La pièce était sombre, éclairée seulement par une faible lumière jaunâtre qui accentuait le désespoir ambiant. Mes mains tremblaient légèrement, mais je serrai les poings pour ne rien laisser paraître. Il était hors de question que Luciana me voie vaciller.
Je ne perdis pas de temps avec des politesses inutiles. Je la fixai dans les yeux, et je sentis mon cœur se serrer sous l'effet de la colère.
- Alors, c'est toi, murmura-t-elle avec une rancœur palpable dans la voix. Qu'est-ce que tu fous ici ? Elle me demande.
Elle n'était plus la femme élégante et imposante que j'avais connue. Assise derrière les barreaux de sa cellule, elle semblait réduite à une ombre de ce qu'elle avait été autrefois. Ses cheveux noirs, autrefois soyeux et parfaitement coiffés, tombaient maintenant en mèches ternes autour de son visage émacié. Ses pommettes saillantes accentuaient la maigreur de son corps, et sa peau, autrefois éclatante, était désormais pâle et marquée par le stress.
Ses yeux, cependant, n'avaient pas changé. Ils étaient toujours aussi perçants, remplis de cette lueur malicieuse et cruelle qui la définissait. Malgré les cernes violacés qui creusaient ses paupières, son regard me transperçait avec une intensité troublante. Elle portait un uniforme orange, ample et sans forme, mais même dans ce vêtement informe, elle parvenait à conserver une certaine dignité froide.
- Attends, ne me dis pas. Tu as appris que ma sœur était encore envie et qu'elle a un fils. Et tu espères que je puisse dissiper tes doutes.
- Pourquoi Lucia est-elle encore en vie ? Pourquoi est-ce que tu n'as pas réussi à la faire disparaître ? Tu avais tout en main pour la détruire.
Luciana éclata d'un rire sec, comme un coup de fouet dans le silence de la pièce.
- Alors comme ça, le retour de ma sœur t'inquiètes ? Tu fais bien. Au moins, on me peut pas te reprocher de ne pas être intelligente.
- Ce n'est pas une réponse Luciana.
- Elle aurait dû l'être. Moi même, je suis autant choquée que toi de savoir qu'elle respire encore. Cette... femme, elle a plus de vie qu'un chat, tu sais. Quand tu crois l'avoir achevée, et puis bam, elle retombe toujours sur ses pattes. C'est comme si le destin voulait la garder en vie pour me narguer.
Chaque mot qu'elle prononçait faisait monter en moi une vague de frustration. Je sentais la rage gronder en moi, mais je m'efforçais de rester calme. La lumière vacillante de la pièce créait des ombres étranges sur son visage, lui donnant un air presque diabolique.
- Elle est toujours là, mais ce n'est pas tout, dis-je en serrant les dents. Je me demande si, par hasard, elle n'était pas enceinte quand tu as... tenté de l'éliminer, dis-je en mimant des guillemets. Est-ce que le bébé qu'elle a maintenant pourrait être celui de Mathis ?
Le visage de Luciana changea légèrement, une lueur malsaine traversant ses yeux fatigués. Elle ricana à nouveau, avec une cruauté qui me glaça le sang.
- Peut-être que oui, peut-être que non. Qui sait ? Je ne suis pas au courant des détails de sa grossesse. Tu sais bien que je ne suis pas médecin. Et puis, elle n'a jamais été une femme facile à cerner, ma sœur.
Ma respiration s'accéléra. Sa façon de jouer avec mes nerfs me rendait folle. Elle prenait plaisir à me voir souffrir, à se moquer de mon désespoir. Mais je ne pouvais pas céder à la colère, pas ici, pas maintenant.
- Luciana, je n'ai pas le temps. Je ne suis pas venue ici pour tes jeux. Je veux des réponses claires. Ce bébé pourrait avoir des conséquences sur ma vie, et je veux savoir si je dois me préparer à affronter cette réalité. Ou peut être crois tu qu'il n'y a que moi qui a quelques choses à perdre dans toute cette histoire. Je te rappelle que c'est toi qui as voulu l'éliminer.
Elle rapprocha son visage du mien. Ses yeux brillairnt d'une malice pure. Il y avait quelque chose de presque inhumain dans son attitude.
- Et je suis en prison pour ça. Rien de pire ne saurait m'arriver. Que crois tu ? Que ma sœur cherchera à se débarasser de moi ? Détrompe toi ma vieille. Je reste sa sœur. Et pour Lucia, ces choses comptent énormément.
Puis, comme si elle se nourrissait de ma détresse, elle ajouta :
- Ma sœur est la femme d'un seul homme. Elle est incapable de tromper. Si elle a un enfant... Fais un peu les comptes toi aussi. Où dois-je toujours tout t'expliquer ?
Je sentis une vague de mépris monter en moi. Elle essayait de me manipuler, de me pousser à douter de tout. Mais je ne tomberai pas dans son piège. Pas cette fois. Je pris une grande inspiration pour maîtriser la rage qui bouillonnait en moi.
