« Et qui est-ce ? » demanda-t-elle avec un ton qui ne cachait pas son mépris.
Adrien s'avança, croisant les bras. « Ma femme. »
Le silence qui suivit fut glacial. Lucie sentit ses joues chauffer sous le regard perçant d'Éléonore.
« Ta femme ? » répéta-t-elle, incrédule. « Ne me dis pas que c'est une blague. »
« Ce n'en est pas une, » répondit Adrien avec une sérénité déconcertante.
Éléonore éclata de rire, un rire froid et méprisant. « Tu ne penses pas sérieusement que je vais croire à cette farce. Cette fille... » Elle désigna Lucie d'un geste vague, « n'a rien à voir avec notre monde. »
Lucie sentit une montée de colère, mais elle se retint de répondre.
« Que tu y croies ou non, cela ne change rien, » répliqua Adrien. « Elle est ma femme, et c'est tout ce que tu as besoin de savoir. »
Éléonore se tourna vers Lucie, ses yeux devenant des fentes. « Et toi, ma chère, qu'espères-tu obtenir de tout ça ? »
Lucie déglutit, mais se força à parler. « Rien du tout. Je ne veux rien de vous ni de votre fils. »
Éléonore sourit, un sourire sans joie. « On verra bien. Mais je te préviens, si tu penses pouvoir manipuler Adrien, tu ne sais pas à qui tu as affaire. »
La tension dans la pièce était palpable. Adrien rompit finalement le silence. « Maman, si tu n'as rien d'autre à dire, je te demanderai de partir. »
Éléonore le regarda avec une expression de défi, mais finit par se détourner. « Très bien. Mais ne crois pas que c'est fini. »
Elle quitta l'appartement, laissant derrière elle un silence pesant. Lucie se tourna vers Adrien, cherchant une explication, mais il haussa simplement les épaules.
« Elle est toujours comme ça, » dit-il, comme si cela expliquait tout.
Lucie sentit que cette femme ne comptait pas en rester là, et pour la première fois depuis le début de cette aventure, elle comprit à quel point elle venait de s'embarquer dans un univers dangereux.
Le silence tendu qui avait suivi le départ d'Éléonore s'était prolongé tout au long de la soirée. Lucie, encore secouée par l'intensité de la confrontation, avait préféré s'enfermer dans sa chambre d'amis, bien décidée à éviter Adrien autant que possible. Mais dès le lendemain matin, il devint évident que cette cohabitation ne serait pas une partie de plaisir.
Elle s'était levée tôt, espérant profiter de quelques instants de tranquillité avant qu'il ne soit debout. En descendant dans la cuisine ultra-moderne, elle découvrit Adrien déjà installé, un café noir à la main et un ordinateur portable ouvert devant lui.
« Vous êtes matinale, » fit-il remarquer sans lever les yeux.
Lucie répondit d'un ton acerbe : « Je n'avais pas vraiment envie de dormir sous le même toit qu'une machine froide et insensible. »
Adrien esquissa un sourire en coin, visiblement amusé. « Charmant réveil. Je suppose que je devrais m'attendre à ce genre de remarques tous les matins ? »
Lucie haussa les épaules tout en fouillant les placards à la recherche d'un simple bol. Tout ici était trop parfait, trop ordonné, et elle avait l'impression d'être une intruse dans un monde qui ne lui appartenait pas.
« Où sont les céréales ? » demanda-t-elle après avoir ouvert trois placards contenant uniquement des boîtes soigneusement étiquetées.
Adrien se redressa légèrement, un éclat moqueur dans les yeux. « Je doute que vous trouviez des céréales dans cette maison. Peut-être devriez-vous essayer les œufs bio ou le pain sans gluten ? »
Lucie lui lança un regard noir. « Bien sûr. Parce que monsieur vit dans un sanctuaire de perfection. Je suppose qu'il n'y a pas non plus de café instantané, hein ? »
Adrien éclata d'un rire bref mais sincère, le genre de rire qui le rendait presque humain, pour un instant. « Vous avez tout compris. Mais si vous voulez vraiment du café, il y a une machine là-bas. »
Elle s'approcha de l'appareil, une monstrueuse machine qui semblait sortie d'un laboratoire, et hésita. « Vous plaisantez, non ? Je suis censée faire quoi avec ça ? »
Il se leva finalement, agacé mais diverti, et lui montra comment l'utiliser. Leurs mains s'effleurèrent brièvement lorsqu'il lui tendit une tasse, mais il se recula presque immédiatement, comme si ce contact l'avait pris au dépourvu.
