Chapitre 5 Des larmes au goût acide

Je n'avais toujours pas cessé de pleurer et la nuit avait déjà commencé à tomber. Pourtant, je ne faisais rien pour me mettre en route pour rentrer chez moi bien au chaud. Ici, le vent était froid, sec et impitoyable. J'en tomberais sûrement malade, mais de ça, je m'en fichais, je préférais largement mourir que de retourner dans un lieu peuplé de gens, où j'étais sûr que nos routes pourrait se recroiser. La pluie avait finalement commencé à tomber et je ne bougeais toujours pas, tel un mort.

J'étais complètement dépourvue de force et de volonté, tout ce que je voulais c'était me laisser bouffer par les loups. Mon téléphone dans ma poche n'arrêtait pas de vibrer si bien qu'au bout d'un moment, je l'éteins complètement. Je ne voulais voir personne, parler à personne. Je ne voulais personne, tout ce que je voulais, à cet instant, c'était de rester seule. Soudain, proches de moi, se faisaient entendre des bruits qui se rapprochaient de plus en plus. Pris de panique, je stoppai immédiatement mes sanglots, me mis en position de défense. Mes yeux étaient braqués vers la source du bruit en attendant qu'il se passe quelque chose. Timidement, une petite tête brune sortit des buissons et me regarda d'un air soulagé : c'était James. -Claude! Sa voix était cassée et tremblante, ses yeux rougis brillaient dans la nuit et il n'arrêtait pas de renifler dans cette nuit si froide : il avait dû énormément pleurer et s'inquiéter pour moi et s'il était dans cet état alors je n'imaginais même pas comment devait être Sara. Je me sentis soudain mal et coupable de leur avoir infligé ça, à eux qui sont les seuls à me soutenir. -Rentrons! Il me fit un sourire timide, alors que l'eau de pluie mélangée à ses larmes ruisselaient sur tout son visage d'ange. Il me tendit négligemment sa main et agrippa fortement la mienne comme pour ne pas me laisser de choix. Son regard était fatigué et triste, signe qu'il était à ma recherche depuis longtemps déjà. Mis à part le soulagement qu'on pouvait y voir, d'autres sentiments se mélangeaient, rendant la lecture de ses émotions assez complexe. Il me tira donc de cette forêt et me conduisit à une voiture qui était garée quelques mètres plus loin. Il m'installa confortablement et fit le tour pour s'asseoir côté conducteur. Il remarqua que je le fixais intensément et, les mains sur son volant, se retourna vers moi en soufflant doucement. -C'est la voiture de mon frère. Il a accepté de me la prêter. Je hochai simplement la tête, incapable de lui répondre quoi que ce soit.. Il démarra lentement le moteur de la voiture et se dirigea directement chez moi. Le trajet fut long et reposant, il ne m'avait posé aucune question et je lui en étais reconnaissante. Une fois entré dans mon appartement, il s'activa directement à la cuisine sans me laisser le temps de dire quelque chose. -Va prendre une douche et te changer. Je vais préparer le dîner. Encore une fois, je hochai simplement la tête, ne sachant pas quoi répondre. Je montai donc rapidement dans ma chambre, me déshabillai et me mis sous la douche. Quelques minutes plus tard, j'en sortis et j'entendis James au téléphone : << Ouais t'inquiètes je l'ai retrouvée... Je vais m'occuper d'elle ce soir... Je vous tiens au courant...>>. Il devait sûrement discuter avec Sara et Bryan. Une fois habillée, je descendis donc nonchalamment vers la cuisine où se trouvait déjà mon plat préféré. James n'essaya toujours pas de me parler, sûrement pour ne pas me frustrer alors, un peu mal à l'aise par ce silence et honteuse après m'être enfuie comme une lâche, je décidai de briser le silence :

-Je suis désolée

Il leva ses yeux vers moi, d'abord rivé sur son écran portable, et me sourit d'un air forcé :

-T'en fais pas Claudine, je comprends. -Je ne sais pas ce qui m'a pris, j'ai eu peur et... J'ai... fui

Un silence s'installa entre nous, comme s'il m'encourageait à continuer :

-Je... Je suis désolée de vous avoir fait vous inquiéter. Quand je vois ta mine aussi déconfite et fatiguée je ne peux pas m'empêcher de me sentir coupable après cette torture que je vous ai fait endurer. Je suis vraiment désolée. -Tu as fait ce qui te paraissait le plus adéquat sur le moment, on ne saurait te le reprocher mais tu sais... sans vouloir te presser... Il serait vraiment bien que tu nous dises... Ce qui s'est effectivement passé. Il a demandé des explications. Il s'est enfin décidé à me questionner à ce sujet. Je ne relevais pas les yeux, fixant mes mains qui étaient soudainement devenues plus intéressantes. Je ne savais pas trop quoi lui dire, ni comment il allait réagir, je me posais trop de questions et j'en arrivais à avoir honte de moi-même. Son regard sur moi était brûlant et me mettait à nu, j'étais terriblement mal-à-l'aise et je m'enfonçai encore plus dans ma chaise, dans le but de disparaître. Il soupira très bruyamment et détourna son regard pour le laisser se balader dans la pièce :

-Je ne te force à rien tu sais. Juste que... On se connait depuis super longtemps tous les quatre et on ne s'était jamais rien caché. Et puis... j'ai été le premier de nous à découvrir cette vidéo et pour tout t'avouer j'ai vraiment été surpris... Mais si tu ne veux pas en parler... Ça ne fait rien, ça doit être dur pour toi aussi. Il se retourna vers moi de nouveau et m'afficha un grand sourire, je relevai enfin la tête vers lui et éclatai en sanglots, à croire que je ne méritais pas toutes ces personnes qui avaient décidées de me soutenir :

-Calme-toi... Chut... On est là pour toi d'accord? On ne te laissera jamais tomber

-Je... Je suis vraiment désolé, dis-je entre deux sanglots, je ne voulais pas que vous me détestiez. J'avais tellement... tellement honte de moi après ça, j'ai moi-même essayé d'oublier cette journée où... Il n'y a pas vraiment grands choses à dire, tout est vu dans cette vidéo. Je pleurais encore de plus belle, me laissant cajoler par James qui n'arrêtait pas de me répéter des mots rassurants. Mon cœur se serrait à chaque fois que j'essayais de me remémorer ce jour et mes poumons faiblissaient à cause de mes sanglots que je n'arrivais pas à calmer. Nous restâmes dans cette position assez longtemps, jusqu'à ce que, sans m'en rendre compte, je m'endormis dans les bras de James.