Sofia ajustait la couverture de laine sur ses jambes, le regard perdu par la fenêtre du petit café où elle attendait Lorenzo. Leurs rencontres se faisaient régulières maintenant, et elle avait fini par appréhender ce moment de la journée avec un mélange de joie et de nervosité. Ce soir-là, cependant, il semblait y avoir quelque chose de différent dans l'air. Elle avait ressenti une certaine distance chez lui lors de leurs derniers échanges, comme un voile de mystère qui planait entre eux, une retenue subtile mais bien présente.
Lorenzo arriva enfin, sa silhouette élégante se dessinant dans l'encadrement de la porte. Dès qu'il la rejoignit, elle perçut cette tension dans son regard, une lueur inhabituelle qui la fit frissonner. Il ne prit pas le temps de sourire ou de l'embrasser sur la joue comme à l'accoutumée, et son expression grave l'inquiéta immédiatement.
« Sofia, il y a quelque chose que je dois te dire, » commença-t-il d'un ton qui la déstabilisa.
Elle le regarda, fronçant légèrement les sourcils, tentant de capter un indice sur ce qu'il s'apprêtait à lui révéler. Ses mots semblaient lourds de sens, et une étrange appréhension s'éveilla en elle, une sensation de danger latent qu'elle ne parvenait pas à expliquer.
« Lorenzo ? Qu'est-ce qui se passe ? » demanda-t-elle, essayant de garder son calme.
Il se racla la gorge et baissa brièvement les yeux avant de les relever pour la regarder avec une intensité qui la glaça. « Mon vrai nom n'est pas Lorenzo, » dit-il enfin, sa voix résonnant comme un coup de tonnerre. « Et je ne suis pas simplement un homme d'affaires de passage. En réalité, je suis l'Alpha de l'une des plus puissantes meutes d'Italie. »
Sofia sentit son cœur s'accélérer, et elle resta figée, incapable de comprendre les mots qu'il venait de prononcer. L'homme assis en face d'elle n'était donc pas celui qu'elle croyait connaître. Tout ce temps, il lui avait caché son identité, et cette révélation la frappait comme une trahison brutale.
« L'Alpha ? » murmura-t-elle d'une voix à peine audible, tentant de rassembler ses pensées.
Il hocha la tête, ses yeux sombres scrutant chaque réaction qui passait sur son visage. « Mon vrai nom est Alessandro Ricci, et si je suis venu vers toi, ce n'était pas par hasard. Ton père... » Il s'interrompit, cherchant ses mots, avant de continuer. « Ton père m'a causé des torts que tu ne peux imaginer, Sofia. Max Zelinski m'a volé des milliards, détruisant la confiance que j'avais placée en lui et semant le chaos dans mes affaires. »
Sofia secoua la tête, refusant d'y croire. Son père avait toujours été un homme distant et mystérieux, mais elle n'aurait jamais imaginé qu'il soit mêlé à des affaires de cette envergure. La mention de son nom lui rappela des souvenirs d'enfance flous, mais Alessandro continuait, implacable.
« Il a utilisé mon nom, ma confiance, et il m'a trahi. J'ai perdu bien plus que de l'argent à cause de lui, Sofia. J'ai perdu des alliés, des opportunités, et... peut-être même une part de moi-même. »
Elle ferma les yeux un instant, essayant de contenir les émotions tumultueuses qui la traversaient. Quand elle rouvrit les yeux, elle le fixa avec une détermination nouvelle. « Pourquoi... pourquoi venir à moi ? Je n'ai rien à voir avec tout cela. Je n'ai même plus de lien avec mon père. »
Un léger sourire amer se dessina sur le visage d'Alessandro. « Peut-être pas directement, Sofia, mais tu restes sa fille. Et selon les lois des nôtres, les dettes d'un parent peuvent retomber sur ses héritiers. »
Le choc se refléta dans ses yeux, et elle recula légèrement, comme pour mettre de la distance entre eux. « Attends... tu veux dire que tu attends de moi que je paie pour les erreurs de mon père ? C'est insensé ! »
« Peut-être que cela te semble insensé, mais dans notre monde, les lois sont différentes, » répondit-il d'un ton implacable. « Et ta présence ici, ton existence même, te lie à ses actes. »
Elle inspira profondément, tentant de calmer les battements frénétiques de son cœur. Elle avait le sentiment d'être prise au piège, sans échappatoire possible, et le regard intense d'Alessandro n'arrangeait rien.
