L'Alpha se tenait non loin de Sofia, observant chaque mouvement qu'elle faisait, chaque émotion qui traversait son visage. Les heures qu'il avait passées à l'étudier à distance avaient commencé à dessiner en lui un portrait intrigant, qui défiait toutes ses attentes. Elle n'était pas l'héritière cynique et calculatrice qu'il avait imaginée, mais une jeune femme douce, presque résignée, affrontant la vie seule et en silence. Et cette solitude, cette distance qu'elle semblait cultiver même au milieu de la foule, le fascinait au-delà de tout ce qu'il aurait pu prévoir.
Finalement, il se décida. Il la suivit jusqu'à un petit parc en bordure de la ville, un lieu calme et paisible, où elle s'asseyait souvent pour lire, entourée des arbres et du chant apaisant des oiseaux. Il attendit patiemment qu'elle s'installe sur un banc, une main posée instinctivement sur son ventre rond, l'autre feuilletant un livre d'un geste distrait. Elle semblait perdue dans ses pensées.
S'approchant d'un pas mesuré, il toussa légèrement pour signaler sa présence. Elle leva la tête, surprise, et croisa son regard. Un léger froncement de sourcils, une hésitation... puis elle sembla le reconnaître comme cet homme qu'elle avait aperçu dans le café quelques jours plus tôt. Il afficha un sourire doux, délibérément amical, et tendit la main.
« Pardonnez-moi de vous interrompre, » commença-t-il, d'une voix posée. « Je m'appelle Lorenzo. J'ai remarqué que nous avons apparemment des lieux de prédilection en commun. »
Elle l'observa avec un mélange de surprise et de prudence, mais elle finit par esquisser un sourire poli, presque timide.
« Sofia, » répondit-elle simplement, acceptant la main qu'il tendait avec réserve.
Il s'assit à côté d'elle, respectant une certaine distance, et porta son regard vers le livre qu'elle tenait. « Les Fleurs du Mal, » remarqua-t-il en voyant le titre. « Baudelaire... un choix sombre pour une journée si ensoleillée. »
Elle haussa les épaules, un sourire à peine perceptible aux lèvres. « Peut-être que la lumière du soleil rend le contraste plus agréable. »
Il fut surpris par la profondeur de sa réponse, la manière dont elle semblait instinctivement transformer quelque chose de sombre en beauté. « Vous avez l'air de quelqu'un qui trouve toujours un éclat de lumière dans l'obscurité. » Il la regarda, cherchant sa réaction. Elle baissa les yeux, visiblement touchée par la remarque, mais elle resta silencieuse.
Après un instant, il reprit, décidé à percer un peu plus sa carapace. « Vous savez, Rome peut être... effrayante, quand on n'a pas de famille proche ou d'amis sur qui compter. Est-ce votre cas ? »
Elle parut hésiter, le regard perdu dans le vide, avant de hocher la tête. « Oui, en quelque sorte. Mon père... il n'était pas très présent. Et maintenant, il n'y a plus personne. » Elle tenta un sourire maladroit. « Mais parfois, être seule est plus facile que d'être entourée de mauvaises personnes. »
L'Alpha comprit immédiatement qu'elle faisait allusion à son ex, l'homme qui l'avait quittée en apprenant qu'elle était enceinte. Une onde de colère sourde l'envahit à la pensée de ce lâche qui l'avait abandonnée, mais il dissimula soigneusement cette émotion.
« Je comprends, » murmura-t-il avec un léger sourire, adoucissant le regard qu'il posait sur elle. « Je suis ici pour affaires, mais... il m'arrive aussi de me sentir étranger dans cette ville, de ne pas vraiment appartenir à cet endroit. »
Elle le regarda un instant, intriguée par cet homme aux allures mystérieuses, dont elle ne savait presque rien. « Que faites-vous, alors, pour retrouver ce sentiment d'appartenance ? »
« Parfois, je me dis qu'il suffirait de croiser la bonne personne, » répondit-il sans hésitation. « Quelqu'un avec qui le silence n'est pas gênant, quelqu'un qui comprend que parfois, les mots ne suffisent pas. »
Sofia baissa les yeux, touchée par ses paroles. Elle sentait une certaine connexion avec lui, même si elle s'efforçait de réprimer cette impression. Après tout, il était un inconnu. Pourtant, il semblait la comprendre, et elle sentait malgré elle un sentiment de sécurité en sa présence.
