L'odeur fruitée qui m'a attirée plus que de raisons dans ces baffons de la ville, est tout d'un coup surplombée par tous ces couples qui s'accouplent sans retenue autour de moi. Je me retiens de respirer, cherchant cette odeur qui m'a fait sortir de ma demeure à cette nuit. Je scrute chaque recoin de cet endroit de débauche à la recherche de la source de ma transe qui m'a fait me transformer. Les lumières tamisées permettent de passer incognito auprès de ces humains qui sentent la baise à plein nez, et je finis par me retrouver dehors dans la pénombre. Mais mes yeux sont adeptes à la noirceur et ce n'est pas cette faible lueur qui m'empêche de voir ce qui se passe devant moi, comme si nous étions en plein jour. Les doigts de cet humain entre ses cuisses ne me font pas douter de ce qui se passe à cet instant, alors que je sens un grognement sourd monter en moi. Mais ce n'est pas le fait qu'ils soient sur le point de s'accoupler qui me met en rogne, mais plutôt l'odeur fruitée qu'il va souiller de son sperme dégoutant si je le laisse faire. Car il n'y a aucun doute sur le fait que l'odeur qui me rendait mal depuis des semaines, émanait de cette pâle copie de ma chère Olga. Mes crocs se mettent à nouveau à sortir de leur enclos, et je dois contenir mon corps de ne pas céder à ma première pulsion. Mais voilà, ce qui s'en suit me pousse à perdre pied quand le visage de la fille finit contre le mur et que son odeur s'infiltre encore plus profondément en moi. Je serre les poings, retenant le mal qui monte en moi à cet instant, conscient que cela ne me regarde pas... mais il est trop tard à cet instant. Quand son regard entre en contact avec le mien, je perds totalement le contrôle et en un claquement de doigt humain, je fonce sur cette proie répugnante dont le sang éclabousse les cheveux blancs de cette fille. Un cri s'en suivit quand elle se rend compte de ce que je suis en train de faire, et alors que j'avale plus que goulument la vie de cet enfoiré qui la souillait ; son regard se fige dans le mien. Un sentiment étrange me traverse à cet instant, ne voyant pas une once de peur ou de dégout dans le sien... elle esquisse un sourire, et je peux entendre les battements de son cœur prendre un rythme des plus calmes. Tu ne devrais pas... Tu devrais me craindre et hurler à plein poumons ! Mais elle tient le contact de mon regard flamboyant de mon état de vampire, alors que le corps de cet enfoiré s'effondre entre nous. Et alors que je devrais lui faire subir le même sort pour m'avoir vue, je me contente de passer ma main sur ma bouche pour en essuyer le sang infâme de cet humain. Je sens mon corps se réchauffer instantanément mais surtout, j'ai une trique d'enfer... Une chose qui ne m'est pas arrivé depuis la mort de ma chère Olga...
Natasha
Le souffle haletant, je ne peux pas lâcher ce regard flamboyant d'un rouge sang comme celui qui se trouve sur ses lèvres qui me semblent plus qu'attirantes. La chaleur qui s'était dissipée de mon ventre au contact brutal de cet enfoiré qui git entre nous revient de plus belle, et je sens un désir impalpable monter en moi.
Ne m'occupant nullement du corps à mes pieds, je fais un pas tout en amenant ma main vers la capuche qui me cache le visage qui se tient devant moi. Mais au moment où je m'apprête à toucher cette noirceur qui m'empêche de découvrir la totalité de cet homme étrange, je me sens secouée dans tous les sens.
- Natasha ! Natasha !
- Tatiana, grommelé-je en voulant rester dans mon rêve.
Je me mets sur le ventre, amenant mon bras sur ma tête où j'essaie de rester dans mon songe... mais étrangement, je réalise que plus une image ne me vient.
- Natasha, tu as un appel de la police !
J'ouvre les yeux, incrédule, ne comprenant pas pourquoi la police m'appellerait. La dernière fois que celle-ci est entrée en contact avec moi, c'était pour me traiter d'aguicheuse avec mes tenues serrées noires et de cuir, qui donnent toutes les raisons du monde aux hommes comme Oreg de vouloir me baiser... Tatiana assise à coté de moi, tout en tenant mon portable près du visage, je me tourne vers elle pour le prendre tout en me demandant ce qu'ils me veulent.
