Je descends prendre un verre d'eau au milieu de la nuit, alors que tout le monde dort dans la maisonnée. Demain, je m'en vais enfin de cette foutue maison d'accueil où je n'aurai plus à supporter Greta et ses remontrances. J'ai eu les papiers d'inscriptions pour l'université de Moscou, où je compte bien prendre enfin mon envol loin de cette foutue vie de misère. Mes parents sont décédés quand j'avais dix ans lors d'un accident de voiture, et j'ai passé mon temps à me faire balader de maison d'accueil à une autre. J'aurais pu partir de chez Greta depuis longtemps, mais mis à part le fait qu'elle soit un vrai esquimau envers nous, il se trouve que cela reste le seul endroit où l'on ne se moque pas de la couleur de mes cheveux. Ils ne sont pourtant pas différents des leurs, si on pense qu'ils sont juste vraiment blancs, comme le teint pâle de ma peau qui fait ressortir mes grands yeux bleus. Je porte le verre à mes lèvres en regardant mon reflet dans la fenêtre, où l'on aperçoit les gros flocons qui tombent et blanchissent à nouveau le chemin du jardin. J'aime ce moment où les flocons sont encore des plus innocents, quelque chose que je ne suis plus depuis longtemps et mon corps tressaille, tout comme l'eau ingurgité me brûle intensément l'estomac en voyant le regard d'Orek se tenir dernière moi. Son regard sournois qui brille dans la fenêtre me fait comprendre que je vais passer un mauvais moment. Après tout, je l'ai évité durant plusieurs années, et je sais que c'est sa dernière occasion de me faire subir ce qu'il faisait à Tatiana jusqu'à son départ. Je pensais simplement que cela ne m'arriverait pas la dernière nuit dans cette maison... et pourtant sa main rugueuse glisse déjà le long de mes jambes et cela sans un mot... Mon corps entier semble vouloir se mettre sur la défensive, mais cela ne semble pas l'ébranler un seul instant alors qu'il glisse maintenant sa main dans ma culotte.
- Dernière nuit, fait-il de sa voix écœurante dans le creux de mon oreille, il est hors de question qu'un autre homme prenne ta virginité.
- Qui vous dit que je le suis encore, lâché-je d'une voix que je me veux certaine.
Mais j'en oublie la force de cet enfoiré, et le verre m'échappe des mains pour se briser sur le meuble devant moi, où je me retrouve le visage écrasé en un instant.
- J'aurais dû te prendre bien avant ! grogne-t-il alors que le son du coton de ma culotte qui se déchire résonne dans la cuisine.
Je mords mes lèvres, attendant le moment où il enfoncera de force son sexe dégoutant dans mon intimité, pensant me faire du mal comme il aimerait le faire. Mais ce n'est pas le premier qui me fera subir une telle chose, je suis malheureusement habituée à ce genre de traitement depuis mon entrée au lycée. Je pousse un cri étranglé à l'entrée de celui-ci en moi alors qu'il attrape mes cheveux dans ses grandes mains pour les tirer en arrière. Je ne dis plus un mot, me souvenant une fois de plus de la première fois que cela m'est arrivée. Au début, les garçons se moquaient simplement de moi à cause de mes cheveux et un jour en me retrouvant seule dans le vestiaire, où une fois de plus mes affaires avaient disparues... ils sont venus. Oui, je dis bien « ils »... Les gars les plus populaires du lycée qui avaient tout pour eux, tout comme n'importe quelle fille, me sont passé dessus chacun à leur tour... cela a dure des heures, où bien entendu personne n'est venu à ma rescousse. J'ai été humiliée, bafouée et violée encore et encore, sans pouvoir penser un seul instant à me débattre. Car tout comme Orek à cet instant, je n'ai de toute façon pas la force de l'arrêter et je me contente de subir chaque plaquage plus intense contre le bois de la cuisine, chaque claque sur mes fesses blanches, attendant que cela cesse. Ce n'est qu'une nuit... une unique fois où ce gros porc pourra me toucher et exploser son dégoutant désir sur moi. Demain, je serai partie... je serai loin de tout ce qui a fait de ma vie une horreur. Mais voilà tout ne se passe toujours comme on le pense, et alors que je sens ma poitrine me faire mal, sous la pression de ses vas et viens, qui la fait toquer contre le bord du meuble, la lampe de la cuisine s'allume.
- Pute ! Comment oses-tu après tout ce que je t'ai offert ?! hurle Greta alors que son mari répugnant me relâche.
- Je... Elle m'a séduite ! Elle fait cela depuis des mois. Elle s'est offerte à moi pour son dernier soir ! s'empresse-t-il de s'écrier alors que je plisse les paupières en sachant qu'elle va me le faire payer.
Me redressant sur mes jambes tout en fermant les yeux, je n'ai pas vu Greta arriver dans mon dos, ni la lame de couteau de cuisine qui rentre comme dans du beurre dans mon dos. Le souffle coupé, je me laisse tomber sur le sol tout en portant ma main à l'endroit de la blessure, alors que les insultes et les coups de pieds pleuvent sur mon corps. Je sais que je ne suis pas la première à vivre ce moment, mais quelque part en moi, je regrette simplement d'avoir eu envie d'un verre d'eau au milieu de la nuit...
Kokrov, Janvier 2024
- Natasha ?
J'entrouvre les yeux, un peu pâteuse mais pourtant bien vivante et cela ne m'enchante guerre. Car une fois de plus, ce moment qui a fait chavirer mon avenir s'est imposé une nouvelle fois à moi, alors que cela date d'il y a déjà deux mois. Je regarde ma chère Tatiana qui du haut de ses vingt et un et malgré sa vie miséreuse m'a ramenée de l'hôpital, avant que Greta n'en finisse vraiment avec moi. Nous n'en avons pas parlé parce que je sais que derrière son regard souriant, alors qu'elle met sa longue chevelure brune en chignon, ce sont des moments de sa vie qu'elle veut oublier...
