Sofia serra la lettre entre ses doigts, le papier se froissant sous la pression. Une semaine. Une semaine pour se décider, pour accepter cet arrangement insensé qui ressemblait plus à une condamnation qu'à une solution. Les mots d'Alessandro résonnaient dans sa tête comme un écho constant, amplifiant sa frustration et sa panique.
Elle parcourut nerveusement la rue jusqu'au petit parc où elle avait convenu de retrouver Matteo, son ami d'enfance, celui avec qui elle partageait tous ses secrets depuis des années. En le voyant, assis sur le banc, son regard chaleureux se tourna instantanément vers elle, et elle sentit un mince filet de soulagement apaiser son cœur. Matteo était la seule personne à qui elle pouvait se confier sans craindre de jugement, le seul lien tangible avec sa vie passée, celle d'avant Alessandro et ses menaces.
« Sofia ! » Matteo se leva, un sourire accueillant illuminant son visage. « Tu m'as l'air un peu pâle... Qu'est-ce qui se passe ? »
Elle hésita, jetant un coup d'œil aux alentours comme si elle craignait que chaque passant soit un espion d'Alessandro. Ce n'était pas une peur irrationnelle ; elle sentait depuis plusieurs jours qu'elle était surveillée, comme si un regard invisible pesait constamment sur elle.
« Matteo... » Sa voix se brisa, et elle chercha ses mots. « J'ai des ennuis, des ennuis bien plus grands que ce que j'aurais pu imaginer. »
Il l'écouta attentivement, posant une main rassurante sur son épaule. « Parle-moi, Sofia. Je suis là, tu le sais. »
Elle prit une grande inspiration et commença à lui raconter toute l'histoire, depuis sa rencontre avec Alessandro, la révélation de son identité, et finalement cet ultimatum qui planait au-dessus de sa tête. Les mots glissaient entre ses lèvres avec difficulté, et elle observait les traits de Matteo se crisper au fur et à mesure qu'il comprenait la gravité de la situation.
« Cet homme est fou, Sofia ! » Matteo murmura, choqué. « Tu ne peux pas accepter une telle proposition. Tu n'as rien à voir avec les erreurs de ton père. Ce n'est pas juste ! »
Elle secoua la tête, ses mains tremblant. « Mais je n'ai pas d'autre choix... Il m'a laissé une semaine pour réfléchir, et si je refuse, il menace de... de tout prendre. Il m'a dit qu'il s'emparerait de mes biens, qu'il n'hésiterait pas à me réduire à rien. »
Matteo hocha la tête, et son regard se durcit. « Et qu'est-ce qu'il attend de toi, exactement ? Juste un mariage ? »
« Juste un mariage... » répéta Sofia, un goût amer dans la bouche. « Comme si c'était une simple formalité. Il veut que je me soumette à cette union, que je renonce à ma liberté et à mon avenir pour effacer les erreurs de mon père. »
Matteo réfléchit un instant, ses yeux scrutant l'horizon d'un air absent. Puis il murmura, presque pour lui-même : « Alors ne lui donne pas ce pouvoir. Fuis, Sofia. Pars d'ici, quitte Rome. »
Elle secoua la tête, un mélange de peur et d'incertitude assombrissant son regard. « Et où pourrais-je aller ? Il me retrouvera, Matteo. Je sais qu'il me surveille déjà. Ces derniers jours, j'ai remarqué des voitures inconnues qui semblent me suivre, des regards qui se tournent dès que je passe. Il me tient dans le creux de sa main. »
Matteo inspira profondément, ses traits marqués par une détermination qu'elle ne lui connaissait pas. « Écoute, je peux t'aider. Si tu es prête à tout abandonner, je connais des endroits où tu pourras être en sécurité. On pourrait partir dès demain, sans laisser de traces. »
L'idée la tenta, mais elle savait aussi que partir signifierait une vie de fuite, une existence sans stabilité, où elle serait contrainte de regarder constamment par-dessus son épaule. Elle sentit une pointe de désespoir l'envahir. « Et si je ne fuyais pas, Matteo ? Si j'acceptais sa proposition... juste pour gagner du temps, pour trouver une solution pendant ce laps de temps ? »
Matteo se redressa, les sourcils froncés. « Tu ne peux pas envisager ça, Sofia ! Ce serait comme signer un pacte avec le diable. Alessandro ne te laissera pas t'échapper une fois que tu seras sous son contrôle. Cet homme a prouvé qu'il était capable de tout pour assouvir sa vengeance. »
Un silence lourd s'installa entre eux, rempli de dilemmes et d'angoisse. Sofia détourna le regard, scrutant les passants qui vaquaient à leurs occupations, inconscients du drame qui se jouait dans son esprit. Elle se sentait piégée, comme un oiseau en cage, privée de toute issue.