- Je vais garder un œil sur la situation, Luciana. De ton côté , trouve des réponses à mes questions. Et je te conseille de ne pas me décevoir davantage. Je te ferai payer chaque mensonge que tu me raconteras à partir de maintenant.
Je me levai brusquement et sortis de la pièce, le cœur battant à tout rompre. Chaque pas que je faisais dans ce couloir sombre résonnait comme un écho dans ma tête. L'atmosphère oppressante de la prison semblait se refermer sur moi, m'enveloppant dans une toile d'angoisse. Mais le pire n'était pas la prison elle-même, c'était cette incertitude qui me rongeait de l'intérieur. Si Lucia avait encore un rôle à jouer dans ma vie, je devais m'y préparer. Mais cette fois, elle ne m'échappera pas.
- Je t'ai raté une foi Lucia. Tu n'auras pas cette chance une deuxième fois. Je peux te l'assurer.
Lucia Monica J. Fabien
En regardant l'horloge, je m'aperçus qu'il était déjà 18 heures. Le temps avait filé si vite. Dans quelques heures, je devrais être au gala de charité. Un événement que je ne pouvais absolument pas manquer.
Mon fils, Juan Camillo, jouait tranquillement dans le salon, ses éclats de rire résonnant à travers la maison. Je l'observai, un sourire involontaire se dessinant sur mon visage. Mon fils était tout pour moi. C'était mon ancre dans cette vie tourmentée.
La sonnerie de la porte retentit, me rappelant que la nounou que j'avais engagée pour la soirée était arrivée. Je me dirigeai vers l'entrée en ajustant la ceinture de ma robe de chambre en soie. J'ouvris la porte pour trouver une femme d'âge moyen, un sourire poli sur les lèvres. Elle dégageait une impression de douceur, avec ses cheveux grisonnants soigneusement attachés en chignon et ses lunettes ovales posées sur le bout de son nez.
- Bonsoir, madame !
Elle me salua avec une voix calme et respectueuse.
- Je suis Madame Fernández, la nounou pour ce soir.
- Bonsoir, Madame Fernández ! Merci d'être venue. Je m'appelle Lucia. Entrez, s'il vous plaît.
Je la guidai à l'intérieur de la maison, lui indiquant où déposer son manteau. La demeure était grande, peut-être même intimidante duraient certains. Les hauts plafonds, les chandeliers étincelants, et les tableaux de maîtres accrochés aux murs donnaient à la maison un air de musée. Cependant, malgré la grandeur des lieux, Juan Camillo avait transformé le salon en son terrain de jeu. Ses jouets sont éparpillés un peu partout.
- Juan Camillo est un enfant plein d'énergie, alors il faudra garder un œil sur lui. Surtout près des escaliers, dis-je en désignant les marches à droite du salon. Mais il est aussi très obéissant. Il adore qu'on lui lise une histoire avant de dormir. Et il ne se couchera pas sans son ours en peluche.
Madame Fernández hocha la tête attentivement.
- Son dîner est prêt, je l'ai laissé dans la cuisine. Il faut s'assurer qu'il finisse son plat avant d'avoir le droit à son dessert.
- ...
- Oh, et s'il demande à regarder la télévision, pas plus d'une demi-heure, ai-je bien précisé. 20 heures, c'est l'heure du dodo.
Je m'arrêtai un instant, m'assurant que tout était couvert. Mon instinct protecteur de mère me rendait toujours nerveuse à l'idée de laisser Juan avec quelqu'un d'autre, même si je savais que c'était juste soirée. Chaque détail semblait crucial pour moi.
- Si jamais il pleure ou semble agité, il aime qu'on lui chante une berceuse. Il a une boîte à musique sur son étagère, vous pouvez aussi la lui faire écouter. Cela le calme.
Elle me sourit, bienveillante, comme si elle avait entendu ce genre de préoccupations des centaines de fois. Cela me rassura légèrement. Je pris une grande inspiration avant de poursuivre.
- Je ne rentrerai pas tard. Vers 23 heures, je serai de retour. Si jamais vous avez besoin de quoi que ce soit, mon numéro est sur la table à côté du téléphone. Je peux être joignable à tout moment.
Je me dirigeai ensuite vers Juan, m'accroupis à sa hauteur et lui caressai doucement les cheveux.
- Mon chéri, maman va devoir sortir ce soir, mais Madame Fernández va s'occuper de toi. D'accord ? Sois sage avec elle.
Ses grands yeux aussi bleus que celui de son père me fixaient avec une innocence pure. Il hocha la tête doucement avant de me serrer dans ses petits bras. Mon cœur se serra légèrement. Chaque fois que je le laissais, même pour quelques heures, une part de moi craignait de manquer quelque chose d'important dans sa vie.
- Je t'aime, mon trésor, murmurai-je en déposant un baiser sur son front.
Je me redressai enfin, échangeant un dernier regard avec Madame Fernández, avant de lui laisser la garde de la personne la plus précieuse de ma vie. Il était temps de me préparer pour la soirée.
En me rendant à l'étage pour me m'apprêtr, une partie de mon esprit restait concentrée sur mon fils. J'espérais que la soirée passerait vite et que je pourrais retrouver mon bébé.