Noah Carter. Ce nom était presque mythique dans le monde des affaires. On parlait de lui comme d'un stratège impitoyable, prêt à écraser quiconque se mettait sur son chemin. Contrairement à David, Noah avait la réputation d'un homme sans cœur, axé uniquement sur les résultats. Je ne savais pas grand-chose de lui, sauf qu'il vivait à New York et que les deux frères ne semblaient pas particulièrement proches. Pourquoi David avait-il choisi de céder sa place à lui, de toutes les personnes ? Cette question me hantait.
Quand Noah fit son entrée dans l'open space pour la première fois, tout le monde s'arrêta net, suspendant leurs activités comme si une tempête venait de passer la porte. Il était là, imposant, vêtu d'un costume sombre parfaitement taillé. Sa stature imposante et son regard perçant donnaient l'impression qu'il voyait à travers nous, que rien ne lui échappait.
- Et bien, bonjour à tous, lança-t-il d'une voix calme, mais tranchante, qui résonna dans le silence pesant.
Personne n'osa répondre, sauf Ethan, qui tenta de briser la tension avec une remarque sarcastique.
- Vous avez déjà une aura de PDG terrifiante. C'est inné ou vous l'avez travaillé ? plaisanta-t-il.
Noah ne sourit pas. Ses yeux glacials balayèrent la pièce, et Ethan se racla la gorge, visiblement mal à l'aise. Je sentis mon estomac se nouer. Travailler sous les ordres de David avait toujours été un équilibre délicat entre respect et admiration, mais avec Noah, c'était autre chose. Il émanait de lui une autorité presque intimidante.
Peu de temps après, il me fit appeler dans son bureau. Mon cœur battait la chamade alors que je frappais à la porte, espérant ne pas faire mauvaise impression dès le premier jour. Noah était assis derrière un immense bureau en verre, son regard fixé sur un écran d'ordinateur. Il leva à peine les yeux lorsque je m'approchai.
- Madison Walker, n'est-ce pas ? dit-il, sa voix dénuée de toute chaleur.
- Oui, monsieur, répondis-je en me tenant droite, essayant de masquer ma nervosité.
- J'ai regardé vos dossiers. Vous êtes l'assistante de David depuis deux ans. Il semble que vous ayez une bonne réputation ici.
Il prononça ces mots comme s'il énonçait un fait quelconque, sans y attacher d'importance particulière. Je ne savais pas si c'était un compliment ou une simple constatation.
- Merci, monsieur, répondis-je, un peu trop vite.
- Bien. Vous continuerez de m'assister. Mais sachez que je ne tolère pas l'incompétence. Mon emploi du temps est chargé, et je n'ai pas de temps à perdre.
- Compris.
Un silence s'installa. Je sentais son regard pesant sur moi, comme s'il attendait que je commette une erreur. Et, évidemment, cela arriva.
- Est-ce que... est-ce que vous avez toujours été aussi... exigeant ? demandai-je maladroitement, dans une tentative de briser la glace.
Noah releva la tête, arquant un sourcil. Mon visage vira au rouge. Pourquoi avais-je dit ça ? Une maladresse pareille dès notre première interaction !
- Exigeant ? répéta-t-il avec une pointe de sarcasme. Disons que j'attends simplement que les gens fassent leur travail correctement. Cela vous pose un problème, Mademoiselle Walker ?
- Non, bien sûr que non, balbutiai-je, sentant la chaleur envahir mes joues. Je voulais dire... euh... vous savez quoi, laissez tomber.
Un sourire presque imperceptible effleura ses lèvres, mais ce n'était pas un sourire chaleureux. C'était celui d'un homme qui savait qu'il avait l'avantage.
- Très bien. Vous pouvez retourner à votre poste. Et assurez-vous que mon emploi du temps de la semaine soit organisé avant la fin de la journée.
Je quittai son bureau en me maudissant intérieurement. Ma première impression auprès de Noah était un désastre. Mais il n'y avait pas de temps pour les regrets. De retour à mon bureau, je m'attelai immédiatement à sa demande, plongeant dans un tourbillon de tâches administratives.
À la fin de la journée, Noah convoqua une réunion d'équipe pour annoncer les premiers changements qu'il comptait apporter. Tous les employés étaient rassemblés dans la salle de réunion, l'atmosphère encore plus tendue qu'au matin.
- Laissez-moi être clair, dit-il en s'appuyant contre le bord de la table. L'entreprise est performante, mais elle peut faire mieux. À partir de maintenant, nous allons adopter une approche plus agressive pour atteindre nos objectifs.
Les mots "approche agressive" résonnèrent comme une menace. Il continua en énumérant une série de nouvelles directives : des heures supplémentaires imposées pour certains départements, une révision complète des protocoles internes, et la suppression de certains avantages que David avait mis en place pour améliorer le bien-être des employés.
Je jetai un coup d'œil à mes collègues. Ethan fronçait les sourcils, clairement mécontent, tandis que Carla, fidèle à elle-même, semblait ravie. Elle se pencha vers moi et murmura :
- Au moins, on aura enfin quelqu'un qui sait ce qu'il fait.
