Les Mags de Jelen
img img Les Mags de Jelen img Capítulo 4 Dernier voyage
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Capítulo 6 Lisy img
Capítulo 7 Ce que le pilier renferme img
Capítulo 8 L'annonce fatidique img
Capítulo 9 La répartition img
Capítulo 10 L'ombre veut l'Asalrri img
Capítulo 11 Descente aux enfers img
Capítulo 12 Régression zone trois img
Capítulo 13 Voeux des purs img
Capítulo 14 Fin de convalescence img
Capítulo 15 Régression zone deux img
Capítulo 16 La réfugiée img
Capítulo 17 La requête img
Capítulo 18 Hugh img
Capítulo 19 Régression zone une img
Capítulo 20 La voix résonnante img
Capítulo 21 Régression hors zone img
Capítulo 22 La rage Norso img
Capítulo 23 Retrouvailles img
Capítulo 24 Le Vrai Monde img
Capítulo 25 Les murmures de Lisy img
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Capítulo 4 Dernier voyage

L'hiver fut long et rude.

Au retour des beaux jours, Amar ne pensa qu'à son voyage d'été. L'habitude lui avait permis de boucler les préparatifs en seulement deux jours. Son grand défi serait de ne pas être éconduit, de convaincre Kimra et ses semblables de l'accueillir comme un voyageur honnête.

Il se demandait pourquoi on n'apprenait pas leur existence à l'école. Aussi, quand il parlait de son futur voyage, il évoquait du bout des lèvres l'éventualité d'une vie indigène dans les montagnes du nord ; les réponses de ses parents indiquaient qu'ils ignoraient réellement l'existence des Norsos.

Les deux peuples n'ont-ils jamais eu de relations quelconques ? L'idée de se placer en intermédiaire entre le nord inexploré et la grande Cité du sud lui plaisait énormément. Un rôle d'importance, qui lui permettrait d'assouvir son esprit de liberté en même temps que l'ambition de son égo. Cette prétention apparaissait au travers de son enthousiasme ; et puis ses parents avaient tendance à lui confirmer que le destin lui réservait une place plus grande que celle de paysan. Amar prenait leurs compliments comme des bénédictions à suivre sa voie, quitte à ce qu'elle s'éloigne de la leur. Après tout, ils avaient profité de sa présence pendant presque dix huit ans, à jamais impressionnés par son opiniâtreté et sa faculté à transgresser pour devenir meilleur.

Un baiser sur la joue et le voilà reparti vers les déserts brûlants dont le souffle révèle l'air absent. Il choisit les trois chevaux les plus expérimentés ; ce serait le dernier voyage pour l'un d'eux, baptisé Le Fugueur parce que rien n'arrêtait son âme vagabonde, pas même l'enclos. Il avait été le meilleur ami d'Amar durant son enfance et aussi son meilleur alibi pour s'évader de la propriété familiale quand il s'agissait de le ramener à l'enclos. Aujourd'hui commençaient ses vieux jours. Ceci dit, hormis une certaine fougue perdue, c'était toujours un animal rapide, doué d'un sens de l'orientation hors pair, de sorte qu'Amar pouvait, sans l'ombre d'un doute, se laisser guider jusqu'à destination.

Après avoir laissé loin derrière le pilier élancé vers le ciel, puis le repaire forestier des enfers, il reconnut les premières dunes terreuses comme des entités familières. En portant loin le regard, un sentiment de retrouvailles l'assaillit. Tout semblait au même endroit. Les dunes les plus élevées à l'est ; les petites à l'ouest. Un savant mélange des deux au centre.

Amar sourit en apercevant le premier citronnier qu'il avait planté cinq ans auparavant. Il y en aurait trente et un, indiquant le chemin à suivre. Il serait facile de les distinguer, de profiter de l'ombre et s'y désaltérer.

Dans cet espace hostile dénué de nuit, la monotonie l'usait, la fatigue emportait son attention loin des réalités. Il ne tenait plus le compte des citronniers.

Tout à coup, sans que le sable ni l'horizon ne changent, son coeur s'emballa. C'était une profonde conviction. Il était parvenu plus loin qu'il y a cinq ans. Il planta seize nouvelles graines avant de discerner les fameuses montagnes de marbre noir. A sa connaissance, elles signaient la fin du désert. Et il n'y avait rien au-delà.

Il arrivait à la pointe nord !

Les montagnes s'approchaient plus rapidement. Amar n'avait pourtant demandé aucun effort supplémentaire de la part des animaux ; Le Fugueur et ses deux acolytes, dans l'euphorie de fin de voyage, en avaient pris seuls l'initiative.

