Avec d'énormes mains pour broyer des dragons à mains nues.
J'ai toujours imaginé aussi qu'il aurait les cheveux noir de jais, toujours en bataille, et une petite barbe... rien de très voyant. Un five o'clock. Juste une ombre sur sa mâchoire bien carrée.
Je l'imaginais bien, musclé aussi, brandissant une très longue épée et ses yeux verts magnifiques perçant ses ennemis, les intimidant d'un seul regard!
Et oui, je l'avoue, bien souvent, j'avais des fantasmes un peu plus darks et bien moins chastes sur cet ange protecteur des armées divines.
Des fantasmes que je n'ai jamais osé révéler à personne. À ma décharge, je peux dire pour me justifier que moi et mon amie Anna Lucia avons peut-être regardé un peu trop d'épisodes de « Supernaturel » étant ado. Les deux frères Winchester et l'ange Castiel - et même aussi parfois Lucifer, roi des enfers - ont donc très souvent aussi occupés la première place dans mes fantasmes de petite chrétienne très enflammée.
N'empêche que je ne croyais jamais, même dans mes rêves les plus fous, que l'homme qui viendrait me sauver soit la manifestation même de mon fantasme le plus secret.
Dans mon rêve, il m'arrache à mon tortionnaire et, me prenant dans ses bras, il m'entraine loin de cet enfer sur terre où j'étais captive. De grandes ailes se déploient alors dans son dos et nous nous envolons dans le ciel, loin des baraquements, loin de cet endroit maudit, alors que, blottie sur son corps musclé, je me repose enfin, mon sommeil uniquement marqué du rythme cardiaque des battements de son cœur.
Si forts. Si réguliers. Si rassurants.
Mais il y a d'autres battements.
Celui des ailes dans son dos?
Ou plutôt ceux des hélices d'un hélicoptère.
Dans les tréfonds de ma conscience, je sais bien qu'il n'y a pas d'ange.
Je dois aussi très certainement halluciner.
Ricardo Lopez m'a surement droguée encore une fois... et il joue avec ma tête, comme toujours... pour me torturer mentalement et physiquement.
C'est son jeu favori.
Je ne dois pas relâcher ma vigilance! me dis-je avec détermination, alors que je m'éveille en sursaut.
Je découvre alors que je suis dans un endroit étrange. La température est trop fraiche et le fond de l'air n'est pas humide comme dans la jungle.
Je fronce les sourcils, les yeux fermés. Je n'ai plus non plus cette odeur putride qui me colle à la peau. En fait, je me sens toute fraiche! On m'a donné un bain!?
Je porte ma main à mon cou, où je sens encore plus la fraiche...
Je ne porte plus cet horrible collier d'esclave!
Celui que Ricardo Lopez m'obligeait à porter! Quelqu'un l'a coupé à mon cou! Et je crois qu'on a changé mes vêtements aussi pour une espèce... de jaquette d'hôpital!
J'entrouvre les yeux et je constate qu'effectivement, je semble être dans une chambre d'hôpital.
Mon cœur se met à battre si fort que j'en ai les oreilles qui bourdonnent.
Je n'ai plus de coller d'esclave.
Est-ce que cela veut dire que je suis libre?
Vraiment libre?
Tout cela n'était donc pas qu'un rêve ou une autre de mes hallucinations?
L'archange Saint-Michel m'a vraiment sauvé la vie?
¡Qué hijueputas! (version colombienne de What the Fuck)
Samantha! Arrête de délirer!
Je dois séparer le fantasme de la réalité!
Je révise les événements mentalement. Tout est encore très flou, mais je me souviens que Ricardo Lopez venait tout juste de pénétrer dans le bâtiment où j'étais détenue et il était très en colère. Il n'arrêtait pas de me demander si Valeria Fedora était venue ici en son absence et il m'accusait de lui avoir balancé tous ses secrets! Mais je ne les connais pas, moi, ses secrets, alors comment je pourrais les lui avoir dit! D'ailleurs, Valeria Fedora n'est jamais venue dans cette planque!
Il m'a giflé comme je niais tout et il m'a saisi par ce collier de chien qu'il me f'sait porter... il était sur le point de me trainer comme si souvent vers cette salle de torture, où il arriverait à me faire avouer franchement n'importe quoi!
Enfin quoi! C'est vrai! Très franchement, quel aveu a de la valeur s'il est obtenu par la torture!?
Mais Ricardo Lopez s'en contrefout parce que ce ne sont pas vraiment les aveux qu'il cherche. Non... lui ce qu'il aime, c'est de me torturer.
Ou plutôt de me punir.
De ne pas être Anna Lucia.
Chaque fois qu'elle lui échappe... je suis punie.
Continue de courir Anna Lucia!
Ne le laisse jamais t'attraper.
Parce que le jour où il finira par la coincer sera sans doute le jour de ma mort.
Après tout, je ne suis pour lui qu'un substitut.
Il était sur le point de m'attacher à un de ces instruments de torture, mais tout à coup, nous avons entendu des rafales de mitraillettes à l'extérieur...
La base était attaquée.
Et moi j'étais sauf! (Du moins pour un temps!)
Oui, ça me revient maintenant!
Ricardo Lopez se servait de moi comme bouclier humain pour tenter d'échapper aux hommes qui attaquaient sa base. Il appuyait le canon de son arme sur ma tempe!
¡Qué hijueputas!