- « Bonjour mademoiselle Romanov, ici le capitaine Jorgen Sokolov, nous avons trouvé votre sac dans la ruelle du bar Minotor. Pourriez-vous passez à nos bureaux pour le récupérer ? »
- Mon sac, fais-je avec étonnement alors que je suis certaine de ne pas l'avoir pris avec moi pour sortir.
Je fourre toujours mon argent dans la poche de ma jupe tout comme mon portable. Je fronce les sourcils, en confirmant que celui ne se trouve pas au porte-manteau près de la porte, et je raccroche en confirmant ma venue vers quatorze heures.
- Au fait, tu es rentrée à quelle heure ? me demande Tatiana qui enlève son t-shirt pour attraper un pull dans le placard.
- Euh...
Assise sur le lit, je me gratte le haut des cheveux en me rendant compte que je ne me souviens même pas de mon retour. Je sais que j'ai bien bu, mais il me faut plus que cela pour avoir des trous de mémoire. En parlant de cela... mon regard se porte sur ma main et je fronce des sourcils en amenant la pulpe de mes doigts dans la paume de celle-ci.
- Tatiana, je me suis coupée, non ? demandé-je confuse de voir que je n'ai rien du tout à la main.
- Je pensais aussi, mais il faut croire que c'était à cause du colorant qu'ils mettent dans leur nouveau cocktail, fait-elle en attrapant son sac, j'ai un cours et après je vais au bar pour prendre mon service. Au fait, tu es certaine qu'il n'y a aucune chance pour l'université.
Sur le coup, le regard de cet enfoiré de directeur me revient en mémoire et je me laisse tomber durement sur le matelas en soupirant.
- Mort de chez mort ! lancé-je en regardant le plafond qui va finir par nous tomber sur la tête à l'allure où la poussière tombe sous les pas du voisin du dessus.
- Je parlerai à Vladimir si tu veux.
Je me contente d'inspirer profondément, n'ayant de toute façon plus le choix de venir travailler là-bas. Après tout, j'ai peut-être espéré un peu trop pour mon avenir... Mais quelque chose me chiffonne tout le reste de la matinée... j'ai l'impression d'avoir oublié quelque chose de vital...
Jorgen
Prenant une nouvelle tasse de café, je grommèle, n'arrivant pas à joindre cet abruti qui m'a bien mis dans la merde avec ces conneries. Je lui ai pourtant dit de ne plus faire ce genre de choses et en tout cas, certainement pas où se trouvent des témoins... même si ceux-ci étaient défoncés. Il a tellement bu du sang de ce mec que le médecin légiste a même parlé de vampire, ce qui m'a fait tressaillir... bien qu'il en riait. Je regarde la porte qui donne dans le hall, en espérant qu'il en finisse assez vite avec sa douche parce que moi je dois retourner au bureau, histoire de confirmer que cette nana n'ait aucun souvenir de lui et de ce qu'il a fait. Mais surtout, il me faut ce foutu sac qu'il lui a subtilisé quand il l'a ramenée chez elle. Pour un vampire de deux cent cinquante ans, je le trouve bien idiot sur ce coup-là. Si seulement je n'avais pas découvert son secret il y a dix ans, je ne serais pas devenu celui qui arrange tout derrière lui et lui fournit la liste des enfoirés les plus appétissants pour lui.
- Voilà ! lance-t-il froidement en apparaissant devant moi dans un simple cuir noir qui me donne des frissons.
- Tu pourrais au moins t'habiller, fais-je en prenant le sac noir sur la table.
- Veux-tu aussi que je chauffe ma demeure pour tes visites chronométrées ? me demande-t-il en allumant une cigarette sur un air moqueur.
Je me demande pourquoi il fume alors qu'il est clair pour nous que cela ne lui procure aucun effet... en tout cas, de nous deux, c'est lui qui a les poumons les plus sains.
- Tu vas pouvoir te renseigner avec ça.
- Une chose est certaine, elle n'est pas une descendante d'Olga, affirmé-je avant de porter la tasse à mes lèvres.
- Je l'espère...
- Yuri, tu as des doutes à ce sujet ? lui demandé-je confus.
Il m'a raconté leur histoire d'amour et jamais à aucun moment, il n'a parlé de quelconque grossesse. De plus, un vampire ne peut pas enfanter... Quoi qu'avec tout ce qu'on entend maintenant, j'émettrais un doute là-dessus... Yuri semble tout à coup bien loin et je sais à voir son regard que celui-ci est porté vers la chapelle près du lac, où se trouve le tombeau de sa chère Olga.
- Au fait, tu lui as bien... enfin tu sais, effacer la mémoire ?
