Le trajet en voiture fut silencieux, et lorsqu'ils arrivèrent dans un luxueux hôtel où se tenait la réunion, Lucie sentit son cœur accélérer. La salle débordait d'hommes et de femmes en tenue de soirée, chacun affichant un masque de confiance et de supériorité.
Dès leur entrée, tous les regards se tournèrent vers eux. Lucie sentit des murmures derrière elle, des regards évaluateurs, certains curieux, d'autres clairement condescendants.
Une femme élégante, avec un sourire qui semblait gravé dans du marbre, s'approcha d'eux. « Adrien, toujours aussi impeccable. »
Elle se tourna vers Lucie, ses yeux scrutant chaque détail. « Et voici donc votre... épouse ? »
Lucie se força à sourire. « Oui, enchantée. »
« Catherine, » répondit la femme, un éclat moqueur dans les yeux. « Adrien ne cesse de nous surprendre. Vous devez être... unique, pour avoir capté son attention. »
Lucie sentit le venin derrière les paroles. Elle répondit avec un calme qu'elle ne se connaissait pas. « Unique, peut-être. Mais il semblerait qu'Adrien ait trouvé ce qu'il cherchait. »
Catherine haussa un sourcil, clairement décontenancée. Elle répondit par un sourire forcé avant de se détourner.
« Pas mal, » murmura Adrien à son oreille, ce qui fit monter un léger rouge à ses joues.
Mais la soirée ne tarda pas à se corser. Lors d'une discussion animée entre investisseurs, Catherine revint à la charge.
« Et vous, Lucie, qu'apportez-vous à cette union ? » demanda-t-elle d'un ton mielleux, faisant sourire l'assistance. « Je suppose qu'Adrien a vu en vous un potentiel... latent ? »
Lucie serra les poings, mais cette fois, elle ne se contenta pas de sourire.
« Mon potentiel ? » dit-elle en se levant légèrement de sa chaise. « Je pense que ce qui importe, c'est ce qu'Adrien et moi construisons ensemble. Mais peut-être que cela vous échappe. »
Un silence pesant suivit, et Adrien, pour une fois, semblait impressionné.
De retour au manoir, Lucie se débarrassa de ses talons avec un soupir d'agacement.
« Ces gens sont insupportables, » dit-elle en se laissant tomber sur le canapé.
Adrien, qui s'était servi un verre de whisky, s'approcha d'elle, son expression plus douce qu'à l'ordinaire.
« Vous avez été parfaite. Même moi, je ne m'attendais pas à autant de répartie. »
Lucie leva un sourcil, fatiguée mais satisfaite. « Peut-être que vous me sous-estimez. »
Il s'assit à côté d'elle, et pour la première fois, elle sentit une tension étrange entre eux, quelque chose de non dit mais palpable.
« Vous avez du cran, Lucie. Mais ce monde... il peut être cruel. Et je ne veux pas qu'il vous brise. »
Elle le fixa, surprise par ce moment de sincérité. Mais avant qu'elle ne puisse répondre, Adrien se leva brusquement.
« Venez, allons dîner. Nous avons des choses à discuter. »
La salle à manger, habituellement froide et austère, semblait plus intime ce soir-là. Une lumière tamisée baignait la pièce, et le silence était interrompu seulement par le bruit des couverts.
« Qu'avez-vous pensé de Catherine ? » demanda Adrien après un moment.
Lucie haussa les épaules. « Elle est dangereuse. Du genre à sourire en plantant un couteau dans le dos. »
Adrien esquissa un léger sourire. « Vous avez raison. Elle est une rivale redoutable, mais pas invincible. »
Lucie posa sa fourchette, le regardant droit dans les yeux. « Pourquoi m'avez-vous emmenée, Adrien ? Je sais que ce n'est pas juste pour jouer à la parfaite épouse. »
Il soutint son regard, et cette fois, elle crut y déceler une lueur de vulnérabilité.
« Parce que j'ai besoin de vous, » dit-il finalement. « Ce mariage, aussi faux qu'il soit, est devenu une arme. Et vous... vous êtes plus forte que je ne l'imaginais. »
Elle sentit un frisson parcourir son échine, mais elle ne savait pas si c'était à cause de ses mots ou de la façon dont il la regardait.
Le silence s'épaissit, et l'air sembla soudain chargé d'électricité. Adrien se leva, contournant la table pour se rapprocher d'elle.
« Lucie... » murmura-t-il, sa voix plus douce qu'elle ne l'avait jamais entendue.