Après quelques minutes de silence, il se leva, lui tendant une main avec une galanterie déconcertante. « Accepteriez-vous de dîner avec moi ce soir, Sofia ? »
Elle parut surprise par la proposition, hésitante. « Vous ne savez même pas qui je suis, » murmura-t-elle, une pointe de méfiance dans la voix.
Il haussa les épaules, son sourire mystérieux toujours présent. « C'est vrai. Mais parfois, les plus belles rencontres sont celles qui commencent sans savoir où elles mènent. Je suis curieux de découvrir la personne qui se cache derrière ce livre de Baudelaire et ce regard pensif. »
Elle resta silencieuse un moment, étudiant son visage, cherchant un signe d'insincérité, mais elle n'y trouva rien de suspect. Finalement, elle hocha lentement la tête. « D'accord, » dit-elle en se levant à son tour, une lueur de curiosité dans les yeux. « Mais seulement si vous me promettez de ne pas parler de travail. »
L'Alpha sourit, amusé par sa réponse. « Promis. Ce soir, je ne serai que Lorenzo, un homme curieux et sans histoires. »
Le soir même, ils se retrouvèrent dans un restaurant discret du centre de Rome, un lieu élégant mais intime, où ils pouvaient discuter sans être dérangés. Sofia était légèrement nerveuse, peu habituée à ce genre d'attention. Lorenzo, en revanche, gardait une posture calme, presque protectrice, comme s'il souhaitait la mettre à l'aise.
Au fil du repas, il l'écouta parler de ses passions, de son amour pour l'art et la littérature, de ses voyages, de ses rêves déçus. Elle se dévoilait doucement, sans toutefois entrer dans les détails douloureux, et lui se contentait de la laisser guider la conversation. Il était fasciné par sa douceur, sa simplicité, par cette façon qu'elle avait de cacher sa tristesse derrière un sourire timide.
« Vous avez une manière unique de voir le monde, » murmura-t-il, posant son regard intense sur elle. « Comme si chaque détail avait une importance particulière, comme si vous trouviez de la beauté là où d'autres n'en verraient pas. »
Elle rougit légèrement, surprise par la sincérité de son compliment. « C'est gentil de dire ça. Je suppose que... quand on a perdu beaucoup de choses, on apprend à apprécier les petites merveilles qui nous entourent. »
Il hocha la tête, impressionné par sa résilience. Elle avait traversé tant d'épreuves, et pourtant, elle continuait à avancer, seule, avec cette détermination douce et discrète.
À la fin du dîner, il la raccompagna jusqu'à son appartement. La nuit romaine était calme, éclairée par les réverbères et les étoiles qui brillaient dans le ciel. Lorsqu'ils arrivèrent devant sa porte, il sentit une hésitation, comme s'il n'était pas encore prêt à la quitter.
« Merci pour cette soirée, Lorenzo, » dit-elle en souriant, sincèrement reconnaissante. « C'était... inattendu, mais agréable. »
Il lui rendit son sourire, se penchant légèrement vers elle, son regard accroché au sien. « Je suis content que vous ayez accepté. Vous êtes une personne... remarquable, Sofia. »
Elle se sentit rougir, mais elle ne détourna pas le regard, captivée par la profondeur de ses yeux. Elle ne savait presque rien de lui, et pourtant, elle se sentait étrangement en sécurité, comme si elle pouvait baisser sa garde pour la première fois depuis longtemps.
« Bonne nuit, Sofia, » murmura-t-il finalement en se reculant, lui laissant un dernier sourire.
Elle le regarda s'éloigner dans la nuit, le cœur étrangement léger et un sentiment d'excitation qu'elle n'avait pas ressenti depuis longtemps. Elle se savait attirée par cet homme mystérieux, mais une petite voix intérieure lui soufflait de rester prudente. Car elle ignorait encore qu'elle venait de croiser l'Alpha le plus puissant d'Italie, l'homme déterminé à obtenir réparation des fautes de son père.
Sofia referma la porte, consciente que sa vie venait de prendre un tournant imprévu, sans comprendre que ce n'était que le début d'un jeu bien plus complexe qu'elle ne pouvait l'imaginer.