Je l'ignorai, préférant me concentrer sur les paroles de Noah. Mais intérieurement, je bouillonnais. Ces changements allaient rendre le travail encore plus difficile, et je n'étais pas sûre de pouvoir tenir le coup. À la fin de la réunion, Noah termina avec une déclaration qui me glaça le sang.
- Si certains d'entre vous pensent qu'ils ne peuvent pas s'adapter à ces nouvelles règles, je vous invite à reconsidérer votre place ici.
Le message était clair : il n'y aurait aucune tolérance pour les faiblesses. Je quittai la salle de réunion avec un poids énorme sur les épaules. Comment allais-je m'en sortir ? Et surtout, comment allais-je naviguer dans cette nouvelle dynamique où Noah était à la fois mon patron et l'incarnation de tout ce que je détestais dans le monde des affaires ?
Le lendemain de l'annonce des changements drastiques de Noah, une routine nouvelle et oppressive s'installait déjà dans les bureaux. Les collègues marchaient sur des œufs, et moi, je m'efforçais de garder la tête haute malgré l'impression croissante d'être observée, comme si Noah attendait que je trébuche.
L'après-midi, alors que je triais une pile interminable de documents, mon téléphone vibra discrètement sur mon bureau. Je jetai un coup d'œil rapide à l'écran et mon cœur manqua un battement. Un message de David.
"Madison, on doit parler. Ce soir. 20h. Jardin public, près du kiosque. Ne dis rien à personne."
Mes mains tremblaient légèrement tandis que je relisais le message. David. C'était la première fois que j'avais de ses nouvelles depuis son départ précipité. Pourquoi ce silence, et surtout pourquoi ce mystère maintenant ? Je risquai un regard vers Noah, qui traversait l'open space, le regard froid et perçant, un dossier sous le bras.
Je m'efforçai de me concentrer sur mon travail pour le reste de la journée, mais l'invitation de David me hantait. Les heures s'étirèrent jusqu'à ce que, enfin, je quitte le bureau, prétextant un rendez-vous personnel.
À 20 heures précises, j'arrivai au jardin public. Les lumières tamisées des lampadaires donnaient une allure presque féérique au lieu, bien que l'air glacial de la soirée rappelle la réalité. David était là, assis sur un banc, une silhouette familière et rassurante. Quand il leva les yeux vers moi, un mélange de soulagement et de culpabilité passa sur son visage.
- Madison, merci d'être venue, dit-il, se levant pour m'accueillir.
- Qu'est-ce qui se passe, David ? Pourquoi tout ce mystère ? demandai-je, incapable de cacher l'urgence dans ma voix.
Il soupira profondément et passa une main dans ses cheveux, un geste que je connaissais bien, signe qu'il était nerveux.
- Les choses sont... compliquées. Je ne pouvais pas rester, dit-il enfin, sa voix douce, mais lourde de non-dits.
- C'est tout ce que tu as à dire ? "Compliquées" ? Tu as laissé tout le monde dans l'incertitude, moi y compris. Et Noah...
- Noah n'est pas ce qu'il paraît, coupa-t-il, son ton devenant plus ferme.
Je haussai un sourcil.
- Alors explique-moi.
David baissa les yeux, visiblement hésitant.
- Il y a des tensions dans la famille depuis longtemps. Des secrets qui pourraient détruire tout ce qu'on a construit. Et... des menaces. Des menaces contre moi, contre l'entreprise, contre toi, ajouta-t-il à voix basse, presque comme un aveu.
Mon souffle se coupa.
- Contre moi ? répétai-je, incrédule.
- Oui. C'est pour ça que je suis parti. Je devais m'éloigner pour protéger ce qui compte le plus.
Il posa sa main sur la mienne, son regard plongé dans le mien avec une intensité qui me fit vaciller.
- Tu comptes beaucoup pour moi, Madison. Plus que je ne devrais le laisser paraître.
Ces mots déclenchèrent un mélange de confusion et de chaleur en moi. Pendant un instant, le monde sembla s'arrêter, jusqu'à ce qu'un bruit de téléphone brise l'instant.
David regarda rapidement l'écran de son mobile et son expression changea du tout au tout.
- Je dois partir, dit-il brusquement en se levant.
- Quoi ? David, attends ! Tu ne peux pas juste me laisser comme ça !
- Fais-moi confiance, Madison. Je reviendrai.
Avant que je puisse répondre, il s'éloigna dans l'obscurité, me laissant seule sur le banc, le cœur lourd et la tête pleine de questions.
Je restai là un moment, essayant de comprendre ce qui venait de se passer. Les menaces, les tensions familiales... Tout semblait si flou, mais une chose était claire : quelque chose de bien plus sombre se tramait dans l'ombre. Et je ne pouvais m'empêcher de me demander quel rôle Noah jouait dans tout ça.
Le froid de la nuit finit par me chasser du jardin. Alors que je rentrais chez moi, mon esprit ne cessait de tourner en boucle. Pourquoi David avait-il mentionné Noah ? Pourquoi avait-il agi comme si j'étais en danger ? Et cet appel, qui l'avait poussé à partir si précipitamment ?
Les réponses semblaient encore loin, mais une chose était certaine : la vérité allait être bien plus compliquée et troublante que je ne l'avais imaginé.