Chapitre 5 Chapitre 5

Cassian attendait dans une clairière, le regard fixé sur la pleine lune qui baignait la forêt d'une lumière argentée. Sa posture était tendue, les bras croisés, une ride creusant son front. Depuis des heures, il sentait cette énergie singulière se rapprocher, la même énergie qui l'avait troublé lors de leur première rencontre.

Ronan apparut soudain à ses côtés, comme une ombre silencieuse.

- Tu as l'air préoccupé, lança Ronan en passant une main dans ses cheveux noirs. Serait-ce lié à cette mystérieuse mercenaire ?

Cassian tourna la tête, son regard sombre trahissant une pointe d'irritation.

- Tu sais bien que c'est plus sérieux que ça, Ronan. Cette fille... elle est différente. Je ressens le lien, quelque chose que je ne peux pas expliquer.

Ronan esquissa un sourire narquois, s'accoudant nonchalamment contre un arbre.

- Ah, le grand Alpha Cassian troublé par une humaine. Qui aurait cru que ce jour viendrait ? Tu devrais peut-être lui offrir des fleurs pour sceller cette fameuse "liaison d'âmes".

- Ce n'est pas un jeu, Ronan, grogna Cassian, sa voix grondant comme un avertissement.

Mais Ronan, fidèle à lui-même, ne recula pas.

- Détends-toi. Ce que tu ressens pourrait être utile. Si elle est vraiment liée à cette prophétie, elle pourrait être la clé pour contrer Maeva.

Cassian ouvrit la bouche pour répondre, mais son regard se tourna soudain vers la forêt.

- Elle arrive.

Quand j'émergeai enfin de la ligne des arbres, mon regard tomba directement sur Cassian. Il se tenait droit, imposant, la lumière de la lune jouant sur ses traits anguleux. Derrière lui, un homme plus âgé, grand, avec un air décontracté qui contrastait étrangement avec l'intensité de l'Alpha, m'observait avec un sourire en coin.

Je plantai mes pieds fermement dans le sol, défiant la sensation écrasante qui me poussait vers eux.

- Tu vas m'expliquer maintenant pourquoi je suis là, ou tu préfères continuer à m'espionner dans ma tête ? lançai-je, croisant les bras pour cacher mon malaise.

Cassian avança d'un pas, son regard scrutant chaque détail de mon visage, comme s'il cherchait quelque chose qu'il n'arrivait pas à saisir.

- Tu sais très bien pourquoi tu es ici, répondit-il calmement. La marque. Le lien.

- Tu te fous de moi ? Cette... cette chose sur mon bras, je ne l'ai pas demandée ! Alors, peut-être que toi, avec tes airs de grand chef, tu peux m'expliquer ce qu'il se passe. Parce que moi, je suis totalement dans le flou, et honnêtement, ça commence sérieusement à me gonfler.

Ronan éclata de rire derrière lui, rompant la tension pesante.

- Je l'aime bien, ta petite humaine, Cassian. Elle a du mordant. Peut-être qu'elle pourrait t'apprendre à sourire un peu.

- Ronan, tais-toi, grogna Cassian, visiblement agacé.

Mais son ami ne sembla pas impressionné.

- Allez, détends-toi, Cassian. Si tu continues comme ça, tu vas finir par lui faire peur.

Je levai un sourcil, observant l'interaction entre les deux hommes. Malgré leur échange piquant, une camaraderie palpable flottait entre eux. Pourtant, l'irritation de Cassian semblait réelle. Était-ce parce que Ronan avait mis le doigt sur un point sensible ?

Cassian se tourna vers moi, son regard brûlant.

- Cette marque sur ton bras, c'est un lien entre nous. Une connexion ancienne et puissante. Je ne sais pas pourquoi elle est apparue, mais ce que je sais, c'est qu'elle signifie quelque chose.

- Génial, ironisai-je. Alors, quoi ? On est censés se tenir la main et chanter sous la lune ?

Ronan rit à nouveau, mais Cassian ne partagea pas son amusement.

- Ce n'est pas une blague. Ce lien pourrait être dangereux. Pas seulement pour toi, mais pour nous tous. Maeva sait que tu existes, et elle te veut pour une raison précise.

À l'entente de ce nom, mon sang se glaça. La sorcière noire. Même dans les bas-fonds où je traînais, son nom évoquait des frissons de peur.

