Les Mags de Jelen
img img Les Mags de Jelen img Capítulo 2 Amar
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Capítulo 6 Lisy img
Capítulo 7 Ce que le pilier renferme img
Capítulo 8 L'annonce fatidique img
Capítulo 9 La répartition img
Capítulo 10 L'ombre veut l'Asalrri img
Capítulo 11 Descente aux enfers img
Capítulo 12 Régression zone trois img
Capítulo 13 Voeux des purs img
Capítulo 14 Fin de convalescence img
Capítulo 15 Régression zone deux img
Capítulo 16 La réfugiée img
Capítulo 17 La requête img
Capítulo 18 Hugh img
Capítulo 19 Régression zone une img
Capítulo 20 La voix résonnante img
Capítulo 21 Régression hors zone img
Capítulo 22 La rage Norso img
Capítulo 23 Retrouvailles img
Capítulo 24 Le Vrai Monde img
Capítulo 25 Les murmures de Lisy img
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Capítulo 2 Amar

Malgré l'appât du gain, le père d'Amar, fier paysan, n'avait jamais vendu une seule racine d'herbes d'or à la Cité de la pointe sud. Il ne voulait pas que son champ ressemble aux tristes parcelles voisines. Il préférait encore faucher quelques épis et les tisser pour faire un présent à sa femme. Grâce à son savoir-faire, celle qui lui avait donné un fils pouvait se vêtir, à l'occasion, aussi élégamment qu'une dignitaire de la cour royale.

La famille vivait à proximité du premier pilier, éteint et abandonné comme les quatre autres. Personne n'était installé plus loin qu'eux, car la terre y était souillée, de sorte qu'aucune culture n'était possible. Leurs voisins d'exploitation se réunissaient dans un petit village non loin, racontaient des choses plus ou moins vraies sur cette famille. S'ils ne vendent pas leurs herbes d'or, de quoi diable vivent-ils ? D'honneur, avait un jour répondu le père d'Amar.

Au lieu d'un conte, le soir avant le coucher, il racontait souvent à son fils comment ses propres parents s'étaient battus pour rester à la Cité afin de lui offrir cadre de vie, confort et sécurité. Cependant, par souci de régulation de la population, les grands parents d'Amar avaient été contraints de quitter la Cité ; ils avaient eu le malheur d'être d'excellents cultivateurs. Et à cause de leur forte tête, leur fut donné le terrain le plus éloigné de la Cité, le plus proche de l'enfer.

Leur champ fut le seul à rester aussi flamboyant, jamais dénaturé par une vilaine repousse ni contaminé par le passage des démons tous les cinq ans.

Amar avait grandi dans une condition modeste qui motiva ses parents à l'éduquer avec plus d'amour et de sévérité. Occultant l'un au profit de l'autre, il se rebella très tôt contre l'autorité et voulut sa liberté. Comme il était bien trop jeune pour cela, il lui était formellement défendu de s'éloigner de la propriété, totalement exclu de s'aventurer au nord vers la forêt qui abritait le puits de l'enfer ; c'est pourquoi cette région voisine fut la première qu'Amar connut par coeur.

L'année de ses sept ans, une grande fierté l'avait animé à la découverte de l'état nauséeux que lui avait provoqué l'odeur remontée du puits dans un râle silencieux. Il se souvenait avoir couru à petites et véloces enjambées pour prévenir, tout sourire, de l'évènement le plus catastrophique qui soit. Ses parents l'avaient sévèrement corrigé pour son inconscience et sa désobéissance, avant de prendre leurs bagages préparés à l'avance, et de se réfugier dans la grande Cité.

L'armée croisait les hommes et les femmes des différents villages. La Cité offrait la sécurité derrière ses murs infranchissables, acceptait la surpopulation le temps que la porte de l'enfer se referme. La peur, pleine de curiosité, faisait porter loin les regards. Mais personne ne voyait jamais le visage du danger mis à part les soldats, tenus de garder secrètes les images d'horreur susceptibles d'épouvanter la population. On savait que des soldats mourraient pour repousser l'ignoble, jamais le nombre.

La deuxième fois, Amar avait douze ans. L'homme ordinaire connaissait l'année ; lui, ressentait le jour imminent. Il lui était devenu facile de déjouer la surveillance de ses parents et de guetter, l'oreille collée contre la roche du puits, les cognements remontant des tréfonds.

