Arrivées à destination, l'ambiance reste froide. Ellery descend de l'avion sans un mot, me laissant avec le pilote pour les dernières formalités. Je ne peux m'empêcher de me demander comment une simple altercation dans un taxi a pu déboucher sur une telle situation.
Une fois au sol, Ellery me fixe, ses yeux perçants semblant lire mes pensées.
- Aislinn, vous avez deux ans pour vous acquitter de vos obligations contractuelles. Ne vous avisez pas de les enfreindre.
Sans un mot de plus, elle s'éloigne, laissant planer une atmosphère étrange. Le pilote me délivre un regard compréhensif, mais il est clair que je suis maintenant dans un monde où Ellery a le contrôle.
- Tu monteras avec moi. Nul besoin de prendre deux voitures différentes.
Je la suis jusqu'à son véhicule qui attendait là, elle fait le tour et discute avec le chauffeur qui lui tend les clés. Elle décondamne les portières, je traîne ma valise avec moi, pendant que les siennes sont descendues par deux membres de son personnel.
- Qu'est-ce que je ne ferai pas pour éviter mon géniteur, je marmonne en fixant la portière.
- Ta valise va avec la voiture qui contient les miennes, elle m'informe alors que j'étais prête à ouvrir son coffre.
Je souffle agacée avant de me diriger vers l'autre voiture et d'y introduire la valise dans le coffre déjà ouvert. Je marche jusqu'à elle qui avait déjà démarré et s'en était déjà allée. Elle le faisait exprès ?
- Tu vas avec la voiture destinée aux valises, le chauffeur m'informe.
Je lance un regard noir à Ellery qui s'en allait. Elle cherchait à me ridiculiser, j'en étais sure. Elle voulait à tout prix me mettre dans une situation inconfortable. J'ouvre le siège copilote et je m'installe avec le chauffeur.
- Tu te tapes la patronne ? Il me demande directement.
Je ne réponds pas, scandalisée par son manque de tact et la position inconfortable dans laquelle il me mettait.
- Tu peux me répondre, entre employés on peut bien tout se dire. En plus t'es canon alors j...
- La première chose que je ferai lorsque je me retrouverai dans ses bras ce soir, c'est de demander ton renvoie.
A en juger son expression, il avait l'air d'y croire puisqu'il était paniqué.
- Écoute, pas besoin d'en arriver là. Je veux dire mademoiselle j'ignorais que vous étiez la copine de la patronne, j'essayais simplement d...
- Taisez-vous par pitié !
- Oui, mais s'il vous plaît ne dites rien de tout ça à mademoiselle Thornfield. Je suis bien payé et ce travail compte vraiment pour moi.
- Fallait y penser avant d'être aussi vulgaire avec une femme que tu ne connais pas.
(...)
Résidence
Alors que le chauffeur se gare dans le garage, je n'avais pas pu m'empêcher de voir à quel point cette résidence était splendide. Je descends avant d'aller récupérer ma valise dans le coffre.
- Il n'y a pas de personnel ici ? Je demande au chauffeur.
- Non, la résidence n'a qu'une femme de ménage. Elle passe régulièrement pour faire le ménage, mais rien de plus.
- Je vois, je tire ma valise en me dirigeant vers l'entrée de la résidence, laissant le chauffeur avec son embarras. En franchissant le seuil, j'aperçois Ellery dans le hall, discutant au téléphone. Elle raccroche dès qu'elle me voit.
- Serah, je vous ferai visiter plus tard. Pour l'instant, déposez vos affaires dans l'une des chambres.
Elle était étrange, elle m'avait planté alors que c'était elle qui avait insisté pour que nous partagions le même véhicule. Sans un mot, je m'acquitte de la tâche. La chambre est luxueuse, mais je ne peux m'empêcher de me demander si j'aurais préféré rester dans le monde bien ordonné des hôtels.
- Qu'est-ce que je fous ici.
Plus tard, dans le salon somptueux, Ellery m'attend, un verre de vin à la main. Elle m'invite à m'asseoir en face d'elle.
