Chapitre 4 Chapitre 4

Ryan, les bras croisés, observait Ezra qui traçait des cercles dans la terre avec une branche, concentré sur son geste. Cela faisait plusieurs jours qu'il venait ici, au cœur de la forêt, loin de la meute. Avec Ezra, il se sentait étrangement en sécurité, libre d'exprimer ce qu'il gardait enfermé depuis si longtemps.

"Tu te tiens encore trop raide quand tu te bats," dit Ezra sans lever les yeux de son dessin. "Tu essaies de résister à la force, mais parfois, il faut la laisser te traverser."

Ryan hocha la tête, bien qu'il ne soit pas sûr de comprendre. Son corps portait encore les marques des entraînements récents. Chaque muscle lui faisait mal, et pourtant, il revenait chaque jour, poussé par une volonté qu'il n'avait jamais ressentie auparavant.

"Tu veux dire... accepter la douleur ?" demanda Ryan, hésitant.

"Pas seulement la douleur," répondit Ezra en se redressant, son regard perçant planté dans celui de Ryan. "La colère aussi. La peur. Tout ce que tu essaies de refouler. Si tu veux devenir fort, tu dois apprendre à transformer ces émotions en force. Pas les ignorer, pas les laisser te consumer, mais les contrôler."

Ryan détourna les yeux, mal à l'aise. "Je ne sais pas si je peux. La colère... elle me rend comme lui."

Ezra s'approcha, posant une main ferme mais rassurante sur l'épaule de Ryan. "Tu n'es pas lui. Et tu ne le seras jamais, tant que tu fais les choix pour de bonnes raisons. Mais si tu fuis ta colère, elle finira par te rattraper."

Le silence retomba, interrompu seulement par le bruissement des feuilles au-dessus de leurs têtes. Ryan sentit ses poings se serrer malgré lui. Il savait qu'Ezra avait raison, mais affronter cette part de lui-même lui semblait insurmontable.

"Pourquoi tu fais ça pour moi ?" finit-il par demander, brisant le silence. "Tu aurais pu m'abandonner comme tout le monde."

Ezra le regarda longuement, une lueur d'émotion traversant ses yeux sombres. "Parce que je te vois, Ryan. Pas seulement le garçon que tu es maintenant, mais l'homme que tu pourrais devenir. Et aussi parce que... j'ai échoué avant."

Ryan fronça les sourcils, intrigué par cette confession inattendue. "Échoué comment ?"

Ezra soupira et se détourna, comme si les mots qu'il s'apprêtait à dire étaient lourds à porter. "Il y a longtemps, j'ai eu un élève. Il était comme toi, plein de potentiel, mais brisé par ce que la vie lui avait infligé. J'ai essayé de l'aider, mais je n'ai pas vu la tempête qui grondait en lui. Il a laissé sa colère le dévorer, et il est devenu un monstre. J'ai juré de ne plus refaire cette erreur."

Ryan sentit un frisson lui parcourir l'échine. Ezra parlait avec une telle sincérité qu'il ne pouvait pas douter de la douleur qui se cachait derrière ses mots.

"Et moi ? Tu penses que je peux... que je peux contrôler cette colère ?" demanda-t-il, la voix presque tremblante.

"Je sais que tu peux," répondit Ezra, avec une conviction qui surprit Ryan. "Mais cela commence par accepter qui tu es, y compris tout ce que tu considères comme tes faiblesses. Ton passé, tes peurs, ta douleur... tout cela fait partie de toi. Mais ce ne sont pas des chaînes. Ce sont des outils."

Ryan resta silencieux, ses pensées tourbillonnant. Depuis qu'il était enfant, il avait toujours vu ses émotions comme un fardeau, quelque chose à cacher pour éviter la colère de son père. Mais pour la première fois, il se demandait s'il pouvait les utiliser, comme Ezra le disait, au lieu de les fuir.

Après un moment, Ezra rompit le silence. "Parle-moi de lui."

Ryan releva les yeux, confus. "De qui ?"

"De ton père. Walter Mike. Je veux savoir ce que tu ressens vraiment à son sujet."

Le nom de son père fit naître une vague d'émotions conflictuelles en lui : colère, peur, tristesse... et quelque chose de plus profond qu'il n'osait pas nommer.

"Je le déteste," lâcha-t-il finalement, sa voix rauque. "Mais parfois... parfois, je me demande si je ne veux pas juste qu'il me voie. Qu'il me reconnaisse."

Ezra hocha la tête, comme s'il comprenait parfaitement. "C'est normal. Nous cherchons tous à être vus, surtout par ceux qui devraient nous protéger. Mais Ryan, tu ne peux pas attendre qu'il change. C'est toi qui dois décider de ton propre chemin."

Ryan ferma les yeux, essayant de calmer le tumulte en lui. "C'est juste... difficile. Chaque fois que je pense avoir fait un pas en avant, il trouve un moyen de me ramener en arrière."

Ezra s'approcha, son ton devenant plus sérieux. "Walter Mike a peur de toi, Ryan. Pas parce que tu es faible, mais parce qu'il voit ta force. Et c'est pour ça qu'il essaie de te briser. Il sait que tu es destiné à le dépasser."

Ces mots frappèrent Ryan comme une révélation. La possibilité que son père puisse le craindre n'avait jamais traversé son esprit. Mais cela expliquait tant de choses : sa colère constante, ses humiliations répétées, son besoin de le contrôler.

"Il y a autre chose que tu dois savoir," ajouta Ezra après un moment.

Ryan le regarda, intrigué. "Quoi ?"

Ezra hésita, comme s'il pesait ses mots. "Ton père... il n'a pas toujours été comme ça. Avant la guerre contre la meute des Ombres, il était différent. Mais quelque chose s'est brisé en lui ce jour-là. Quelque chose qui a transformé sa force en tyrannie."

