La grande cour était parée de dorures et de velours, un écrin de faste et d'opulence destiné à célébrer l'avènement du nouveau souverain. Sous le regard attentif de toute une assemblée de nobles et de guerriers, Dante Vörhees monta sur l'estrade de marbre poli, la tête haute et le manteau drapé autour de ses épaules larges, ses yeux d'un gris d'acier trahissant une douleur que nul ne semblait vouloir voir. Les chants et les acclamations retentissaient dans la vaste salle, mais en lui résonnait un silence amer. La cérémonie, d'une solennité imposante, marquait son couronnement officiel en tant que roi des loups-garous, et pourtant, quelque chose dans le scintillement froid de son regard révélait que le pouvoir qu'il venait d'acquérir était teinté de malédiction.
« Voici Dante Vörhees, le nouveau souverain, le gardien de nos traditions et le pilier de notre destin, » déclara d'une voix forte le Grand Prêtre, tandis que les oriflammes se déployaient dans un ballet hypnotique. Mais même au cœur des acclamations, Dante ne pouvait échapper à la sombre présence de la malédiction qui hantait ses nuits et assombrissait ses jours. Depuis sa naissance, un sceau sombre semblait être apposé sur son destin, une prophétie funeste qui prédisait que son règne serait entaché par une force qui le consumerait de l'intérieur.
Dans les coulisses de la cérémonie, alors que les réjouissances battaient leur plein, Dante se retira quelques instants pour méditer seul dans les appartements royaux. Assis devant une large baie vitrée qui offrait une vue imprenable sur les vastes jardins éclairés par la lueur pâle de la lune, il ferma les yeux et sentit le poids de son héritage. Le murmure du vent se mêlait aux échos d'anciennes incantations, et dans le creux de son cœur, la malédiction faisait rage. Il se souvenait des contes de sa jeunesse, des avertissements des anciens selon lesquels le pouvoir suprême venait toujours accompagné d'un fardeau inéluctable.
« Pourquoi ai-je été choisi, » murmura-t-il dans le silence de sa retraite, « si mon destin est de porter ce fléau ? »
Un frisson parcourut son échine tandis que les souvenirs de nuits tourmentées et de rêves peuplés d'ombres se pressaient contre son esprit. Dante savait qu'il devait désormais assumer la lourde responsabilité de son trône, mais il ne pouvait ignorer le signe persistant de la malédiction : une présence obscure qui semblait murmurer à son oreille et hanter ses pensées les plus intimes.
Le lendemain, dans une salle d'état aux murs tapissés de tapisseries millénaires, Dante se retrouva en réunion avec ses conseillers les plus proches. Les visages gravés par l'expérience et la sagesse, chacun portait en lui le poids des générations et l'espoir d'un avenir meilleur. Autour d'une table en chêne massif, les voix s'élevèrent pour rappeler au nouveau roi ses obligations royales, et l'un d'eux, un vieux stratège aux yeux perçants, prit la parole avec une autorité tranquille.
« Sire, » dit-il d'un ton mesuré, « il est de notre devoir de vous rappeler que le destin de notre royaume repose sur l'union sacrée entre le roi et sa reine. La légende des âmes sœurs, aussi contée soit-elle, nous impose de trouver cette compagne avant la prochaine lune de sang. »
Les mots résonnèrent dans la pièce, chargés d'un sens symbolique et mystique. Pour Dante, cette obligation était à la fois une espérance de guérison et une nouvelle chaîne qui venait alourdir son fardeau. Ses yeux se durcirent légèrement tandis qu'il écoutait la tirade de son conseiller, qui ne cherchait qu'à honorer les traditions et à garantir la stabilité de son règne.
« Trouver ma reine ? » répliqua Dante d'un ton cynique, la voix empreinte d'un sarcasme amer. « Vous croyez vraiment qu'une simple légende, une fable sur les âmes sœurs, peut adoucir le poison de ma malédiction ? »
Un silence pesant s'installa dans la salle. Les conseillers échangèrent des regards inquiets, conscients que le roi, malgré son couronnement, était prisonnier d'un destin qui lui échappait. Dante se leva, fit quelques pas dans la pièce, et son regard se perdit un instant dans la contemplation de la fenêtre, comme s'il cherchait à discerner dans la nuit les réponses à ses tourments.
« Sire, » reprit le vieux stratège avec une douceur forcée, « nous avons tous foi en la légende, car elle est le pilier sur lequel repose l'équilibre de notre monde. La reine ne sera pas seulement votre compagne, elle sera la clé pour briser la malédiction qui vous ronge. »
Les paroles du conseiller, bien que prononcées avec sincérité, ne parvinrent qu'à attiser le cynisme qui brûlait en Dante. D'un geste brusque, il répliqua : « La clé ? Vous parlez de contes pour endormir les âmes faibles. Mon cœur est trop endurci par les épreuves pour se laisser bercer par des chimères. Je ne crois pas en l'âme sœur, en un amour prédestiné qui viendrait tout effacer de ma douleur. »
Le murmure de ses mots se répandit dans la salle comme une onde de choc, et quelques visages trahirent leur désarroi. Pourtant, Dante, dans son regard froid, ne laissait transparaître aucune hésitation. La douleur qui le hantait ne pouvait se résoudre en un bonheur d'amour prophétique, et il se refusait à l'idée qu'un simple destin amoureux puisse panser les plaies de son existence.
