Après le dîner, Aaron rejoignit son père dans son bureau. Il frappa à la porte, son père qui était au téléphone lui fit signe de la main d'entrer.
Il entra et s'assit sur la chaise en cuir devant son père. Avec une certaine nervosité, Aaron se tortillait sur la chaise, agaçant son père qui finit par se lever et se tenir debout près d'une fenêtre, cigarette à la main.
À la fin de l'appel, monsieur Smirnov tapota son téléphone dans sa paume tout en marchant vers son bureau. Une fois assis, il demanda à son fils ce qu'il voulait.
"Père... J'ai quelque chose d'important à vous dire." Aaron semblait tendu, son père le remarqua. Il le regarda attentivement, les mains sur les coudes, se penchant vers lui.
"Père, j'ai..."
"Tu as un doctorat en médecine ?" l'interrompit son père en riant. "Je le savais, fils, tout comme je sais que tu as un master en Gestion."
"Comment...?"
"Comment je le sais ? Je connais tout de vous. De toi. De tes sœurs et de ta mère. Jusqu'à ce que vous mangez."
"Je suis désolé, père. Je ne voulais pas vous mentir. Je..."
Monsieur Smirnov n'avait aucune patience. Il ne laissait jamais son fils terminer sa phrase.
"Le mal est déjà fait." Rit-il. "Mais je suis fier de toi. D'avoir eu le courage de me le dire. Maintenant, va te coucher. Nous avons une grosse journée demain."
"Merci père. Bonne nuit à vous," répondit Aaron, son père hochant la tête en retour.
La mère d'Aaron se tenait à l'extérieur du bureau, écoutant à la porte la conversation entre son fils et son mari. Quand Aaron sortit et la vit, il se rendit compte immédiatement de sa présence, et de ce qu'elle était entrain de faire ou avait fait, tout comme son père.
Un sourire narquois se dessina sur le visage de son époux lorsqu'il lança : "La journaliste a bien pris des notes ?" Cette remarque fit rougir Elena, la mère d'Aaron.
"Raccompagne-moi dans ma chambre," demanda-t-elle à son fils, et ils partirent tous les deux, laissant Monsieur Smirnov seul dans le bureau.
En arrivant à la porte de la chambre de sa mère, Aaron la laissa entrer et retourna ensuite dans sa propre chambre pour se coucher. Il s'allongea sur son grand lit, fixant le plafond et contempla l'immensité de la chambre. Il soupira, fermant les yeux dans l'espoir de trouver le sommeil, tourmenté par l'inquiétude de ce qui pourrait se produire le lendemain.
Le manoir des Smirnov se dressait majestueusement au milieu d'une forêt appartenant à la famille, s'étendant sur une superficie presque aussi grande qu'une ville.
Au réveil, Aaron enfila un jogging noir et un t-shirt blanc taché avant de partir pour un jogging matinal à travers la forêt. Malgré le froid, l'effort de la course le réchauffait agréablement. Après une trentaine de minutes, il réalisa qu'il s'était éloigné de la maison et décida de faire demi-tour.
En revenant, Aaron aperçut quatre voitures blindées garées devant chez lui, avec une dizaine d'hommes postés devant. Il devina rapidement qu'un des hommes de main ou associés de son père se trouvait à la maison.
Saluant les hommes à son arrivée, il pénétra à l'intérieur de la demeure. Les hommes de son père semblaient être en plus grand nombre, notamment devant le bureau de ce dernier situé au rez-de-chaussée.
Interpellant sa sœur Mira dans le couloir près de la chambre de leur mère, Aaron demanda des explications sur la situation.
"Que se passe-t-il ?" interrogea-t-il.
"Je ne sais pas, mais je reconnais l'homme qui discute avec papa", répondit Myra.
"Qui est-ce ?" demanda Aaron.
"Tu te souviens de Mynerise, la jeune fille qui a perdu la vie en nous sauvant d'un enlèvement ?" continua-t-elle.
"Ah oui, je me rappelle d'elle", confirma-t-il.
"Eh bien, c'est son père. Et son fils, Alexeï", révéla Myra.
"Alexeï ? Le petit garnement qui nous taquinait quand nous étions enfants ?" s'exclama Aaron.
"Oui, c'est lui. Et figure-toi que c'est mon petit ami et futur époux", annonça Mira.
Aaron sentit son sang se glacer. Il peinait à croire ce qu'il entendait. Sa sœur avec Alexeï Dostoïevski. Ce maigrichon sanguinaire et cruel.
"Est-ce que tu l'aimes au moins ? Ou est-ce père qui t'a forcé ?" Demanda Aaron, furieux.
"Non," lui répondit sa sœur en tentant de le calmer. "C'est moi. J'aime Alex. On s'aime. Nous craignons même que père ne permette pas notre relation."
Aaron resta silencieux, essayant de digérer la nouvelle.
"Il a changé," affirma sa sœur, esquissant un léger sourire. "Si tu le connaissais mieux, tu verrais..."
Les yeux de Myra étaient embués de larmes, de peur que son frère bien aimé n'apprécie pas son petit ami et futur fiancé, si leur père l'acceptait. Aaron prit sa sœur dans ses bras, la réconfortant. Elle se blottit dans sa poitrine.
"C'est bon. Si tu dis qu'il a changé et que tu l'aimes, et qu'il t'aime, je te crois, soeurette," déclara-t-il. Puis, sur un ton taquin, il ajouta : "Je ne sais pas si tu as le nez bouché, mais je sens la sueur. Tu ne remarques pas ?" Sa sœur s'en aperçut et grimace. "Beurk," s'exclama-t-elle en se bouchant le nez. "Va te laver !" lança-t-elle en riant.
Après une bonne douche, Aaron descendit à la salle à manger pour prendre le petit déjeuner. À sa grande surprise, il y avait des invités à table : Monsieur Alexis Dostoïevski et son fils, Alexeï Dostoïevski en personne.
Le petit maigrichon avait subi une incroyable transformation. Aaron avait du mal à y croire. Il avait maintenant grandi, dépassant même Aaron en taille. Il était devenu musclé, avec une allure typiquement russe : barbe, cheveux sombres et yeux profonds.
Aaron les salua et prit place à côté de son père, qui avait toujours un espace libre à ses côtés. Ils se mirent à manger.