- Alors quoi ? Je deviens votre prisonnière maintenant ? Vous pensez que je vais gentiment vous suivre et me soumettre à vos ordres ?

Cassian s'approcha encore, si près que je pouvais sentir la chaleur de son corps.

- Non, mais tu n'as pas le choix.

L'ombre glissa silencieusement entre les arbres, ses mouvements presque imperceptibles. L'espion observait la scène de loin, ses yeux perçants captant chaque détail de la confrontation. Maeva lui avait donné un ordre clair : capturer la fille, coûte que coûte.

Mais sous son masque d'obéissance se cachait une vérité plus sombre. L'espion n'était pas seulement un serviteur de Maeva, mais aussi un pion dans le jeu d'une meute ennemie, prêt à retourner la situation à son avantage.

Il attendait le moment opportun, le souffle suspendu, une dague argentée serrée dans sa main gantée.

Le feu crépitait doucement dans l'âtre, projetant des ombres dansantes sur les murs de bois brut de la cabane. La chaleur aurait dû me réconforter, mais mes mains restaient crispées autour de la tasse de thé que Ronan m'avait forcée à accepter. Chaque muscle de mon corps était tendu, chaque battement de mon cœur résonnait trop fort dans mes oreilles. Cassian se tenait devant moi, imposant et inflexible, comme une statue de pierre prête à s'animer d'une colère contenue.

- Tu comptes continuer à m'observer comme ça ou tu vas enfin poser des questions ? lâchai-je en levant un sourcil, la voix pleine de défi.

- Je veux savoir qui tu es. Vraiment. Pas tes mensonges. Pas ce masque sarcastique que tu portes si bien. Qui es-tu, Evelyn ? D'où viens-tu ?

La tension dans ses paroles était aussi tranchante qu'une lame. Il n'y avait aucun échappatoire. Ce soir, il ne me laisserait pas fuir, je le savais. Je soupirai, posant la tasse avec un bruit sourd sur la table.

- Tu veux savoir qui je suis ? Très bien. Prépare-toi à être déçu.

Je sentis Ronan bouger légèrement dans l'ombre, son expression d'amusement mêlée à une curiosité mal dissimulée. La nuit promettait d'être longue.

- J'étais gamine quand ma mère est morte, commençai-je, ma voix plus rauque que je ne l'aurais voulu. Elle était... différente. Un peu comme moi, mais jamais je n'ai compris pourquoi. Elle me parlait souvent de notre sang. "Ton sang porte un secret, Evelyn," disait-elle toujours. "Protège-le." Mais elle n'a jamais eu le temps de m'expliquer.

Cassian ne bougeait pas, mais son regard, intense et inébranlable, ne me quittait pas d'un centimètre.

- Et ensuite ? murmura-t-il, une pointe de douceur tempérant son ton.

- Ensuite, elle est morte. Disparue comme une ombre emportée par le vent. Tout ce que je sais, c'est qu'elle se battait. Contre quoi, je n'en ai aucune idée. Et moi... j'ai appris à survivre seule.

Ronan, adossé nonchalamment contre le mur, hocha la tête.

- Et c'est tout ? Tu n'as jamais cherché à en savoir plus ? À comprendre ce qu'elle voulait dire par "secret du sang" ?

Un rire amer s'échappa de mes lèvres.

- Oh, j'ai cherché, crois-moi. Mais tout ce que j'ai trouvé, c'est des bribes. Des souvenirs brisés. Des rêves hantés de figures indistinctes et de hurlements dans la nuit. Rien qui ait du sens.

Cassian fronça les sourcils, visiblement troublé par mes paroles.

- Ces rêves... tu les as toujours ?

Je baissai les yeux, hésitante, avant de hocher lentement la tête.

- Parfois. Mais ils sont de plus en plus clairs ces derniers jours. Comme si quelque chose, ou quelqu'un, les faisait remonter à la surface.

Il échangea un regard lourd de sous-entendus avec Ronan, puis se tourna à nouveau vers moi.

- Et la prophétie ? Tu sais qu'elle te concerne, n'est-ce pas ?

Je serrai les poings, la colère montant en moi comme un feu incontrôlable.

- Arrête avec ta fichue prophétie, Cassian ! Je ne suis pas une élue, ni une clé magique pour résoudre tes problèmes de meute ! Je suis juste une fille paumée avec des cicatrices que personne ne peut voir !