Chapitre 4 Chapitre 4

La nuit était tombée depuis longtemps lorsque Clara reçut un message de Nathan. Elle était en train de ranger la petite cuisine de son appartement, les mains plongées dans l'eau savonneuse, lorsqu'elle entendit la notification sur son téléphone. Essuyant ses mains sur un torchon, elle prit l'appareil et lut rapidement :

* »Je suis près du parc, à quelques minutes de chez vous. J'aimerais vous parler, si vous êtes disponible. »*

Clara fronça les sourcils. Il était tard, et une partie d'elle voulait ignorer le message, le ranger dans une boîte mentale où elle enfermait les choses qu'elle ne savait pas gérer. Mais une autre partie, plus curieuse, la poussa à répondre.

* »Donnez-moi cinq minutes. »*

Elle enfila une veste, attrapa son sac, et sortit dans la fraîcheur de la nuit. Le parc dont Nathan parlait était un lieu modeste mais charmant, avec des bancs en bois et une petite fontaine au centre. Elle le repéra rapidement, assis sur un banc, le regard perdu dans les ténèbres.

« Vous ne dormez pas ? » lança-t-elle en guise de salutation, en s'approchant.

Il releva la tête, son visage éclairé par la faible lueur d'un lampadaire. « Je dors rarement ces temps-ci. »

Clara s'assit à côté de lui, croisant les bras contre la brise froide. « Alors, qu'est-ce qui vous amène ici à cette heure ? »

Nathan resta silencieux un moment, comme s'il cherchait les mots justes. Finalement, il parla, sa voix basse et rauque. « Ma famille n'est pas ce qu'elle semble être. »

Elle tourna la tête vers lui, intriguée. « Qu'est-ce que vous voulez dire ? »

Il inspira profondément, ses doigts jouant avec la montre à son poignet. « Je viens d'une lignée où les apparences sont tout. Mon père était un homme d'affaires brillant, mais il était aussi un tyran. Tout ce que j'ai appris sur le pouvoir, sur la réussite, je l'ai appris de lui... et pas toujours de la meilleure façon. »

Clara sentit une vague de compassion monter en elle, mais elle se força à rester neutre. « Et votre mère ? »

Un sourire triste étira ses lèvres. « Elle a toujours essayé de protéger ma sœur et moi, mais elle était... effacée. Mon père dominait tout, y compris elle. Quand il est mort, j'ai hérité de tout : l'entreprise, les dettes, et les attentes écrasantes. »

Il se passa une main dans les cheveux, visiblement frustré. « Depuis, je fais tout pour garder la tête hors de l'eau. Mais parfois, je me demande si je ne suis pas simplement en train de répéter ses erreurs. »

Clara l'observa en silence. Il était rare de voir Nathan aussi vulnérable, dépouillé de son masque d'assurance et de contrôle.

« Vous n'êtes pas votre père, » dit-elle doucement.

« Comment pouvez-vous en être si sûre ? » demanda-t-il, son regard sombre se posant sur elle.

« Parce que vous vous posez la question. Un homme comme votre père, d'après ce que vous me décrivez, n'aurait jamais douté de lui-même. Mais vous, vous essayez de faire mieux. Et ça, ça fait toute la différence. »

Il la fixa un instant, comme s'il essayait de déchiffrer la sincérité dans ses paroles. Puis, il hocha la tête, lentement. « Peut-être. »

Un silence s'installa entre eux, mais il n'était pas inconfortable. Clara pouvait presque sentir le poids des souvenirs de Nathan, et cela la ramenait à ses propres blessures.

« Je n'ai pas eu une enfance idéale non plus, » murmura-t-elle, presque à contrecœur.

Nathan se tourna vers elle, son intérêt piqué. « Racontez-moi. »

Elle hésita. Elle n'était pas du genre à s'ouvrir facilement, surtout pas à un homme comme Nathan. Mais il y avait quelque chose dans sa manière de l'écouter, une patience qu'elle n'avait pas anticipée.

« Ma mère est partie quand j'avais dix ans, » dit-elle enfin, sa voix tremblante. « Elle a laissé mon père, mon frère et moi. Elle n'a jamais expliqué pourquoi. Mon père a fait de son mieux, mais... il n'était pas préparé à être parent seul. Alors j'ai grandi vite, pour m'occuper de Lucas. »

Nathan ne dit rien, mais son expression se fit plus douce. Clara continua, presque comme si elle ne pouvait plus s'arrêter.

« Je pense que ça m'a marquée plus que je ne veux l'admettre. J'ai appris à ne compter que sur moi-même, mais parfois, c'est épuisant. »

Elle détourna les yeux, mal à l'aise d'avoir révélé autant. Mais Nathan ne sembla pas la juger. Au contraire, il posa doucement une main sur la sienne.

« Vous êtes incroyablement forte, Clara, » murmura-t-il.

« Je ne me sens pas forte, » répondit-elle, la voix cassée.

« C'est parce que vous ne voyez pas ce que les autres voient en vous. »

Son regard était si intense qu'elle sentit son cœur s'accélérer. Elle voulut protester, détourner la conversation, mais il semblait lire en elle avec une facilité déconcertante.

« Vous savez, Clara, » dit-il doucement, « je crois que nous portons tous nos fardeaux de manière différente. Mais il y a une chose que j'ai apprise : parfois, on n'a pas à les porter seuls. »

Elle sentit ses yeux s'embuer, mais elle détourna rapidement le regard, refusant de pleurer devant lui. « C'est facile à dire. »

« Peut-être, » admit-il. « Mais si jamais vous avez besoin d'aide, je suis là. »

Ses mots étaient simples, mais leur sincérité la toucha profondément. Elle releva les yeux vers lui, et à cet instant, le monde autour d'eux sembla s'effacer.

Il se pencha légèrement, comme s'il attendait un signe de sa part. Clara sentit son souffle ralentir, son cœur battant à tout rompre. Mais au dernier moment, elle recula légèrement, brisant la tension.

« Je... je pense que je devrais rentrer, » dit-elle, sa voix hésitante.

Nathan ne protesta pas. Il hocha simplement la tête, mais son regard disait tout ce qu'il n'exprimait pas.

« Bonne nuit, Clara, » murmura-t-il alors qu'elle s'éloignait.

En marchant vers son appartement, elle ne pouvait s'empêcher de se demander ce qui l'effrayait le plus : les sentiments naissants qu'elle éprouvait pour lui ou le fait qu'il semblait si déterminé à percer ses défenses.