"Qu'est-ce que c'était ?" demanda Ryan, son cœur battant plus vite.

Ezra baissa la voix, comme s'il redoutait que les arbres eux-mêmes puissent entendre. "Il a perdu quelqu'un qu'il aimait. Quelqu'un qu'il voulait protéger à tout prix. Et il se blâme pour ça."

Ryan sentit une vague d'émotion monter en lui. Il n'avait jamais vu son père sous cet angle, comme un homme hanté par ses propres démons. Mais cela n'excusait pas tout.

"Alors quoi ? Il a décidé de me faire payer pour ça ?" siffla-t-il, sa colère refaisant surface.

"Non," répondit Ezra, calmement. "Mais il a décidé que la seule façon de protéger ce qu'il lui restait, c'était de devenir plus fort. Plus dur. Et dans ce processus, il a perdu de vue ce qui importait vraiment."

Ryan serra les poings, essayant de digérer ces révélations. Il ne savait pas quoi en penser. Une part de lui voulait comprendre son père, mais une autre ne pouvait pas pardonner ce qu'il lui avait fait subir.

Ezra posa une main sur son épaule, le ramenant à l'instant présent. "Tu as le pouvoir de briser ce cycle, Ryan. De devenir un leader différent. Mais cela commence ici, avec toi. Pas avec lui."

Ryan hocha lentement la tête. Il sentait un feu naître en lui, un feu qu'il ne voulait plus éteindre. Il n'était peut-être pas encore prêt à affronter son père, mais il savait qu'il faisait un pas dans la bonne direction.

"Je veux continuer," dit-il, déterminé. "Je veux apprendre à contrôler tout ça. À devenir... meilleur."

Ezra esquissa un sourire, un vrai sourire cette fois, empli de fierté. "Alors, commençons."

Et sous la lumière naissante du jour, Ryan fit son premier pas vers un avenir qu'il n'osait pas encore imaginer. La meute était un monde de silence tendu et de regards lourds, un endroit où chaque parole, chaque mouvement était observé et jugé. Dès que Ryan entra dans la clairière, il sentit la pression de ses anciens camarades, leurs yeux rivés sur lui, comme s'ils attendaient tous qu'il trébuche. Chaque souffle, chaque pas semblait un défi. Il n'était plus simplement le fils du Alpha violent, il était devenu un étranger dans un endroit où il avait grandi, un endroit où les règles n'étaient jamais celles de l'humanité, mais celles de la force brute.

Il ne savait pas ce qui lui faisait le plus peur : la réaction de son père, ou la réaction des autres membres de la meute. Walter Mike n'était plus là, mais ses ombres planaient toujours sur tout, chaque regard étant une évaluation de sa capacité à prendre sa place, à être digne. Ryan avait l'impression que tout le monde l'attendait, non pas avec des bras ouverts, mais avec une faim féroce, prêts à le juger, prêts à le pousser dans ses retranchements. Il savait que son père l'avait laissé avec un héritage lourd, et qu'il devrait prouver qu'il pouvait faire mieux. Mais comment ? Comment pourrait-il, quand les chaînes de son passé étaient encore si visibles dans les regards des autres ?

Il avança vers le centre de la clairière où les membres de la meute se rassemblaient. Leur voix s'éteignit dès son arrivée, un silence oppressant s'installant instantanément. Les loups se regroupaient en petites scènes de discussions murmurées, mais leurs yeux ne quittaient pas Ryan, l'observant, le scrutant, attendant une réaction. Cela ne surprenait pas Ryan. Chaque geste qu'il ferait, chaque parole qu'il prononcerait serait un test. L'odeur de l'hostilité était omniprésente, elle flottait dans l'air comme un poison lent.

"Regardez qui voilà," dit une voix familière, pleine de sarcasme. C'était Garret, un loup plus âgé qui avait toujours été un partisan de Walter Mike. Il se tenait un peu à l'écart, comme s'il attendait que Ryan prenne l'initiative de venir vers lui. "Tu as réussi à te débarrasser de papa, hein ? Bien joué. Mais tu crois que tu as ce qu'il faut pour diriger ?"

Ryan serra les poings, sentant une bouffée de colère monter en lui. Chaque cellule de son corps lui criait de se rebeller, de répondre avec la violence qu'il avait apprise sous l'œil attentif de son père. Mais Ezra lui avait dit de ne pas se laisser emporter. De ne pas tomber dans ce piège. Contrôler sa colère, la transformer en force, telle était la leçon. Alors Ryan inspira profondément, en dépit de la tension qui se tendait dans ses muscles.

"Je n'ai pas à te prouver quoi que ce soit, Garret," répondit Ryan, sa voix plus ferme qu'il ne l'aurait imaginé. "Ni à toi, ni à quiconque ici. Ce que je fais, je le fais pour la meute. Pas pour me mesurer à qui que ce soit."

Les murmures s'intensifièrent autour de lui. Mais Garret ne se laissa pas démonter. Il s'approcha de Ryan avec une posture défiant, ses yeux perçants remplis de défi.

"Ah, voilà un Alpha qui parle en grande pompe," dit-il, avec un sourire moqueur. "Mais dis-moi, Ryan, qu'est-ce qui te fait penser que tu vaux mieux que ton vieux père ? Que tu as ce qu'il faut pour mener cette meute, hein ?"

Un autre membre, une louve nommée Selene, s'avança et se plaça près de Garret, soutenant silencieusement ses paroles. "Peut-être qu'il a été épargné des coups de poing de papa, mais ça ne fait pas de lui un Alpha. C'est la nature qui décide, Ryan. Pas des discours."