Alors que la réunion s'achevait dans une atmosphère lourde et incertaine, Dante s'isola de nouveau dans ses appartements royaux. Là, seul avec ses pensées, il laissa la rancœur et le scepticisme s'emparer de lui. Dans la pénombre d'une pièce éclairée uniquement par la lueur tremblotante d'une bougie, il repensa aux innombrables nuits de solitude, aux cris étouffés de son âme tourmentée et aux ombres qui dansaient sur les murs de son esprit.
« Peut-être que la légende n'est qu'un leurre, » se dit-il, la voix basse et mélancolique. « Peut-être que je dois apprendre à vivre avec cette malédiction, sans espérer qu'un amour miraculeux vienne un jour tout changer. »
Pour Dante, la quête de la reine devenait un exercice de survie, un devoir imposé par les traditions qui ne laissaient aucun répit au roi maudit. Ses conseillers, malgré leur insistance, ne pouvaient changer la conviction profonde qui l'animait. Le cynisme s'était enraciné en lui, comme une herbe amère qui refusait de se laisser déraciner, et il se refusait à croire en un destin romantique qui le libérerait de sa peine.
Pourtant, malgré son désaveu de la légende des âmes sœurs, Dante ne pouvait ignorer le regard persistant de ceux qui voyaient en lui l'espoir d'un renouveau. Les murmures dans les couloirs du palais disaient que le roi maudit, par son courage et sa résilience, finirait par trouver la paix. Mais pour l'instant, chaque tentative de ses conseillers pour le convaincre restait vaine, et chaque parole résonnait en lui comme un écho lointain, dépourvu de la chaleur salvatrice qu'il espérait ne jamais recevoir.
Dans une longue nuit de doute et de réflexion, Dante se retrouva face à un miroir antique, ses traits sévères reflétés dans la pâleur de la lune. « Qu'attends-tu de moi ? » murmura-t-il, s'adressant à son propre reflet. « Croire en des contes de fées alors que mon cœur est condamné à souffrir ? » La question restait sans réponse, suspendue dans l'air comme une prière désespérée.
Au petit matin, alors que les premiers rayons du soleil perçaient timidement l'horizon, un de ses plus fidèles conseillers, un homme au regard vif et à l'esprit aiguisé, s'avança pour tenter une dernière fois de le raisonner. « Sire, » dit-il avec une voix empreinte d'une compassion discrète, « il n'est pas question de croire en des illusions. Il s'agit de réunir les forces de notre peuple, de trouver une compagne qui saura vous compléter, qui saura apporter un équilibre à votre règne. Même si la légende des âmes sœurs peut sembler être un mythe, l'union sacrée qui en découle est réelle. »
Dante fixa le conseiller, ses yeux perçant l'âme de celui-ci, et répondit d'un ton tranchant : « Vous parlez d'équilibre, mais je vois en moi une tempête dont aucune reine ne saurait apaiser la fureur. Je suis maudit, et cette malédiction est le prix de mon destin. Aucun amour, aussi fervent soit-il, ne pourra effacer l'ombre qui m'habite. »
Les mots résonnèrent dans la pièce, marquant une fracture nette entre l'espoir de certains et le cynisme inébranlable du roi. Le conseiller, déçu mais résigné, baissa les yeux, conscient que Dante s'enfonçait de plus en plus dans le scepticisme de son propre chagrin.
Les jours qui suivirent furent une succession de cérémonies, de réunions et d'aveux silencieux. Chaque fois qu'un nouveau sujet de discussion revenait sur la nécessité de trouver la reine avant la prochaine lune de sang, Dante se montrait imperturbable, sa voix tremblant rarement que de mépris. Pourtant, dans le secret de ses nuits solitaires, un doute persistant s'insinuait, comme une petite graine de lumière dans l'obscurité de sa malédiction. Mais il la chassait aussitôt, préférant se réfugier dans le cynisme et dans la froideur de son scepticisme.
Au crépuscule d'un jour particulièrement lourd de présages, alors que la cour se réunissait pour une dernière consultation avant que la lune de sang ne se lève, Dante s'avança vers le trône, son regard dur et résolu. Un silence solennel s'abattit sur l'assemblée, et il déclara d'une voix basse mais ferme : « Je ne céderai pas à ces contes d'amour qui me sont imposés. Si je dois trouver une reine, alors qu'elle vienne sans fard, sans mensonges, et qu'elle accepte de partager ce fardeau maudit. »
Les conseillers échangèrent des regards hésitants, tandis que l'air vibrait d'une tension palpable. Dante, le visage marqué par les années de tourments, paraissait presque indomptable, mais derrière ce masque de froideur se cachait une blessure profonde, une douleur que nul ne pouvait apaiser par de simples paroles de réconfort.
Pendant cette assemblée, un murmure discret s'éleva parmi les invités, celui d'un espoir fragile et d'une légende qui refusait de mourir. Certains voyaient dans ces mots l'ouverture d'un chemin vers la guérison, tandis que d'autres, tout comme Dante, demeuraient prisonniers de leur cynisme. La légende des âmes sœurs, racontée depuis des générations, semblait flotter dans l'air, invisible mais omniprésente, défiant la raison et l'expérience du roi maudit.
Ainsi se termina ce jour, dans un équilibre précaire entre le destin et le doute, entre l'obligation sacrée et le refus obstiné d'un homme qui ne croyait plus aux contes de fées. Dante Vörhees, couronné roi malgré la malédiction qui le rongeait, restait figé dans ses convictions, refusant de laisser une légende éthérée venir adoucir la dureté de sa réalité. Et dans le silence qui suivit, alors que la cour se dispersait et que la nuit s'avançait, il demeurait seul avec ses pensées, conscient que chaque instant passé à renier l'espoir le rapprochait un peu plus de l'abîme de sa propre désolation.