Sous la lune du rejet
img img Sous la lune du rejet img Chapitre 2 Le Poids du Rejet
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Chapitre 6 Au cœur de la nuit img
Chapitre 7 L'âme sœur img
Chapitre 8 Le refus img
Chapitre 9 L'appel de img
Chapitre 10 La voix de la bête img
Chapitre 11 L'ultimatum de la lune img
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Chapitre 2 Le Poids du Rejet

Le matin arriva sans pitié, comme chaque fois. Kieran se réveilla, à moitié défiguré par les dernières échos de la bête, l'esprit encore brumeux de la transformation. Les premiers rayons du soleil effleuraient les cimes des arbres, baignant la forêt dans une lumière douce et dorée, mais pour Kieran, cette lumière était lointaine, presque étrangère. Il se sentait comme un étranger dans ce monde tranquille, un homme dans un corps qui ne lui appartenait plus, toujours plus éloigné de tout ce qu'il avait été.

La douleur des muscles brisés, la fatigue de la chasse – bien que furtive et solitaire – et surtout, ce sentiment de déchirement constant, l'envahissaient encore. Mais au fond de son esprit, un autre souvenir persistait : celui de la jeune femme, cette inconnue qui l'avait regardé avec tant d'indifférence, ou était-ce du dégoût ? La lueur dans ses yeux, ce rejet qu'il avait perçu, résonnait encore dans son cœur comme une cloche de fer.

Kieran se leva lentement, balayant la terre de ses mains couvertes de boue, se redressant avec un grognement sourd de douleur. Sa peau était marquée par la transformation, encore rougie et irritée là où les poils commençaient à repousser. Il ne pouvait se permettre de trop s'attarder sur ce qu'il venait de vivre. Il avait appris à faire avec. Chaque mois, c'était la même chose. Une lutte intérieure incessante, la perte de son humanité, et une solitude qu'il portait comme une malédiction. Et pourtant... Ce regard d'acceptation qu'il avait cru percevoir chez la jeune femme... Cela le perturbait encore.

Sans réfléchir davantage, il commença à marcher. Le chemin qu'il suivait était vague, flou, comme toujours. Kieran ne savait jamais où il allait, il n'en avait jamais été capable. Il fuyait les villages, les routes fréquentées, les êtres humains. Il n'avait pas besoin de plus de rejet dans sa vie. Les gens le craignaient, et c'était bien ainsi. Mieux valait rester invisible, mieux valait se cacher, loin des regards et des attentes. La seule façon de survivre à la malédiction, c'était de s'effacer.

Mais un sentiment étrange l'empêcha de tourner les talons lorsqu'il aperçut une petite auberge au loin, une silhouette familière, celle de la jeune femme qu'il avait vue la veille. Cette fois, elle ne semblait pas être en mouvement, mais debout près de la porte, comme si elle l'attendait. Kieran se figea dans son élan, son instinct lui criant de fuir. Tout en lui disait qu'il n'était pas fait pour cet endroit, pour ces gens, pour elle.

Mais quelque chose l'attira malgré lui. Un mélange de curiosité et d'espoir qu'il n'avait pas ressenti depuis longtemps. Il hésita une fraction de seconde avant de prendre une décision qu'il ne maîtrisait pas totalement. Il s'éloigna du sentier, se dissimulant dans les buissons, se repliant dans l'ombre des arbres. Il ne pouvait pas... Il ne devait pas l'approcher.

Et pourtant, il ne pouvait pas la sortir de son esprit. Comment avait-elle réagi à ses révélations ? Qu'avait-elle ressenti en le rejetant aussi facilement ? Il n'était plus capable de comprendre si c'était la peur, la honte ou simplement un rejet pur et simple de sa part.

À mesure qu'il se rapprochait de l'auberge, il aperçut des traces de vie : des gens se déplaçaient, des voix s'élevaient en éclats de rire, quelques clients se relaxaient autour d'une table. Mais tout cela lui paraissait lointain, irréel. C'était comme un monde qui lui était inaccessible. Un monde de lumière et de chaleur qu'il ne pouvait toucher. La brume de son esprit s'épaissit à l'idée de ce qu'il pourrait devenir s'il s'aventurait davantage.

Quand il se retrouva enfin à l'angle de l'auberge, il aperçut de loin la silhouette de la jeune femme, toujours immobile, toujours en attente, et il la sentit... différente. Une sensation curieuse, à la fois douce et forte, l'envahit, mais il n'arrivait pas à la saisir. Il la regarda un instant. Elle n'était pas seule ; d'autres clients de l'auberge se trouvaient là, mais il remarqua que son attention semblait restée focalisée sur un point, en particulier.

Kieran ressentait une étrange chaleur, mêlée à une angoisse sourde, face à la possibilité de se confronter à ce rejet de manière plus directe. Que pourrait-il dire ? Que pourrait-il faire ? Il n'était qu'un monstre, une bête qu'il haïssait, qui haïssait les autres, une malédiction qui déchirait son cœur. Il n'avait rien à offrir, rien d'autre que la peur et l'incertitude.

Ses pensées furent interrompues lorsqu'il entendit des éclats de voix qui se firent plus distincts. Un homme, robuste et bien portant, s'approcha d'elle, visiblement en pleine conversation. Il souriait largement, son ton jovial, comme s'il avait l'impression d'être l'un des habitués de l'auberge. Kieran s'éloigna encore un peu dans l'ombre, sans bien savoir pourquoi.

Il n'eut pas le courage de les suivre. De toute façon, il n'aurait pas osé croiser son regard une nouvelle fois. La jeune femme semblait aussi peu encline à le voir qu'à l'instant où il lui avait révélé sa nature. Elle était loin de l'acceptation qu'il aurait espéré. C'était la confirmation amère que tout ce qu'il avait cru à propos de leur échange n'était qu'une illusion.

Alors qu'il s'éloignait lentement, il entendit des éclats de rire s'élever de l'auberge. L'homme qui venait de s'adresser à la jeune femme semblait en grande forme, et les voix des autres se mêlaient joyeusement dans l'air. Kieran s'éloigna, mais une partie de lui se déchirait. Ce n'était pas la peur qui le poussait à fuir, mais la certitude qu'il n'était pas fait pour ce monde-là, qu'il ne serait jamais à sa place dans cet univers de lumière et de chaleur.

Il chercha un sentier en dehors du chemin principal, un passage étroit bordé de buissons et de fougères. Sa course n'avait pas de but précis, mais il ressentait ce besoin de s'échapper, comme toujours. Fuir avant qu'il ne fasse trop de mal.

Je suis une bête, pensa-t-il une fois de plus. Et jamais personne ne m'acceptera. Ni elle, ni quiconque.

Les mots résonnaient dans sa tête, un refrain lancinant qui l'accompagnait comme une malédiction. Mais au fond de lui, une petite lueur d'espoir persistait, fragile, presque invisible. Peut-être qu'un jour, quelqu'un serait capable de voir au-delà de la bête. Mais ce jour-là, il n'était pas encore arrivé.

            
            

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