J'attrape la poche de sang avec laquelle je viens de remplir mon verre, mais voyant que cela ne calme pas mon mal profond, je finis par y boire comme un animal. Je n'arrive pas à comprendre ce qui se passe. Est-ce moi qui n'ai pas été assez persuasif en lui effaçant la mémoire ? Après tout, j'ai des réactions incompréhensibles depuis qu'elle...
- Jorgen, elle se trouve ici depuis quand ? lui demandé-je intrigué de mes changements récents.
- Euh... Je pense qu'elle est arrivée il y a 6 semaines. Elle aurait été agressée dans sa maison d'accueil... C'est une de ces anciennes amies de cette maison qui l'héberge depuis sa sortie de l'hôpital.
- Donc, elle serait la cause de mon mal depuis son arrivée, en conclué-je en m'asseyant sur mon siège.
Je porte ma main à mon front, en essayant de calmer la transformation qui semble devenir des plus ingérables. Je grogne en secouant ma tête, tout en sentant les battements d'alerte de Jorgen qui recule auprès de la porte. Je ne vais pas l'attaquer et il le sait, mais j'avoue être devenu imprévisible récemment et cela n'arrange rien quand le regard de cette pâle copie de ma chère Olga s'impose tout le temps en moi.
- Sors de ma tête ! grogné-je en bondissant de mon siège et mon regard flamboyant d'un rouge impur se porte sur le tableau devant moi.
- Yu... Yuri...
La voix de Jorgen est au bord de la panique tandis que mon regard de colère maintenant se porte sur lui. Les battements de son cœur résonnent dans ma tête, son souffle en alerte résonne dans mes oreilles et je ne parle pas de son sang qui semble m'attirer plus qu'il ne le devrait.
- Va... Va la voir et efface-lui à nouveau la mémoire ! s'écrie Jorgen alors que je passe la langue sur mes canines qui sont plus en appétit qu'elles ne le devraient.
- Yuri, il faut que tu ailles la trouver ! hurle Jorgen et je me fige à un mètre de lui.
Je déglutis, comprenant que le monstre a pris le dessus sur moi et je me détourne de mon seul ami fidèle en portant ma main sur mon vissage, en ne comprenant pas comment j'ai pu aller jusque-là. J'étais vraiment prêt à en faire mon souper...
- Pars.
- Yuri...
- Ne reviens que quand je te le dirai, ajouté-je, j'ai besoin de reprendre mes esprits... et ton sang...
J'entends la glotte de Jorgen faire un bruit atroce, et je baisse la tête sur mes mains qui reprennent doucement leur forme. Mon ami a raison... je dois aller voir cette fille et découvrir ce qui me rend fou. Est-ce son sang ? Est-ce sa ressemblance avec ma bien aimée ? Mais par-dessus tout... pourquoi semble-t-elle insensible à mes pouvoirs ? Tant de questions qui me rendent dingue...
Natasha
J'inspire profondément tout en prenant le plateau sur le bar et je souris à Tatiana qui attend le sien, avant de me diriger vers la table que je sers. La lumière plus que tamisée de ce bar ne m'empêche pas de me faire une idée sur la clientèle de celui-ci, et surtout la musique ne m'empêche pas de les entendre parler. Je pose le plateau sur le bord de la table, tout en commençant à énoncer les noms des cocktails et je me penche pour les donner aux personnes. Et tout cela en sentant les doigts de ce mec à mes côtés qui ne peut contenir celle-ci devant lui. Encore un de ces pervers immatures qui pensent que nous les serveuses, nous sommes de la chair fraiche à leur disposition. Heureusement je finis par récupérer ma jambe et je reviens vers le comptoir en essayant de garder mon sourire. Je sais que c'est la seule chose que je puisse faire maintenant, et bien que cela n'était pas dans mes plans d'avenir... Je serre les dents tout en repensant à cet enfoiré de directeur qui ne m'a pas laissée une seule chance. Mais comme le dirait Tatiana, il valait mieux ainsi. S'il m'avait acceptée, il aurait eu accès à mon dossier en entier et il aurait appris les raisons de mon renvoi prématuré de l'université où j'avais été acceptée. Donc, je n'ai plus qu'à jouer la viande aux yeux de tous ces carnivores qui aimeraient me prendre comme une chienne sur la table devant eux. Une impression plus que pesante à la table où je me trouve et que le mec semble prendre ma cuisse pour un marshmallow. La pression de ses doigts qui s'enfoncent dans ma chair est plus que dérangeante alors que je donne les verres aux autres de la table. Et alors que je me penche un peu plus pour atteindre le dernier mec, sa main quitte ma cuisse et d'un mouvement vif, je me retrouve sur ses genoux.
