Les jours passèrent, mais la conversation qu'Élise avait eue avec le professeur Delaunay résonnait encore dans sa tête comme une mélodie obsédante. Chaque mot, chaque regard, chaque silence entre eux semblait se charger de plus de sens qu'ils ne voulaient l'admettre. Pourtant, tout continuait comme si rien n'avait changé. Leurs échanges restaient strictement professionnels en apparence, mais Élise sentait bien qu'ils étaient tous deux piégés dans un jeu dont ils avaient perdu les règles.
Cette semaine-là, une conférence spéciale était prévue dans un amphithéâtre plus vaste. Plusieurs professeurs de différentes facultés participaient à cet événement, dont Delaunay, en tant que conférencier principal. Élise, fascinée par sa présence, ne pouvait manquer l'occasion d'y assister. Mais cette fois, elle n'était pas simplement une étudiante venue écouter. Elle était là, plus consciente que jamais, de ce lien invisible entre eux.
Assise au milieu de l'amphithéâtre, Élise observait Delaunay avec attention. Il semblait plus sérieux, plus distant aujourd'hui. Chaque phrase qu'il prononçait était claire et précise, sa gestuelle contrôlée. Mais malgré cette façade de maîtrise, elle savait qu'il ressentait la même chose qu'elle. Il la voyait, elle en était certaine, même s'il ne l'avait pas encore regardée directement.
L'événement se déroula sans accroc, mais Élise ne pouvait s'empêcher de remarquer les légers signes de nervosité chez son professeur. À plusieurs reprises, il passa une main dans ses cheveux ou ajusta ses lunettes, comme pour occuper ses mains ou masquer un malaise. La tension était différente cette fois : moins privée, mais tout aussi palpable.
Une fois la conférence terminée, Élise resta un peu en retrait, laissant la foule se dissiper. Elle savait qu'elle ne pouvait pas simplement partir sans lui parler, pas après tout ce qu'il s'était passé ces derniers jours. Delaunay était entouré de collègues, mais dès qu'il l'aperçut, son regard changea. Pendant une fraction de seconde, une ombre de surprise traversa ses traits, avant qu'il ne reprenne son expression neutre.
Élise s'approcha lentement, consciente du regard de quelques autres étudiants et professeurs. Elle devait faire attention à ne pas susciter de soupçons. Elle resta à distance, suffisamment proche pour capter son attention, mais sans provoquer de malaise.
Il termina rapidement ses conversations avec ses collègues, jetant de fréquents coups d'œil discrets dans sa direction. Puis, il s'excusa poliment et quitta le groupe pour marcher vers un couloir plus calme. Élise, sentant qu'il l'attendait, le suivit à quelques pas de distance.
Quand ils furent à l'écart des autres, il s'arrêta brusquement et se tourna vers elle.
« Vous n'auriez pas dû venir aujourd'hui, » dit-il doucement, son regard dur, mais teinté d'une émotion qu'il essayait de réprimer.
Élise se sentit frémir sous le poids de ses mots, mais elle resta impassible. « Je suis ici pour écouter, comme tout le monde. »
Delaunay hocha lentement la tête, mais ses yeux ne quittaient pas les siens. « Vous savez très bien ce que je veux dire. Vous jouez un jeu dangereux, et je crains que vous ne mesuriez pas à quel point cela peut mal tourner. »
Il s'avança légèrement, réduisant la distance entre eux. Élise se sentit piégée, mais en même temps électrisée par sa proximité.
« Ce n'est pas un jeu, » murmura-t-elle en le regardant droit dans les yeux. « Pas pour moi. »
Delaunay sembla hésiter, comme s'il luttait intérieurement. Il la dévisagea, ses sourcils légèrement froncés, avant de soupirer, sa voix se faisant plus douce.
« Ce que vous ressentez... ce que nous ressentons... c'est dangereux, Élise. Vous ne comprenez pas à quel point. »
Élise savait qu'il avait raison. Elle savait que leurs sentiments dépassaient les limites, qu'ils jouaient avec des règles qu'ils n'avaient pas le droit de briser. Mais c'était justement cette interdiction, cette barrière qui rendait tout cela encore plus irrésistible.
« Vous avez raison, » admit-elle en baissant légèrement les yeux. « Mais est-ce que cela rend tout moins réel ? »
Il sembla perdu un instant, cherchant ses mots, avant de poser une main sur son front, visiblement déstabilisé.
« Vous ne devez pas me pousser à bout, Élise, » dit-il presque dans un souffle. « Je me bats contre moi-même chaque jour... pour ne pas céder. »
Elle le regarda avec une intensité qui le fit presque reculer. Elle s'approcha d'un pas, réduisant encore plus l'espace entre eux, si proche qu'elle pouvait sentir la chaleur de son corps, le souffle court.
« Et si... je ne veux pas que vous vous battiez ? » murmura-t-elle, ses mots à peine audibles, mais chargés d'émotions.
Delaunay la fixa, ses yeux s'assombrissant sous le poids de ce qu'elle venait de dire. Leurs souffles se mêlèrent un instant, avant qu'il ne ferme les yeux, essayant de retrouver le contrôle. Lorsqu'il les rouvrit, il fit un pas en arrière, mettant brutalement de la distance entre eux.
« Ce que vous voulez... et ce qui est juste... sont deux choses différentes. »
Il tourna les talons sans ajouter un mot, disparaissant dans l'ombre du couloir, laissant Élise seule avec le souffle coupé et un cœur battant à tout rompre. Elle le regarda s'éloigner, consciente que la situation venait de franchir une limite dangereuse. Mais malgré cela, un sourire presque imperceptible se dessina sur ses lèvres.
Elle venait de découvrir quelque chose d'essentiel : il était à deux doigts de céder. Et cette idée l'emplissait d'une excitation irrépressible.