Chapitre 5 Chapitre 5

Le manoir était méconnaissable. Chaque couloir, chaque salon, chaque balcon avait été transformé pour l'occasion. Des guirlandes de lumière scintillaient au plafond, des bouquets de fleurs blanches et rouges parsemaient les tables en marbre, et une musique envoûtante s'échappait de l'orchestre installé dans le grand hall. Elena regarda autour d'elle, mal à l'aise. Elle n'avait jamais assisté à un bal de cette envergure. Les invités, parés de robes somptueuses et de costumes parfaitement taillés, discutaient avec aisance, comme s'ils étaient nés pour briller sous ces lustres étincelants.

Elena, elle, se sentait terriblement décalée. Elle tira légèrement sur le tissu de sa robe, une création sur mesure choisie par une styliste renommée engagée par Maximilien. La robe était magnifique, d'un bleu profond qui mettait en valeur ses yeux, mais elle avait l'impression d'être déguisée. Ses talons hauts lui semblaient instables, et le maquillage qui lui pesait sur le visage ne faisait qu'ajouter à son inconfort. Elle détestait être le centre de l'attention, et ce soir, elle était au cœur de toutes les conversations.

- « Souris un peu, » murmura Maximilien à son oreille.

Elena sursauta légèrement en sentant sa présence. Il se tenait juste derrière elle, impeccable dans un smoking noir qui le rendait encore plus intimidant que d'habitude. Ses cheveux sombres étaient parfaitement coiffés, et son parfum boisé la fit frissonner malgré elle.

- « Si tu continues à tirer cette tête, les invités vont penser que tu es ici contre ton gré, » ajouta-t-il avec un sourire en coin.

Elle se tourna vers lui, le fusillant du regard. - « Ce n'est pas loin de la vérité, » répondit-elle sèchement.

Maximilien rit doucement, son regard brillant d'amusement. - « Allons, Elena. C'est une soirée importante. C'est le moment de montrer à tout le monde que nous sommes... un couple heureux. »

Il insista sur les derniers mots avec une ironie qui fit monter une pointe de colère en elle. - « Un couple heureux, » répéta-t-elle, sa voix teintée de sarcasme. « Très crédible, vu que tu ne m'as pratiquement pas adressé la parole depuis nos fiançailles. »

Il haussa un sourcil, visiblement amusé par sa réplique. - « Crois-moi, ce n'est pas moi qu'ils regardent. C'est toi. Et pour une bonne raison. »

Elena sentit le rouge lui monter aux joues. Elle détourna le regard, mal à l'aise sous l'intensité de son regard. Elle savait qu'il avait raison. Depuis son arrivée dans le grand hall, elle avait senti les regards curieux, les murmures derrière les éventails, les sourires hypocrites. Ces gens la jugeaient, scrutaient chaque détail, cherchant la moindre faille dans son allure, son comportement. Elle n'était qu'un spectacle pour eux, une distraction dans leur monde de luxe et de pouvoir.

- « Respire, » murmura Maximilien en posant une main légère sur son dos. « Je suis là. »

Le contact de sa main, chaud et rassurant, la surprit. Elle leva les yeux vers lui, cherchant une trace d'arrogance ou de moquerie, mais il n'y avait rien de tel. Juste une étrange sincérité, comme s'il voulait vraiment l'aider. Avant qu'elle ne puisse répondre, un serveur s'approcha avec un plateau d'argent, proposant des flûtes de champagne. Maximilien en prit deux, tendant l'une d'elles à Elena.

- « À notre soirée, » dit-il, levant son verre.

Elle hésita un instant, puis trinqua avec lui, sentant un étrange mélange de défi et de gratitude. Elle but une gorgée, laissant les bulles pétiller sur sa langue, essayant de se détendre.

Mais le répit fut de courte durée. À peine quelques minutes plus tard, une femme d'une beauté glaciale s'approcha d'eux. Elle portait une robe rouge écarlate qui semblait peinte sur son corps mince, et son sourire était aussi tranchant qu'une lame.