« Et qu'attends-tu de moi ? » demanda-t-elle d'une voix tremblante, se préparant au pire.
Alessandro hésita un instant, comme si les mots qu'il s'apprêtait à prononcer le troublaient lui-même. « Un mariage, Sofia, » murmura-t-il finalement, ses yeux ne quittant pas les siens. « Un mariage qui permettrait de solder cette dette et de préserver les apparences. »
Elle écarquilla les yeux, son visage blême d'incompréhension et de terreur mêlée. « Un... un mariage ? » répéta-t-elle, sa voix brisée par l'émotion. « Avec toi ? »
Il hocha la tête, impassible, comme si cela allait de soi. « Tu deviendras mienne, Sofia, et ainsi, la dette de ton père sera réglée. Pour toi, cela signifie protection et sécurité ; pour moi, cela signifie justice. »
La stupeur la laissa sans voix. Elle chercha un soutien dans son regard, un signe de compassion, mais elle ne vit qu'une détermination froide et inflexible. Les larmes montaient à ses yeux alors qu'elle réalisait l'ampleur de la situation.
« Tu veux m'utiliser pour apaiser ta vengeance, » murmura-t-elle, accablée par la douleur de cette trahison. « Tout ce temps, tu n'as fait que jouer avec moi, t'approchant avec douceur pour finalement me piéger. »
« Sofia... » Il tenta de lui parler, mais elle leva une main, refusant de l'entendre.
« Ne me touche pas, » cracha-t-elle avec une rage qu'elle n'avait jamais ressentie auparavant. « Tu n'es rien d'autre qu'un manipulateur, un monstre, prêt à détruire la vie d'une femme innocente pour racheter une faute qui n'est pas la mienne ! »
Alessandro serra les poings, sentant sa patience vaciller face à cette rébellion inattendue. Il aurait dû s'attendre à cette réaction, mais voir sa souffrance et sa colère le touchait plus qu'il ne l'aurait voulu.
« Écoute-moi, Sofia, » dit-il, tentant de contrôler sa voix. « Je ne dis pas que c'est juste. Mais je suis un Alpha, et je protège ma meute, mon héritage, par tous les moyens nécessaires. Ce mariage serait une solution pour toi comme pour moi. »
Elle éclata de rire, un rire sans joie, empli de douleur et de mépris. « Une solution ? Pour moi ? Tu te mens à toi-même si tu crois que cela m'apportera quoi que ce soit. Tu veux m'enchaîner à toi, voilà tout. »
Les paroles cinglantes de Sofia résonnèrent en lui, ébranlant un instant son assurance. Mais il ne recula pas, déterminé à ne pas se laisser submerger par les émotions. « Réfléchis-y, Sofia. Tu n'as plus personne, tu es seule dans cette ville, sans appui, sans avenir. Ce mariage te donnerait la stabilité que tu n'as jamais eue. Et il protègerait aussi Ton enfant. »
Elle posa la main sur son ventre, comme pour le protéger, et un éclat de rage traversa ses yeux. « Ne parle pas de mon enfant, Alessandro. Il n'a rien à voir avec cette folie. »
Il soupira, visiblement agacé par son refus obstiné. « Que tu le veuilles ou non, tu ne pourras pas échapper à cette réalité. Accepte cette union, et tu auras au moins une chance de vivre en paix. »
Les larmes coulaient silencieusement sur les joues de Sofia, mais elle les ignora, fixant Alessandro avec une détermination qu'il n'avait pas anticipée. « Je ne serai jamais un simple pion dans ton jeu de vengeance. Si tu veux me lier à toi, alors tu devras me convaincre autrement, car je ne t'appartiendrai jamais. »
Le défi brillait dans ses yeux, et Alessandro sentit un mélange d'admiration et de frustration monter en lui. Elle était plus forte qu'il ne l'avait imaginé, plus courageuse, et cette résistance éveillait en lui des sentiments qu'il ne savait nommer.
Il inspira profondément, adoucissant enfin son regard. « Je te laisse le choix, Sofia. Réfléchis-y. Mais sache que je ne renoncerai pas. »
Sofia resta silencieuse, les larmes continuant de couler, et il tourna les talons, la laissant seule dans le café, avec cette proposition qui ressemblait davantage à une condamnation.