Moi je n'y pouvais rien!
Je ne peux même pas marcher ni bouger les jambes! Alors, me débattre contre l'agresseur, vous pensez bien!
Un homme, un grand blond à lunettes est alors sorti des buissons, jetant son arme au sol... et il a tenté de négocier avec mon kidnappeur.
Mais je crois qu'il ne faisait que distraire Ricardo Lopez, parce que quelqu'un l'a attaqué par-derrière durant ce temps. Et ensuite tout est allé si vite! Le canon de l'arme qui était sur ma tempe a disparu, la main de mon agresseur étant plaquée dans son dos et du sang lui sortant de la bouche.
Le blond a pris une arme dans son dos et il a tiré une balle entre les deux yeux de mon tortionnaire et Ricardo Lopez m'a relâché tout à coup. Il est tombé au sol tel une poupée inarticulée, et moi, je croyais qu'il allait m'entrainer dans sa chute... parce que je ne peux pas tenir debout. Mais une main m'a agrippée par-derrière et un bras s'est enroulé autour de ma taille, m'attirant vers ce poitrail très ferme et très musclé.
Dans les bras de ce bel inconnu, j'ai levé les yeux sur lui.
Mon ange protecteur.
Aux yeux verts irisés de jaunes qui me font tant penser à ceux de cette panthère noire que j'avais entrevue une fois dans la jungle.
Mon ange gardien est un grand prédateur lui aussi.
Je peux le sentir.
Focus Samantha!
Le cœur battant, je réalise que je suis vraiment libre.
Parce que Ricardo Lopez est vraiment mort et que tout ça n'était pas qu'un rêve ou le produit d'une hallucination comme si souvent.
J'ouvre les yeux, désirant remercier mon ange protecteur de m'avoir sauvé.
Correction! Mes DEUX anges gardiens.
Parce que le grand blond a lui aussi contribué n'est-ce pas!
En réouvrant les yeux, je constate que je suis dans une espèce de chambre d'hôpital et je sens une aiguille sur ma peau, sur le dos de ma main. Je crois qu'on m'a mise sous perfusion.
J'entends des voix murmurer et je tourne la tête dans cette direction, espérant y découvrir la présence réconfortante de mon ange gardien.
Mon archange en armure n'est pas là... mais le grand blond, lui est dans la pièce. Il s'entretient à voix basse avec un type en blouse blanche, qui doit être un médecin.
Quand lui et le médecin constatent que je suis réveillée, ils viennent vers moi. Le grand blond relève la tête de lit et il m'aide à m'y asseoir. Le docteur me demande comment je me sens, mais j'ai la gorge trop sèche pour parler, alors le grand blond s'offre de me servir un verre d'eau.
Du coin de l'œil, je regarde en direction de la sortie du lieu, m'attendant à voir en surgir mon archange Michaël à tout instant, mais rien ne se passe.
Le médecin me pose des questions d'usage, sur ma condition. Il me demande depuis combien de temps j'ai perdu l'usage des jambes. Le grand blond demeure près de moi durant tout ce temps où je leur explique que cela est survenu dans un accident de voiture, quand j'avais dix-sept ans...
Le visage du docteur se durcit quand il me demande avec sarcasme qui est le « Doctorcito » qui a traité mes blessures à l'époque, car il aimerait bien lui dire un mot à ce charlatan! Il aimerait bien aussi que je lui donne le nom de l'hôpital où j'avais été admise pour qu'il puisse le faire radier!
Cela me fait tellement étrange de ne pas avoir ce collier autour de mon cou, qui me serrait si fort que cela m'empêchait de hausser la voix quand je parlais...
Ma gorge est un peu inconfortable à cause de cette sensation nouvelle quand je lui réponds timidement, ne parvenant pas à hausser la voix, que Ricardo Lopez faisait appel à un médecin clandestin dont je ne connais pas le nom pour traiter les membres de son organisation quand ils étaient blessés. Lui et trois autres médecins se chargeaient aussi de ces esclaves avant qu'elles soient vendues. Ils leur mettaient un implant contraceptif qui est aussi un traceur... à la base de la nuque.
Je m'empresse d'ajouter que je dois d'ailleurs moi aussi en avoir un de ces implants...
Le docteur confirme en effet la présence d'un petit corps étranger à la base de mon cou qui a été décelé sur les radios qu'ils ont prises à mon arrivée. Cependant, il pensait que cela était un éclat de métal ou autre qui subsistait de mon accident, car sur les radios d'autres petits corps étrangers sont visibles que le médecin qui m'avait soigné après mon accident ne semble pas avoir vu.
Il est sur le point d'ajouter quelque chose au sujet de mes vertèbres cervicales et de la raison pour laquelle je suis paraplégique, mais le grand blond à lunette se racle la gorge, lui coupant la parole pour dire qu'il est persuadé que Miss Ramirez bénéficiera des meilleurs soins à compter de ce jour, mais que le plus urgent n'est pas cette vieille blessure, mais plutôt de lui retirer cet implant, n'est-ce pas!
Le docteur pince les lèvres, dévisageant le grand blond avec frustration. « Oui bien entendu Señor Bérubé. Je vais demander au docteur Mariano d'y voir. Il est un de nos meilleurs chirurgiens... ici à l'hôpital de Bogota. »
Oh ouah. Le señor Bérubé doit être quelqu'un de drôlement important pour que ce médecin se mette en quatre pour lui.