Je m'assis, croisant les jambes pour cacher ma nervosité. Noah resta silencieux un instant, ses yeux sombres examinant chaque nuance de mon expression. Ce silence me mettait mal à l'aise, et je résistai à l'envie de lui demander de parler.
- Vous êtes une collaboratrice exemplaire, commença-t-il finalement, son ton étrangement neutre. Diligente, loyale... enfin, je l'espère.
Il appuya sur le dernier mot comme une flèche qui aurait touché sa cible. Mes mains se crispèrent sur mes genoux.
- Je fais de mon mieux, répondis-je, sur la défensive. Mais je ne comprends pas ce que vous insinuez.
Noah s'appuya contre le dossier de son fauteuil, ses doigts croisés sous son menton.
- Je ne doute pas de vos compétences, Madison, dit-il lentement. Mais parfois, les sentiments peuvent nuire à la clarté du jugement.
Il prononça cette phrase avec une précision chirurgicale, comme s'il savait exactement comment me faire réagir. Mon cœur s'emballa.
- Et vous pensez que c'est mon cas ? rétorquai-je, ma voix trahissant une pointe d'agacement.
Un sourire imperceptible étira ses lèvres. Il se leva et fit quelques pas autour du bureau, s'arrêtant près de la fenêtre.
- Vous avez travaillé avec David pendant plusieurs années, n'est-ce pas ? demanda-t-il, les mains dans les poches. Vous aviez une bonne relation, je suppose.
Je sentis mon estomac se nouer. Pourquoi ramenait-il encore David dans la conversation ?
- David était un bon patron, répondis-je prudemment. Et un ami.
- Un ami, répéta-t-il avec un ton qui suggérait qu'il n'était pas convaincu. Rien de plus ?
Je ne savais pas quoi dire. Noah jouait à un jeu dangereux, et je ne comprenais pas pourquoi. Avant que je ne puisse répondre, il se tourna brusquement vers moi, son regard perçant.
- Vous savez, Madison, dans ce genre d'environnement, la loyauté est essentielle. Mais elle doit être dirigée vers la bonne personne. Sinon, elle devient une faiblesse.
Je me levai, incapable de supporter cette conversation une seconde de plus.
- Si vous avez des doutes sur ma loyauté, Noah, vous n'avez qu'à le dire clairement, lançai-je, ma voix plus ferme que je ne l'avais prévu.
Il esquissa un sourire énigmatique et retourna à son bureau.
- Ce sera tout pour aujourd'hui, dit-il simplement. Vous pouvez partir.
***
Je sortis du bâtiment, encore sous l'effet de la confrontation avec Noah. Mon esprit était un tourbillon de pensées. Comment pouvait-il savoir pour David et moi ? Et que cherchait-il exactement ?
Ethan m'attendait près de l'entrée. Avec sa chemise froissée et son air détendu, il semblait être la seule personne au monde à ne pas être affectée par le climat tendu qui régnait au bureau.
- Eh bien, tu as l'air d'avoir vu un fantôme, plaisanta-t-il en me tendant un café.
- Merci, marmonnai-je en acceptant le gobelet. C'est Noah. Il est... insupportable.
Ethan haussa les épaules, l'air pensif.
- Ce type est une énigme. Mais tu devrais te méfier. Je ne dis pas qu'il est mauvais, mais... il n'est pas comme David. Il joue selon ses propres règles.
Je soupirai, épuisée par cette journée interminable.
- On en parle autour d'un dîner ? proposa-t-il soudain. Je pourrais utiliser une bonne pizza, et toi, un verre de vin.
J'acceptai, trop fatiguée pour refuser. Nous nous retrouvâmes dans une petite pizzeria à quelques rues du bureau. L'endroit était bruyant et animé, un contraste bienvenu avec l'atmosphère glaciale du bâtiment de l'entreprise.
- Alors, qu'est-ce qui se passe vraiment entre toi et Noah ? demanda Ethan après quelques bouchées.
- Rien, répondis-je rapidement. C'est juste... compliqué. Il me met constamment sous pression, et il semble savoir des choses sur moi que je n'ai jamais partagées.
Ethan fronça les sourcils.
- C'est louche. Peut-être que tu devrais enquêter sur lui, plutôt que l'inverse.
- Enquêter ? répétai-je en riant nerveusement. Et comment je fais ça ?
Il haussa les épaules.
- Garde les yeux ouverts. Les gens comme lui ont toujours des squelettes dans leur placard.
***
En sortant du restaurant, une étrange sensation me parcourut. Je jetai un coup d'œil par-dessus mon épaule et aperçus un homme à quelques mètres de nous. Il portait une casquette sombre et semblait absorbé par son téléphone, mais quelque chose dans son attitude me mit mal à l'aise.
- Ethan, murmurai-je. Tu crois qu'on nous suit ?
Il tourna la tête discrètement avant de secouer la tête.