- Je ne suis pas idiot.
Yuri fait un arrêt d'un air songeur un instant, et je m'apprête à émettre un doute quand il relève un regard étrange dans le mien.
- Mais une chose est certaine, cette jeune fille a quelque chose qui m'a attiré à elle.
- Je vois. Mais si ce n'est que son sang, tu peux le gérer, non ? lui demandé-je en sachant que c'est cela qui l'a poussé à se rendre là-bas.
- Tant qu'elle se tiendra loin de moi, dit-il sur un ton qui ne me rassure pas du tout.
Mais Yuri se détourne à nouveau vers la fenêtre, et je sais que la conversation est finie. Je me contente donc de quitter sa demeure pour aller à la rencontre de la mystérieuse Natasha... et la surprise sera totale quand à son entrée dans nos bureaux, j'ai l'impression de voir la peinture vivante de sa bien-aimée... en tenue beaucoup plus courte...
Yuri
Assis sur le siège royal que je garde de ma première vie, je fixe le tableau de ma tendre aimée en sirotant ce verre de sang frais. Malheureusement, ce sang ne me rassasie pas à ma soif qui ne fait que déborder depuis que j'ai laissé aller mon alter-ego cette nuit. Plongé dans le regard pur et innocent de cette jeune fille, la sensation de désir pur alors que je buvais ce sang me débordait entièrement. Un émoi que je n'ai pas ressenti depuis sa mort, et qui semble me mettre à mal comme si je l'avais trahie. Mais plus que tout, c'est la pression de mon entre-jambe qui m'a le plus marqué. Quand je pense à ce que nous faisions pour assouvir notre désir tous les deux, où je ne pouvais la conquérir pleinement... Et en un seul regard alors que je vidais de sa vie cet enfoiré, j'ai ressenti autant de plaisir que lorsqu'elle m'offrait ma victime. Je porte mes doigts dans mes cheveux, retenant mes longs cheveux ébènes de revenir entièrement sur mon visage baissé sur mon verre.
- Olga, dis-moi que ce n'est qu'une coïncidence ? Assure-moi que cela ne se reproduira pas ? supplié-je.
J'ai besoin de me convaincre que les doutes qui m'assaillent depuis cette nuit sont vains... Je veux croire que le fait que son sang fruité et attirant ne soit en rien comparable au sien... Il est clair que je ne peux pas assurer qu'elle n'est pas une de ces descendantes... Après tout, j'ai disparu deux ans après ma transformation et nous n'avons jamais parlé de ce qu'elle avait subi pendant mon absence. Je n'avais simplement pas la force d'entendre qu'elle avait eu des aventures, et cela sans mon consentement, sans ma présence... sans que je puisse la voir prendre le plaisir que je ne pouvais plus lui donner. Mais une progéniture...
- Jamais je ne croirais une chose pareille ! hurlé-je en me redressant d'un bond tout en balançant mon verre contre le mur.
Le reflet de mon regard flamboyant me fait comprendre qu'il est déjà trop tard... cette raison est des plus probables... car jamais une femme ne pourrait me faire ressentir les mêmes sentiments que ma douce Olga. Et pourtant bien que je puisse haïr une idée pareille... son sang qui ne quitte pas mes narines depuis cette nuit semble à nouveau me rendre fou...
Marchant dans les rues de Kokrov, à quelques mètres derrières cette jeune femme, mon regard ne peut quitter les courbes de cette mini-jupe de dentelle noire qu'elle porte, descendant le long de ses jambes cachées de bas de la même teinte. Ses bottines font un craquement intense dans la neige, alors qu'elle semble composer un message au bruit de ses doigts. Je plisse mon regard, m'arrêtant un instant alors que son portable sonne et je me mets de côté dans la petite ruelle pour ne pas qu'elle me voie.
- « Vladimir veut me voir ? »
Je penche un peu la tête, écoutant l'échange qu'elle a et j'inspire profondément en comprenant qu'elle va aller travailler dans un bar. Bien entendu avec le corps qu'elle a, je suis certain qu'elle aura du succès. Je m'apprête à rebrousser chemin, me sentant un peu moins sur les nerfs qu'en quittant la maison pour la trouver et je me fige.
- « Au fait, tu connais un homme à la capuche qui se trouvait au club hier ? » demande-t-elle à son amie, « je me suis souvenue de cela en sortant des chez les flics... »
Non, c'est impossible qu'elle puisse se souvenir de moi ?!