Mais avant qu'il ne puisse dire autre chose, son téléphone vibra sur la table, brisant l'instant.
Il le consulta, et son expression se durcit immédiatement.
« Qu'est-ce qui se passe ? » demanda Lucie, l'inquiétude revenant en force.
Adrien serra la mâchoire. « Catherine vient de publier quelque chose qui pourrait nous mettre en difficulté. »
Lucie sentit son cœur s'alourdir. La bataille ne faisait que commencer.
Le silence qui régnait dans la maison d'Adrien était devenu pour Lucie à la fois apaisant et oppressant. Après l'intense soirée avec Catherine et l'étrange tension qui s'était installée entre elle et Adrien, elle s'était réfugiée dans l'une des chambres d'amis pour réfléchir. Elle n'avait pas dormi. Les murmures et les regards condescendants des invités tournaient encore dans sa tête, mais ce qui la hantait davantage, c'était ce moment interrompu entre Adrien et elle.
Alors qu'elle descendait les escaliers pour prendre un café, son téléphone vibra. Instinctivement, elle le sortit de la poche de son peignoir. Un numéro inconnu. Fronçant les sourcils, elle hésita avant de décrocher.
« Allô ? » dit-elle d'une voix prudente.
Un silence, puis une voix qu'elle n'aurait jamais cru entendre à nouveau.
« Lucie... C'est moi. »
Son cœur rata un battement. Elle aurait reconnu cette voix entre mille, même après tout ce temps. Lucas.
« Pourquoi tu m'appelles ? » siffla-t-elle, la colère montant en elle malgré le tourbillon de confusion qui l'envahissait.
« J'avais besoin de te parler, » répondit-il d'une voix douce, presque suppliante. « J'ai fait une erreur, Lucie. Une énorme erreur. Je ne peux pas vivre avec ça. »
Elle serra le téléphone si fort qu'elle crut entendre le plastique craquer. « Une erreur ? Tu appelles ça une erreur, Lucas ? Me trahir devant tout le monde, me ridiculiser ? Non, c'est toi qui vas devoir vivre avec. »
Il y eut un silence de l'autre côté. Puis, doucement : « Je t'aimais, Lucie. Je t'aime encore. »
Elle sentit ses jambes faiblir, mais elle se redressa immédiatement, refusant de laisser ces mots la troubler.
« Ne m'appelle plus jamais. C'est fini. Tu as détruit tout ce qu'on avait. »
Elle raccrocha avant qu'il ne puisse répondre, son souffle court et ses mains tremblantes. Elle voulait crier, pleurer, ou peut-être tout casser, mais elle se contenta de fixer son téléphone, espérant que c'était la dernière fois qu'elle entendait sa voix.
Plus tard dans la journée, alors qu'elle se trouvait dans le salon avec une tasse de thé, Adrien entra brusquement, un air sombre sur le visage. Il tenait son téléphone à la main.
« C'est quoi ça ? » demanda-t-il, lançant son écran sous ses yeux.
Elle plissa les yeux et reconnut immédiatement le message de Lucas. Apparemment, il avait également envoyé un texto.
Je veux qu'on parle, Lucie. Je ne vais pas te laisser dans les griffes de ce type.
Lucie sentit le rouge lui monter aux joues, un mélange de honte et de colère.
« Ce n'est rien, » dit-elle en essayant de garder son calme. « C'est Lucas. Il essaie de... je ne sais pas. De se racheter, peut-être. »
Adrien croisa les bras, son regard glacé fixé sur elle. « Tu appelles ça rien ? Ce type te harcèle, et tu crois que je vais rester les bras croisés ? »
Elle fronça les sourcils, agacée par son ton autoritaire. « Je n'ai rien demandé, Adrien. Je n'ai aucun contrôle sur ce qu'il fait. Et je lui ai dit de me laisser tranquille. »
Il s'approcha d'elle, son regard se durcissant encore. « Lucie, tu ne comprends pas. Ce n'est pas qu'un ex-fiancé blessé. C'est un homme qui pourrait devenir dangereux, pour toi comme pour moi. »
Elle haussa les épaules, exaspérée. « Tu dramatises. Lucas est peut-être pathétique, mais il n'est pas dangereux. »
Adrien serra la mâchoire. « Je ne prends pas de risques avec toi. Pas maintenant. Pas après tout ce que j'ai mis en jeu. »
Son ton possessif la fit frissonner, mais elle ne pouvait ignorer l'éclat de sincérité dans ses yeux.