »
Les battements de son cœur avaient pris un rythme effréné. Selene s'empara de son bras. « Sire, ce jeu ne se déroule jamais comme prévu. Vous n'êtes pas seul dans cette quête, même si le royaume vous pousse à le croire. Et votre vulnérabilité n'est pas une faiblesse. »
À cet instant, une tempête se mêlait aux leaders des courants tumultueux qu'ils devaient naviguer ensemble. Ce qu'elle voulait dire était bien plus complexe que de simples mots. Sa fragilité et celle du roi s'entremêlaient dans un espace où aucun questionnement ne pouvait prendre place sans ébranler les certitudes.
« Je mentirais si je disais que je ne ressens rien, Selene. Mais je crains que vous en ayez trop à perdre », murmura-t-il d'une voix presque déchirante.
Ce moment, ce partage, resserrait les mailles d'une attache illusoire, mais elle savait que ce serait simplement un reflet, un éclat éphémère, avant que la réalité du monde ne les rattrape. L'air était chargé d'émotions, leurs désirs refoulés devenant presque des ombres palpables au milieu des rires et de la musique de la soirée.
Les notes de la mélodie continuèrent à glisser autour d'eux, enivrant, mais lorsque la danse atteignit sa fin, elle savait qu'il était temps de se rappeler à leurs luttes respectives.
« Je suis désolée, mais je dois... je dois me retirer », avoua-t-elle finalement, sa voix tremblante.
Il hocha la tête, comprenant la tension qui gouvernait leur danse. Le regard du roi, sombre et complexe, la balança entre l'envie de lui donner un baiser chargé de promesses et la crainte de céder au désir.
Alors qu'elle s'éloignait, un éclat d'espoir se leva devant elle, mais aussi un profond sentiment de perte. Elle savait qu'il serait toujours là, chaque regard, chaque geste se glissant furtivement dans son esprit.
Se promener à l'envers des émotions n'aurait jamais suffi. Selene s'en fut ainsi, portant avec elle les échos d'une étreinte interdite, mais elle restait certaine de son choix : même dans l'adversité, elle ne céderait pas.
Chaque pas la rapprochait d'un monde où les combats devraient être menés avec courage, son cœur solide, même sous le poids de cette tension. Elle savait que dans cette danse tumultueuse, la route serait semée d'embûches, mais peut-être qu'ignorer l'attirance qu'elle ressentait l'aiderait à garder son esprit clair.
La musique continuait de résonner, mais au fond, les battements de son cœur résonnaient d'empreintes d'un royaume partagé, un royaume dont elle tenait la clé.