- Aislinn, nous devons établir des règles claires. Notre vie privée ne doit pas interférer avec le travail. Compris ?
- Compris, mais vous ne pouvez pas m'imposer votre volonté dans tous les aspects de ma vie.
Elle me regarde fixement, les yeux déterminés.
- C'est une condition du contrat. Deux ans, Aislinn. Nous devons faire en sorte que cela fonctionne, que cela vous plaise ou non.
- Rassurez-moi que vous ne m'avez pas fait venir pour être votre bonne à tout faire, je fronce les sourcils.
- Maintenant que tu le dis, si j'avais su que c'était toi, je l'aurais inclus dans ton contrat.
Elle remplit son verre devant mon regard remplit de haine.
- Pourquoi m'avoir embauchée, Ellery ? Vous auriez pu vous venger autrement.
Elle prend une gorgée de vin avant de répondre.
- Je n'ai pas essayé de me venger, j'avais déjà oublié votre existence. J'ai une tonne de paperasse et vous me croyez immature au point d'élaborer un plan pour vous piéger ?
Dis comme ça, c'était évident que non.
- Et bien oui, tout à fait. J'ai feuilleté le profil des différentes personnes proposées et je vous ai vu. Je me suis dit, pourquoi ne pas donner une petite leçon à cette femme.
Je le savais.
- De plus, j'avais besoin de quelqu'un de confiance, et votre passé compliqué semblait vous rendre moins enclin à trahir des secrets.
Je fronce les sourcils.
- Vous avez fait des recherches sur moi.
Elle esquisse un sourire énigmatique.
- Mon métier exige que je sois bien renseignée. J'ai mes raisons de rester sur mes gardes, Destiny.
La conversation prend une tournure plus personnelle que prévue, mais je ne peux m'empêcher de creuser davantage.
- Et pourquoi ne pas avoir choisi un homme pour ce rôle ? Pourquoi une femme ?
Ellery s'arrête un moment, évaluant mes mots.
- C'est évident, si je voyage tout le temps, comment vais-je satisfaire mes désirs avec un homme, si je préfère les femmes ?
Ma bouche s'ouvre, manquant de décrocher ma mâchoire. Je reste silencieuse, absorbant ses paroles.
- Qu'est-ce qui ne tourne pas rond chez vous ? Vous allez aussi me dire que dans ce contrat, je dois assouvir vos désirs sexuels ? Je me relève brusquement.
- Pour en revenir au contrat, vous n'êtes pas entièrement à ma disposition. Hormis les fois où nous seront obligées de voyager ensemble, le reste du temps vous pourrez travailler normalement, comme vous aviez l'habitude de le faire. Ce ne sera pas toujours que je vous solliciterai pour m'accompagner dans mes déplacements.
Je récupère le contrat que j'avais signé qu'elle me tend, j'en profite pour lire les conditions que j'ignorais jusque-là.
- De toutes les façons, je l'ai déjà signé alors il est trop tard pour revenir sur certaines conditions, je lui rend le contrat.
- Gardez-le, c'est une copie. Dès demain vous logerez ailleurs, il se fait tard alors j'ai préféré vous laisser loger ici. Sur ce, j'ai terminé, je vais devoir y aller, je suis en retard.
Elle rejoint l'étage, me laissant toute seule dans cette immense salle à manger. Je récupère la bouteille de vin qu'elle n'avait pas terminé et je pars me chercher un verre. Il fallait bien que je boive un peu pour essayer de me détendre, même si je n'aimais pas le vin.
De plus l'alcool creusait le ventre, alors j'allais devoir me préparer un repas, puisqu'il n'y avait pas de personnel. J'ouvre le frigo et remarque qu'il est rempli. Satané riche, personne ne loge ici et pourtant ce frigo est plus rempli que le mien.
Je me sers un verre de vin, que je bois avant de sortir les ingrédients pour me cuisiner un repas. Pendant que je m'affaire dans la cuisine, les pensées tourbillonnent dans ma tête.