- Juste le poids qu'il faut, grogne-t-il comme un porc dans mon cou en glissant ses mains sur mon ventre nu, je suis certain que tu dois être une baiseuse hors pair comme ton amie.
- Je suis serveuse, tenté-je de dire en essayant de retirer ses mains qui me pressent contre lui.
- Oh arête, tu es comme toutes les autres ici, juste bonne à être baiser !
Mes mains sur ses avant-bras cessent de le repousser à cet instant, ayant l'impression d'avoir déjà vécu une situation similaire. Mon regard se porte vers Tatiana qui baisse son regard pour me montrer qu'elle ne peut pas intervenir... mais ce n'est pas cette impression qui me traverse... « Tu traines avec la pute de Tatiana, tu dois baiser tout ce qui bouge, non ? » Ces mots font un tel écho en moi, que je ne réalise pas ce qui se passe sur le moment alors que je me retrouve soulevée d'un geste et que mon estomac rencontre, ce qui s'apparente à un mur.
Yuri
Jorgen partit depuis un moment, je reprends le contrôle de mon corps mais la brulure dans mon torse ne cesse de me faire mal. Je me traine jusqu'au frigo pour prendre une nouvelle poche, mais je finis par la ranger en sachant que ce n'est pas cela qui va me calmer. Mon odorat est plus que sensible depuis un moment et une impression de colère monte en moi. Il ne me faut que quelques secondes pour que je rejoigne le bar puant où elle travaille. Commandant une vodka pour jouer les clients, je me porte au coin du comptoir, tout en la regardant jouer de son corps durant son service. Il n'y a pas à dire, elle n'a rien à envier à ma chère Olga. Les courbes de son corps sont encore plus affolants que le jour où elle est venue dans mon bureau. La pureté de sa peau blanche qu'elle laisse entrevoir entre sa jupe noire et son top me mettrait même en appétit... seulement si je voulais la tuer. Je porte le verre à mes lèvres, tout en regardant ses longues jambes et je grimace en voyant la main de cet enfoiré se poser sur sa cuisse. Je secoue doucement la tête, comprenant ce qui va se passer et en un instant, elle se retrouve sur ses jambes. Je serre le verre de Vodka si fort entre mes doigts, la voyant tenter de se débattre... mais quand son corps, quand les battements de son cœur ralentissent, je comprends immédiatement ce qui se passe. Cet enfoiré qui lui lèche l'oreille maintenant glisse sa main entre ses cuisses et je réagis instinctivement. D'un pas rapide, je rejoins la table et attrape cette nana la balançant comme un sac de farine sur mon épaule et je sors sous les regards et les cris de ses abrutis. Sérieusement, cette fille ne sait pas quand elle doit arrêter de jouer ! La porte claque derrière mon passage et je sens comme une morsure à travers mon manteau de cuir noir.
- Putain, c'est comme ça que tu me remercies ! m'exclamé-je en la jetant au sol sans aucune délicatesse, et elle tombe les fesses dans un bon tas de neige.