« Sofia, tu mérites mieux que ça, » murmura Matteo, la ramenant à la réalité. « Tu as le droit de rêver, de vivre pour toi et ton enfant, sans être liée à des dettes et des vendettas. »
Elle le savait, au fond d'elle, mais la peur de perdre encore plus pesait lourdement. Alessandro avait montré qu'il ne reculait devant rien, et elle n'osait imaginer jusqu'où il pourrait aller pour obtenir ce qu'il voulait. Un frisson la parcourut en pensant aux regards durs et impitoyables qu'il lui avait lancés la dernière fois qu'ils s'étaient vus.
« Alors que devrais-je faire ? » souffla-t-elle enfin, perdue, sa voix à peine audible.
Matteo posa une main protectrice sur son épaule. « Prends ta décision en pensant à ce que tu veux vraiment. Mais sache que je serai là, quoi que tu choisisses. »
Elle hocha doucement la tête, le remerciant d'un faible sourire. Les larmes menaçaient de couler, mais elle les retint. Elle ne pouvait se permettre de s'effondrer, pas maintenant.
En rentrant chez elle, Sofia ressentit un malaise persistant, comme si chaque pas qu'elle faisait la rapprochait un peu plus de l'abîme. Les mots de Matteo résonnaient encore dans son esprit, mais elle ne pouvait s'empêcher de douter. Alessandro lui avait donné un délai, et même si elle ressentait un désir ardent de refuser, elle savait que ce choix ne se ferait pas sans conséquence.
Quelques jours passèrent, et elle sentit de plus en plus le poids de la pression sur ses épaules. Chaque soir, elle se retournait sans cesse, redoutant de voir une silhouette dans l'ombre, une preuve que ses mouvements étaient épiés. Son sommeil était peuplé de cauchemars, de visions d'une vie qu'elle n'aurait jamais choisie.
Puis, un soir, alors qu'elle rentrait chez elle, elle sentit cette présence oppressante à nouveau. Elle se retourna, mais ne vit personne. Pourtant, la sensation restait, sourde, implacable. Elle se hâta de rentrer, mais lorsqu'elle passa la porte, son téléphone vibra. Un message, sans nom, sans signature, juste quelques mots :
« Tu es à moi, Sofia. Ne l'oublie pas. »
Ses mains tremblèrent en lisant ces mots, et elle se laissa glisser le long du mur, le téléphone serré contre elle. Alessandro lui rappelait qu'il ne la lâcherait pas, que chaque instant où elle hésitait ne faisait qu'accroître son emprise.
Les jours filèrent, et l'ultimatum approchait. Matteo revint la voir, essayant une dernière fois de la convaincre de fuir. Mais elle savait que c'était peine perdue. Alessandro la tenait déjà dans ses filets, et la peur de perdre tout ce qu'elle possédait, y compris son enfant à naître, lui broyait le cœur.
Dans un moment de lucidité, elle se retrouva devant le miroir, observant son propre reflet. Elle voyait une femme brisée, acculée, mais aussi une mère prête à tout pour protéger son enfant. Le dilemme était cruel, et elle sentait qu'aucune issue ne lui laisserait réellement de répit. Pourtant, en fixant son regard dans le miroir, elle prit une décision. Elle allait affronter Alessandro, peut-être même accepter son offre, mais elle se jura de ne pas se laisser briser. Elle trouverait un moyen de le combattre de l'intérieur, de le défier, même si cela signifiait jouer selon ses règles.
Pour la première fois depuis longtemps, un étrange sentiment de calme s'installa en elle. Elle avait choisi son chemin, et bien que chaque pas soit encore marqué de crainte, elle sentait naître en elle une résilience insoupçonnée.