Alors que je déguste mon repas improvisé, des pas se font entendre. Ellery apparaît, vêtue d'un élégant costume noir, son expression sérieuse.
- Aislinn, nous devons partir pour une réception. Habillez-vous convenablement. C'est une opportunité importante.
Je la regarde, un mélange d'agacement et de résignation dans le regard.
- Vous auriez pu me prévenir plus tôt. Je ne suis pas dans l'obligation de vous obéir au doigt et à l'œil. Vous n'avez rien dit lorsque vous êtes mon...
Ellery réprime un sourire, déterminée.
- Rappelez-vous du contrat, Aislinn. Vous avez peu de temps pour vous acclimater à cette vie. Soyez prête dans quinze minutes.
Sans attendre de réponse, elle s'éloigne, me laissant seule à nouveau. J'abandonne mon repas à contrecœur, je ne connaissais même pas le thème ou la nature de l'événement.
Je m'habille rapidement, optant pour une tenue élégante qui, je l'espère, correspondra à l'événement. Heureusement que j'avais laissé mes cheveux ondulés et que je ne les avais pas mélangé. Ellery m'attend dans le hall, impassible.
- Parfait, Aislinn. Suivez-moi et assurez-vous de rester discrète.
- J'agirai selon mon propre désir, je lui fais savoir.
Elle décondamne la voiture et j'ai comme une impression de déjà vu. Je m'imaginais qu'elle le referait, qu'elle me laisserait ici comme sur le tarmac et qu'elle s'en irait.
- Qu'est-ce que vous attendez pour monter ? Elle demande en baissant la vitre.
- Vous m'ouvrez.
Elle rigole, croyant sûrement qu'il s'agissait d'une plaisanterie, mais c'était seulement pour lui faire payer cette foutaise qu'elle avait eu en me laissant monter avec son chauffeur, sans m'avertir.
- Cessez donc vos plaisanteries et montez.
- Je ne plaisante pas. Descendez et venez m'ouvrir, ou allez toute seule à cet événement. Si vous me demandez de vous accompagner, c'est bien parce que vous êtes coincée et n'avez d'autres choix, ou d'autres cavalières.
Son regard s'assombrit, c'est bien la première fois que je la voyais dans un tel état. Elle finit par céder, elle ouvre sa portière énervée et vient m'ouvrir la mienne à contrecœur, car oui, on faisait tout à contrecœur ici. Je monte alors qu'elle laisse la portière ouverte et revient s'asseoir. Je la regarde consternée par son comportement.
- Vous m'avez demandé de vous ouvrir, c'est ce que j'ai fait. Vous n'avez pas précisé que je devais refermer.
- Et bien maintenant que vous le savez, qu'est-ce que vous attendez pour redescendre et venir me fermer la portière ?
- Je vous ai peut-être laissé m'avoir une fois, mais ça ne se reproduira plus. Attachez votre ceinture si vous ne voulez pas accidentellement finir sur la route.
Elle démarre, sans se préoccuper de la portière ouverte. Cette femme est folle, elle est ravagée et devrait vraiment bénéficier d'une aide psychologique.
Le trajet se poursuit dans un silence tendu, accentué par le bruit du vent qui s'engouffre à travers la portière ouverte. Ellery reste concentrée sur la route, ignorant délibérément le désagrément qu'elle m'inflige.
- De toutes les façons j'ai une ceinture de sécurité. Mais il me semble que ça vous reviendrait cher de remplacer cette portière.
Elle me jette un regard agacé, mais sans un mot, elle se gare, défait sa ceinture de sécurité et descends. Elle revient vers mon côté et referme brusquement la portière.
Alors, Ellery, vous voyez bien que je peux avoir le dernier mot quand je le souhaite.
(...)
Finalement, nous arrivons à destination. Ellery se gare avec une assurance déconcertante. Avant même que j'aie le temps de réagir, elle descend de la voiture, me laissant là, perplexe.