« Merci, » marmonna-t-elle, mal à l'aise.
« Ne vous habituez pas à ce genre d'attention, » répondit-il d'un ton léger.
La matinée se poursuivit sur cette dynamique étrange, oscillant entre sarcasme et silence pesant. Mais l'équilibre fragile fut brisé à l'heure du déjeuner, lorsqu'Éléonore réapparut sans prévenir.
Elle fit irruption dans la maison avec une présence qui aspirait tout l'air de la pièce, son parfum coûteux et ses talons claquant sur le sol immaculé.
« Adrien, je t'ai dit que nous devions parler, » lança-t-elle en entrant. Puis, en apercevant Lucie à table, elle ajouta, avec un sourire froid : « Oh, tu es encore là, toi. »
Lucie serra les dents mais choisit de ne pas répondre. Elle n'avait pas envie de donner à cette femme la satisfaction d'une confrontation.
« Maman, » intervint Adrien, visiblement irrité, « tu pourrais au moins prévenir avant de débarquer. »
Éléonore ignora son commentaire et prit place à la table, comme si elle était chez elle. « J'ai pensé qu'il serait intéressant de partager un repas en famille, » dit-elle avec un sourire acide.
Le repas, préparé par une gouvernante que Lucie n'avait même pas vue entrer, fut un véritable champ de bataille verbal.
« Alors, Lucie, » commença Éléonore d'un ton faussement intéressé, « que faisiez-vous avant de... rencontrer mon fils ? »
Lucie posa son couteau et sa fourchette avec un calme apparent. « Je travaillais dans une galerie d'art. Rien de bien passionnant pour quelqu'un comme vous, j'imagine. »
« En effet, » répondit Éléonore, souriant comme si elle venait de gagner un point.
Adrien, qui jusque-là s'était contenté de couper son steak en silence, intervint enfin. « Maman, si tu es venue ici pour interroger ma femme comme un suspect, tu peux repartir tout de suite. »
« Adrien, » répliqua Éléonore, visiblement offensée, « je ne fais que m'intéresser à elle. N'est-ce pas ce que fait une belle-mère attentionnée ? »
Lucie, à bout de patience, prit une gorgée d'eau avant de répondre : « Vous devriez vous épargner la peine. Je doute que votre intérêt soit sincère. »
Éléonore leva un sourcil, surprise par cette audace. Adrien, lui, sembla presque amusé.
La tension monta encore d'un cran lorsqu'Éléonore, après un silence calculé, déclara : « Ce mariage est une erreur, Adrien. Et tu le sais. »
Adrien posa sa serviette sur la table et se leva, mettant fin au repas d'un geste abrupt. « Merci pour ton avis éclairé, maman. Maintenant, si tu veux bien nous laisser, Lucie et moi avons des choses à faire. »
Éléonore le regarda avec un mélange de colère et de frustration, mais finit par se lever à son tour. « Très bien. Mais ne crois pas que j'abandonnerai. Ce mariage est une insulte à tout ce que j'ai construit. »
Elle quitta la maison dans un claquement de porte, laissant derrière elle une atmosphère lourde.
Adrien se tourna vers Lucie, qui semblait sur le point d'exploser. « Désolé pour ça. Elle peut être... intense. »
« Intense ? » répéta Lucie en riant nerveusement. « C'est une sociopathe en talons aiguilles. »
Il sourit, mais son téléphone vibra à ce moment-là, interrompant leur échange. Il regarda l'écran et fronça les sourcils avant de décrocher.
« Oui ?... Quoi ?... Non, ce n'est pas possible. Qui t'a dit ça ?... Je veux tous les détails, maintenant. »
Lucie observa son visage se durcir à mesure que la conversation avançait. Lorsqu'il raccrocha, il semblait furieux.
« Problème ? » demanda-t-elle, bien qu'elle connaissait déjà la réponse.
Adrien la regarda, son expression impénétrable. « On dirait que quelqu'un essaie de ruiner notre mariage. »
Lucie sentit un frisson parcourir son échine. « Qui ? »
Il secoua la tête, le regard sombre. « Un rival. Mais je vais découvrir ce qu'il mijote. »
Un silence pesant s'installa entre eux, laissant la menace suspendue dans l'air, comme une ombre prête à les engloutir.