- Non mais t'es malade ! C'est toi qui-
Et alors que je regarde l'endroit de ma veste marqué par ses dents, je me rends compte que son cœur vient à nouveau de faire un raté, ce qui me fait ramener mon regard sur elle. Je me rends compte à cet instant, devant ses grands yeux océan qu'elle vient de me reconnaitre. Elle esquisse un sourire qu'elle se veut amuser tout en détournant son regard et elle se lève, tout en essuyant ses fesses où se trouve la neige.
- Sérieusement Monsieur le directeur, vous n'avez personne d'autres à qui pourrir la vie, grommèle-t-elle entre ses dents.
Je soupirerais presque de voir qu'elle ne m'a pas reconnu pour l'avoir sauvé, mais pour être le directeur de l'université... mais j'ai quelque chose d'étrange dans la gorge qui m'empêche de le faire alors qu'elle remet ses longs cheveux blancs en place.
- À ce que je vois, vous n'avez pas besoin de moi pour cela. C'est donc ainsi que vous voyez votre futur, lui fais-je en lui montrant la pancarte du club qui lumine.
- Vous vous foutez de ma gueule ? me demande-t-elle sur un ton qui frise l'ironie en faisant un pas pour se rapprocher de moi, vous m'avez virée de votre bureau sans prendre la peine de regarder mes documents. Et pour être clair, je préfère être ici, que de suivre les cours dans votre putain d'unif !
Elle ne me laisse pas le temps de rétorquer, qu'elle passe à côté de moi pour retourner dans le bar.
- Rien à voir avec ma douve Olga, soupiré-je en glissant mes doigts dans ma longue chevelure noire tout en repartant vers ma demeure.
Les jeunes femmes d'aujourd'hui ne sont plus ce qu'elles étaient... et pourtant, quelque part en moi, quelque chose me dérange sur le fait de la laisser ici...
Tatiana
Quand Nat est revenue dans le bar, elle a repris son service comme si de rien n'était, mais plus aucun homme n'a osé la toucher plus qu'il ne faut. Je suis désolée de ce qui s'est passé mais elle savait que cela risquerait d'arriver. J'ai voulu lui demander qui était ce grand et bel homme charismatique qui était venu à sa rescousse, mais à l'entendre grommeler en traitant celui-ci d'enfoiré qui mérite mille tortures, j'en suis venue à laisser tomber. Je prends la tasse de café que je viens de faire et je m'assois sur le bord de la fenêtre en regardant la neige tomber. Honnêtement, j'ai de la peine pour mon amie. Elle était tellement heureuse quand elle m'a dit qu'elle était reçue à l'université, et qu'elle allait tout faire pour avoir sa gestion pour ouvrir cette boutique de vêtements gothique qui la caractérise tant, que la voir finir comme moi, me rend malade. Je ne suis pas quelqu'un de fort comme elle, je ne suis pas celle qui les a laissé s'amuser avec elle sans en ressentir la moindre émotion. Moi j'ai fini par boire et foutre en l'air mes années de lycée pour finir par faire des services de nuit et... si elle savait que les cours que je suis ne sont en fait que tu tapinages de jour, elle ne me regarderait plus comme une grande sœur.
- Tatiana ?
- Oh ma chérie, tu es réveillée ! Souris-je en la voyant s'étirer dans le lit, pas trop fatiguée ? Tu devrais dormir encore un peu.
- Non, j'ai prévu d'aller voir si je ne trouve pas un petit boulot de jour ! lance-t-elle en sautant du lit telle une gazelle, tu sais, il faut bien que je m'occupe la journée.
- J'aime ton optimisme.
Le portable de Nat sonne et son regard s'assombrit.
- C'est une blague ? dit-elle en revenant sur moi.
- De quoi parles-tu ? lui demandé-je en la rejoignant et elle me montre son portable.
« Mademoiselle Romanov, vous avez rendez-vous avec le directeur Romanov à 10 heures. »