Des murmures indescriptibles l'avaient fait tressaillir au point de prendre immédiatement ses jambes à son cou. Sa course avait été plus rapide, ses enjambées plus longues. Le sourire n'était plus aussi franc ; l'aurore adolescente faisait tomber sur lui une conscience dont il ne pouvait plus ignorer les mises en garde. Son père le gifla plus fort que dans son souvenir. Prépara l'attelage, réunit les bagages pendant que sa mère aspergeait - au moyen d'un seau - les herbes d'or d'un liquide étincelant.

La deuxième fois qu'il visita la Cité par la force des choses, Amar s'en était épris. La grandeur de ses tours, l'éclat de ses rues pavées, la clarté de son palais royal. Tout était propre, tout était libre.

Un sentiment qui n'avait cessé de croître chaque jour.

Ses complaintes devenues obsessionnelles, ses parents avaient préparé un sac de voyage avec du linge, de la nourriture et de l'eau. Et avaient mis leur fils à la porte en scandant : "tu veux ta liberté, prends-la, et reviens quand tu auras ton compte !".

A son retour au foyer, Amar avait répondu aux questions de ses parents autour de la table à manger.

Dans ton voyage, as-tu rencontré quelqu'un qui t'a aimé plus que nous ? Quelqu'un qui t'a offert plus d'espace et nourrit plus généreusement ? Quelqu'un que tu regrettes davantage que tu nous a regretté ?

La réponse était toujours négative.

Dès lors, Amar mit toute son énergie au travail agricole et d'élevage sans plus souffrir de son sort. Son père reconnut que pour son équilibre, il fallait lui permettre de s'aventurer où son coeur souhaitait le mener. Il ne pouvait rester indéfiniment ce petit garçon cloîtré dans la propriété familiale.

Amar avait décidé de partir en expédition vers le nord, là où aucun chemin n'avait été creusé par l'homme. Il choisit de le faire un hiver. S'était préparé longtemps à l'avance ; il ne voulait rien omettre. Il avait pris toutes les réserves de couvertures, de vêtements chauds, de conserves. Un monticule impressionnant s'était formé sur l'attelage. Il avait fallu au moins quatre chevaux des plus vigoureux pour ce voyage d'envergure. Ses parents avaient consenti à les lui céder, non sans grimacer.

Amar pensait tenir ainsi une demi année, ce qui lui laisserait largement le temps d'explorer les contrées abandonnées, voire même de se rapprocher de la pointe nord.

En le voyant se faire lentement aspirer par l'horizon, ses parents - bras dessus dessous - s'étaient inquiétés du risque. L'avaient mesuré plus grand au fil des jours sans sa présence.

Un quart d'année s'était écoulé.

La silhouette imaginaire au lointain que s'inventaient le père et la mère se remplit un jour d'une matière qui l'épousât parfaitement. Il était revenu !

Amar raconta son voyage dans la cuisine familiale autour d'un plat chaud et fixant le feu de cheminée. Il avait gagné davantage en expérience qu'en satisfaction.

Il pensait que la graisse des chevaux leur permettrait de résister au froid ; les animaux avaient grelotté davantage que lui. Alors, de nuit comme de jour, il avait laissé les couvertures fixées sur leur dos et leurs pattes.

Il pensait aussi qu'ils seraient endurants ; ils l'étaient au prix d'une ration de nourriture conséquente.

Amar avait fait demi-tour lorsqu'il restait juste assez de vivres pour que les chevaux aient la force de le ramener à la maison.

Qu'as-tu vu ? avait demandé ses parents.

De la quiétude et de la désolation, voilà comment il résumait le désert sans fin. Rien d'autre.

Il mentait.

Amar avait croisé la route d'un autochtone alors qu'il était allongé transit de froid et que la neige avait commencé à lui happer le visage. Ce dernier, un grand monstre au pelage bleu, l'avait soulevé haut. En reprenant conscience, Amar avait pu le voir en train de le déposer sur son attelage et effrayer les chevaux pour qu'ils repartent vers le sud.

La prochaine fois, Amar partirait l'été. Il prendrait moins d'affaires et moins de chevaux. Ainsi, il parcourrait les terres plus rapidement.

Il espérait aussi retrouver le monstre bleu, intrigué par son attitude bienveillante. Et il savait que ses parents lui interdiraient un nouveau voyage s'il avait évoqué ce détail dans son récit.

            
            

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