- J'ai préparé un peu de bouillie d'avoine, je sais que tu aimes cela, me dit-elle alors que je m'extirpe du lit.
- Merci.
Je ne sais pas quoi dire d'autre, sauf éviter de me sentir mal à l'aise. Tatiana vit dans ce qu'on qualifierait d'un kot. Une pièce de 6 mètres sur 6 où le lit est en son centre et nous sert à la fois de fauteuil et de table à cet instant alors qu'elle me donne mon bol. Mais tout ceci est toujours mieux que ce que nous vivions dans la famille d'accueil de Greta et d'Oreg...
- Je t'ai préparé les papiers.
- Tatiana, je t'ai déjà dit que je n'irai pas, soupiré-je avant de déposer la cuillère dans le bol.
Depuis mon arrivée chez Tatiana à Kokrov, celle-ci fait tout pour que je continue mes études. Mais soyons réalistes, je ne suis plus en état de continuer mes cours de gestion et de plus, nous ne pouvons pas nous permettre de dépenses pareilles. Tatiana suit le cursus via la même bourse que moi et elle travaille aussi dans un bar, où je vais y finir si je veux l'aider à gérer les frais qui nous incombent. Cependant, je ne sais pas si je tolèrerai une nouvelle fois que l'on me touche impunément... car j'ai peur que je finisse par finir comme toutes les filles qui y travaillent. La crainte de prendre du plaisir en vendant mon corps me terrifie et même plus... mais en réfléchissant, ai-je vraiment le choix ? Tatiana finit par partir en me déposant les documents sur le lit. Je me couche sur celui-ci en les tendant à bout de bras devant moi...
- Gestion...
J'ai toujours aimé ce genre de choses, et bien que l'université soit plutôt militaire que celle à laquelle je voulais me rendre, je ne devrais pas faire la difficile. Car tout comme mon passage en maison d'accueil, cela ne serait qu'une partie de ma vie que je pourrais oublier comme le reste, un fois diplômée. Mais le souci de l'argent est toujours présent et je soupire, consciente que je vais devoir suivre Tatiana... Je finis par m'habiller et je fourre les documents d'inscription dans mon sac pour sortir de l'immeuble. Le froid du mois de janvier et des guirlandes ringardes des fêtes qui viennent de passer me donnent des frissons. J'ai toujours détesté cette période de l'année, où les gens font semblants d'être chaleureux vis-à-vis des autres... alors que dès le dos tourné, ils crachent sur ceux-ci comme jamais. Je descends du bus devant l'université qui se dresse devant moi, et qui malgré les arbres qui arborent l'allée, ressemble à un camp militaire des plus froids. Je rentre dans le batiment où est inscrit « Accueil » en grand, et je rejoins une fille d'élèves qui attendent devant ce qui ressemble à un secrétariat. Tous ceci semble conditionnés comme s'ils étaient à l'armée, portant un jeans de couleur beige et une moumoute du même ton. Tout en me mordant la lèvre, je me dis que j'aurais du penser à mettre une couleur moins forte que mon noir éternel... mais il est trop tard pour cela maintenant.
- Mademoiselle Romanov ! crie la secrétaire et je me lève de ma chaise où je pensais finir par y dépérir pour la rejoindre.
La secrétaire m'arrache presque les papiers que je lui tends, et je relève un sourcil en voyant ses lèvres grasses marmonner des choses dont j'ai l'habitude.
- Vous avez eu la bourse ? me demande-t-elle en ne relevant pas son regard vers moi, me confirmant son air hautain.
- Les frais ne sont pas un problème, assuré-je.
- Ce n'est pas à vous d'en décider ! claque-t-elle et je ronge mon envie de lui dire qu'elle devrait penser à s'envoyer en l'air pour se détendre.
Ce genre de bonne femme m'a toujours mis à bout.
- Veuillez attendre un instant !
Elle se lève et j'attends qu'elle ait fait quelques pas pour soupirer sans retenue, me jurant de fumer une cigarette dès la sortie de ce bâtiment. Je savais que cela n'était pas une bonne idée de venir dans cette université de misère, et à voir les étudiants qui s'y trouvent, je ne peux pas dire qu'il y a de quoi se mettre sous la dent dans les heures creuses.
- Romanov !
Je sursaute presque en l'entendant m'appeler du fond du couloir, où sa grosse main me fait signe de la rejoindre.
- Le directeur Ivanov va vous recevoir.
- Mes documents sont en règle, paniqué-je alors qu'elle se tourne vers la grosse porte en bois derrière elle.
- Le directeur tient à rencontrer tous les étudiants. Je vous conseille de fermer votre manteau.
- Mon manteau ? demandé-je avant de me rendre compte qu'en enlevant mon écharpe, le tissu de ce vieux pull noir laisse entrevoir mon soutien-gorge du même ton.
Je m'empresse de remettre celle-ci, cachant ainsi ma bêtise, alors qu'elle frappe à la porte et qu'une voix, comme sortie d'outre-tombe résonne de l'autre côté.
À cet instant, alors qu'elle entre dans le bureau, je ne savais pas à quel point ma réflexion était on ne peut plus vrai. Car bien que je sois surprise de trouver un directeur si jeune et tellement cool devant moi dans ses vêtements noirs dont les cheveux longs de la même teinte nous accueille, je n'ai pas idée que ce regard bleu et ensorcelant ne sera autre que ma perte...