De la vaillante chaîne de montagnes obscure coulaient soudainement des larmes bleues à flot. Amar arrêta immédiatement l'attelage. Plissa les yeux. Il comprit, tétanisé, qu'une horde de Norsos quittait les interstices des montagnes et dévalait leurs flancs dans sa direction. Il doutait de pouvoir prononcer quelque mot avant que les créatures bleues ne lui fassent regretter la violation de leur territoire. Et Kimra ne pourrait rien pour lui, il l'avait prévenu. Cette tribu abritait plus de violence qu'il ne se laissait croire.

Les chevaux s'agitaient, faisaient tanguer l'attelage. Avant qu'ils ne deviennent incontrôlables, Amar descendit à leurs côtés, rabattit leurs oeillères de sorte qu'ils ne voient pas l'approche des géants au pelage bleu. Puis il murmura à son ami Le Fugueur pour qu'il reste courageux. Il ne pouvait pas lui cacher ce qui était en train de se passer mais s'il restait calme, les deux autres imiteraient son attitude. Le vieil animal sembla le comprendre.

Amar avança de quelques pas, ignorant l'horizon de peur de sous-estimer l'ampleur de la confrontation. Il planta un genou en terre, duquel lui étaient transmises les vibrations intenses du sol branlant.

Il entendit des voix comme des cris de guerre. Les puissantes pattes des Norsos cognaient le sol comme autant de châtiments ; l'un d'eux arrivait expressément pour lui.

Amar ferma les yeux pour s'épargner la contemplation de ses bourreaux et de sa posture soumise. Il aurait au moins voulu justifier de la bienveillance de son voyage ; son intérêt pour la tribu était purement pacifique.

Son esprit vacilla pareil à la terre. Le chaos issu des grognements le désorienta, sembla accompagner son corps tel un orchestre mortuaire. Où le menaient-ils, et dans quelle condition allait-il purger sa sentence ?

Amar arrêta de trembler quand le sable déchaîné retomba et que les incantations agressives près de ses oreilles cessèrent leurs tourments. Il fut soulagé que la mémoire du corps disparaissait une fois de l'autre côté, tel qu'il l'avait toujours pensé ; ainsi remerciait-il le ciel de n'avoir rien gardé de son supplice.

Amar sentait le souffle de dieu l'inciter à ouvrir les yeux afin de lui présenter sa demeure et son jardin. Il se retint longtemps, comme une ombre s'immisça. Il se rendit compte avoir idéalisé ce qu'il s'apprêtait à voir ; même si ce n'était qu'une construction de son esprit d'à peine quelques secondes, il avait fait grande place pour un risque de déception.

Lorsqu'il sentit le relent si particulier qui émanait de la bouche des enfers, il se mit à pester contre son jugement. Qui était-il pour se revendiquer digne d'un quelconque paradis ? Que sont les vertus de sa vie au regard des fondements inconnus du jugement divin ?

Amar repoussait pourtant l'idée d'avoir été traîné ou condamné à l'intérieur de ce puits sans fond.

Cependant l'odeur nauséabonde persistait autour de lui. Il tressaillit au son du clairon, et au cri de celui qui annonce le nom des démons. Était-ce le sien ?

Comme Amar n'était pas homme de ténèbres et qu'il refusait la tournure que prenait son propre jugement, il ouvrit les yeux, quitte à se retrouver dans un noir absolu avec ses ongles comme seul appui à l'ascension des tréfonds. Il laissa la lumière inonder son être, refléter la réalité.

Il était vivant. Toujours le genou planté dans le sable.

En relevant la tête, il trouva de nouvelles beautés au sujet des montagnes de marbre noir. Il serra une poignée de sable chaud, terriblement heureux de sentir battre son coeur.

Les monstres au pelage bleu avaient passé leur chemin.

Comme dans un rêve marquant, le délire de son esprit continuait de jouer avec ses sens ; l'exhalaison démoniaque subsistait.

Un souffle chaud sur sa nuque le fit se retourner. Le museau de son ami Le Fugueur se colla contre son front, et lorsqu'il tenta de lécher son nez, Amar le retint en rigolant.

Un nouveau nom déchira longuement le ciel envahi d'une horde de démons.

Hagard, le souffle coupé, Amar observa les Norsos se battre avec acharnement contre ces abominations. La vie ne devrait pas permettre cela, pensa-t-il aussitôt.

Comment était-ce possible ? se disait-il en parvenant à retrouver un peu de lucidité. La dernière remontée infernale datait seulement d'un an !

Il n'était pas préparé. Personne ne devait l'être. Si ses sens aguerris sur le phénomène lui avaient fait défaut, il était fort probable que la surprise ait fauché les soldats de la Cité, les villageois. Ses parents...

Amar se hissa sur Le fugueur, le força à aller plus vite que dans sa jeunesse pendant des heures ou qui sait, des jours, passant par des chemins de traverse pour contourner les affrontements.

Galoper dans le tourbillon de l'apocalypse rendait folle la réalité.

Du haut des grandes dunes de l'est, Amar distinguait le feu ravager la forêt et les géantes créatures de malheur fouler la propriété de ses parents.

            
            

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