- Tu deviens parano, Madison. C'est juste un gars comme un autre.
Peut-être avait-il raison. Peut-être que je me faisais des idées. Mais même une fois rentrée chez moi, le malaise persistait.
***
En allumant la lumière de mon petit appartement, je remarquai une enveloppe glissée sous ma porte. Mon cœur s'accéléra. Je n'attendais pas de courrier, et encore moins quelque chose qui semblait aussi... mystérieux.
Je ramassai l'enveloppe et l'ouvris avec précaution. À l'intérieur se trouvait une photo. David et Noah étaient debout, visiblement en pleine dispute. L'expression de Noah était glaciale, tandis que celle de David reflétait une colère contenue.
Sous la photo, une phrase griffonnée à la main : *Ne fais confiance à personne.*
Je restai là, figée, l'enveloppe tremblant légèrement dans ma main. Qui avait envoyé ça ? Pourquoi maintenant ? Et surtout, que signifiait ce message ? Les secrets que j'avais essayé d'ignorer semblaient soudain me rattraper.
Le couloir était étrangement silencieux lorsque Sophie m'intercepta. Ses talons claquaient contre le sol marbré avec une précision presque menaçante. Elle était impeccable, comme toujours, vêtue d'une robe bleu marine ajustée qui semblait taillée pour incarner l'autorité. Son parfum, une fragrance subtile mais imposante, flottait dans l'air entre nous. Elle me bloqua le passage, son sourire aussi acéré qu'un couteau.
- Alors, Madison, murmura-t-elle, sa voix douce mais teintée de sarcasme. Tu te crois maligne, hein ? À jouer sur plusieurs tableaux ?
Je fronçai les sourcils, essayant de garder mon calme.
- Je ne vois pas de quoi tu parles, Sophie.
Elle rit doucement, un rire froid et calculateur.
- Bien sûr que non, répondit-elle, en croisant les bras. Tu es douée pour ça, après tout. Faire semblant d'être innocente, de ne rien savoir. Mais laisse-moi te poser une question : tu crois vraiment qu'il t'aime encore ?
Mon cœur s'arrêta une fraction de seconde. Elle parlait de David. Mais comment pouvait-elle être au courant ?
- Sophie, arrête ton petit jeu, rétorquai-je, essayant de dissimuler mon trouble. Si tu as quelque chose à dire, dis-le clairement.
Elle fit un pas en avant, réduisant l'espace entre nous.
- Crois-moi, Madison, quand un homme part, il ne revient pas sans un prix à payer, murmura-t-elle. Et crois-moi encore plus : ce prix, tu n'es peut-être pas prête à le payer.
Je déglutis difficilement. Elle savait quelque chose, c'était évident. Mais quoi ? Et pourquoi voulait-elle me déstabiliser ainsi ?
- Tu devrais vraiment te concentrer sur ce que tu veux, conclut-elle en s'éloignant, ses talons claquant à nouveau. Parce que, crois-moi, dans ce jeu, il n'y a pas de place pour les faibles.
Je la regardai s'éloigner, mon esprit tourbillonnant. Les insinuations de Sophie étaient aussi troublantes qu'incompréhensibles. Et si elle avait raison ? Si David cachait quelque chose que je n'avais jamais imaginé ?
***
Plus tard dans l'après-midi, Ethan débarqua à mon bureau avec un air inhabituellement grave. Il jeta un dossier sur ma table, attirant mon attention.
- Qu'est-ce que c'est ? demandai-je en le regardant, intriguée.
- Un truc que tu dois voir, répondit-il en s'asseyant sur le bord de mon bureau. J'ai fait un peu de recherches sur Noah, comme tu m'as dit de garder les yeux ouverts.
Je feuilletai rapidement le dossier. Les documents révélaient une série de transactions suspectes entre l'entreprise et une société écran. Les montants étaient exorbitants, et les bénéficiaires impossibles à identifier.
- Tu es sûr de ça ? murmurai-je, incrédule.
- Complètement. Ces transactions ont été approuvées par Noah lui-même. Si ça sort au grand jour, ça pourrait ruiner sa réputation. Et pire, l'entreprise.
Je me laissai tomber contre le dossier de ma chaise, abasourdie.
- On doit faire quelque chose, dis-je enfin. En parler à la direction, ou...
Ethan secoua la tête.
- Attends une minute. Si on fait ça, Noah va savoir que ça vient de nous. Tu crois qu'il va juste se laisser faire ? Ce type est... impitoyable.
- Alors quoi ? On reste assis à rien faire pendant qu'il détruit l'entreprise ? m'exclamai-je, exaspérée.
- Je dis juste qu'il faut être prudents. Si on agit sans un plan solide, on est foutus.
Son avertissement était clair, mais l'idée de garder le silence me rendait malade. Quelque chose devait être fait. Mais quoi ?