- « Maximilien, toujours aussi charmant, » dit-elle en posant une main possessive sur son bras. Son regard se tourna vers Elena, l'évaluant de haut en bas avec une froideur calculée. « Et voici donc la fameuse fiancée. »

Elena sentit son cœur se serrer. Cette femme dégageait une aura de pouvoir et de danger qui la mettait mal à l'aise. Maximilien, cependant, resta parfaitement calme, un sourire poli sur les lèvres.

- « Elena, je te présente Isabelle, une vieille amie de la famille, » dit-il.

Elena força un sourire, tendant une main tremblante. Isabelle l'ignora ostensiblement, se contentant de croiser les bras.

- « Une vieille amie, hein ? » murmura-t-elle, son regard fixé sur Maximilien. « J'ignorais que tu avais des goûts si... modestes. »

Elena sentit une vague de colère monter en elle, mais avant qu'elle ne puisse répondre, Maximilien se tourna vers Isabelle, son sourire disparaissant.

- « Suffit, Isabelle. »

Son ton était calme, mais tranchant, et Isabelle sembla se figer, comme si elle venait de réaliser qu'elle avait franchi une limite. Elle se ressaisit rapidement, lançant un dernier regard dédaigneux à Elena avant de s'éloigner.

Elena inspira profondément, essayant de calmer les battements de son cœur. Maximilien se tourna vers elle, une lueur d'amusement dans les yeux.

- « Ne laisse pas Isabelle t'atteindre. Elle adore provoquer. »

- « Provoquer ? » répéta Elena, sa voix tremblante de colère. « Elle m'a humiliée devant tout le monde ! »

Maximilien haussa les épaules. - « Tu t'habitueras. Ce genre de soirées est toujours rempli de vipères. »

Elena ouvrit la bouche pour répliquer, mais fut interrompue par l'arrivée d'un homme grand et imposant. Il portait un costume impeccable, mais il y avait quelque chose de sauvage dans son allure, un éclat dangereux dans ses yeux sombres.

- « Maximilien, ça fait longtemps, » dit-il, un sourire carnassier sur les lèvres.

Maximilien se tourna vers lui, son expression se durcissant immédiatement. - « Gabriel. »

Elena sentit la tension monter entre eux. Elle observa les deux hommes, fascinée par leur échange silencieux. Gabriel se tourna vers elle, son sourire s'élargissant.

- « Et voici donc la célèbre Elena. Enchanté, mademoiselle. »

Elena hésita, puis serra sa main. Il la fixait avec une intensité qui la mettait mal à l'aise, comme s'il cherchait à lire en elle.

- « Gabriel est un... vieil ami, » expliqua Maximilien, sa voix froide.

Gabriel rit doucement. - « Vieil ami ? C'est un peu réducteur, non ? »

Elena sentait qu'il y avait beaucoup plus entre eux, quelque chose de non-dit, de sombre. Mais elle n'eut pas le temps d'en apprendre davantage, car Gabriel se tourna de nouveau vers Maximilien.

- « Alors, tu n'as toujours pas parlé à Elena de... ton passé ? »

Elena sentit son cœur se serrer. Elle tourna les yeux vers Maximilien, qui resta impassible.

- « Ce n'est ni le lieu, ni le moment, » répondit-il sèchement.

Gabriel haussa les épaules, un sourire énigmatique sur les lèvres. - « Très bien. Mais n'attends pas trop longtemps, Maximilien. Les secrets finissent toujours par remonter à la surface. »

Et sur ces mots, il s'éloigna, laissant Elena et Maximilien dans un silence lourd. Elle se tourna vers lui, cherchant des réponses dans ses yeux, mais il évita son regard.

- « Que voulait-il dire ? » demanda-t-elle finalement.

Maximilien soupira, passant une main dans ses cheveux. - « Rien qui te concerne. Oublie ce qu'il a dit. »

Mais Elena savait qu'elle ne pourrait pas oublier. Gabriel avait semé une graine de doute en elle, et elle savait qu'elle ne pourrait pas rester dans l'ignorance. Elle devait découvrir la vérité, peu importe ce que cela impliquait.