- Vous avez oublié quelque chose ? Lui lancé-je sarcastiquement.
Elle n'affiche aucune expression et fait le tour pour m'ouvrir. Une fois la portière ouverte, elle me laisse et part devant. Je descends à mon tour avant de soigneusement refermer la portière de ce véhicule et de la suivre.
La réception est luxueuse, l'atmosphère feutrée. Ellery me présente comme sa collaboratrice, mêlant des paroles élégantes à la conversation. J'essaie tant bien que mal de masquer mon inconfort, naviguant entre les conversations mondaines.
Ellery s'approche et murmure à mon oreille : - Restez à mes côtés, mais ne parlez que si on vous adresse la parole. Soyez discrète.
Je souris faussement en acquiesçant.
Un élégant homme d'affaires abandonne les personnes qui l'accompagnent et nous rejoint. Il arbore un sourire charmant en s'adressant à Ellery et à moi-même.
- Ellery, toujours un plaisir de croiser votre chemin. Vous avez cette capacité à illuminer les événements les plus exclusifs.
Sa voix posée trahit une assurance acquise au fil des années dans les cercles influents.
Ellery répondit avec une élégance calculée, reconnaissant le compliment sans pour autant s'y attarder. Ma présence attire l'attention de Robert. Un sourire poli éclaircit son visage lorsqu'Ellery me présente comme sa nouvelle collaboratrice.
- Enchanté, Aislinn. Ellery ne cesse de me surprendre. Vous semblez être une addition intrigante à son cercle professionnel.
Je souris, flattée qu'il pense ça de moi.
- Le plaisir est partagé, Robert. Je suis ravie de rejoindre l'équipe d'Ellery.
Robert esquisse un sourire condescendant, pensant peut-être qu'une femme de mon profil ne serait pas à la hauteur des sujets sérieux qui animent son univers professionnel.
- Vous savez, Aislinn, nous étions en train de discuter des récents développements dans le domaine de la finance internationale. C'est un sujet complexe, mais je suppose que cela ne fait pas partie de vos préoccupations habituelles.
- Aislinn, vous savez, vous n'êtes pas obligée de répondre. Robert a pour défaut, de toujours vouloir passer pour le plus intelligent, Ellery répond.
Elle essayait sans doute de m'aider et s'imaginait que je n'avais le QI nécessaire pour répondre à cette question. C'était vraiment rabaissant.
Gardant mon calme olympien, je réponds avec un sourire subtil.
- En réalité, Robert, la finance internationale est un sujet qui est fort intéressant. Les implications économiques des récentes fluctuations des marchés, notamment avec l'évolution des taux de change, sont fascinantes.
Les yeux de Robert s'écarquillent légèrement, surpris par ma réponse détaillée. Il décide alors de pousser plus loin, pensant peut-être avoir découvert une faille dans ma maîtrise apparente du sujet.
- Ah, vous vous intéressez à ces subtilités. Prenons par exemple la crise économique dans la zone euro. Quelle est votre analyse sur l'impact à long terme de cette situation ?
Sans montrer le moindre signe d'hésitation, je réponds de manière impeccable.
- La crise dans la zone euro est un phénomène complexe, influencé par divers facteurs. Pour aborder l'impact à long terme, il serait essentiel de considérer les mesures de réforme structurelle, les alliances politiques et économiques, ainsi que la coopération nécessaire entre les États membres.
Les regards de Robert et d'Ellery sont figés, stupéfaits par ma réponse articulée. Je poursuis, détaillant des concepts économiques avancés avec une assurance qui laissait ses interlocuteurs sans voix.
- Et bien Ellery, on voit que vous êtes vraiment en charmante compagnie. En plus d'être belle, elle en a dans la tête.
- Robert, nous allons devoir nous retirer. Il semblerait qu'Ellery voudrait échanger avec monsieur Dawn.
Je m'excuse auprès de Robert et je suis Ellery. Même moi, j'ignorais qu'il existait quelqu'un qui s'appelait Dawn et encore plus que je voulais échanger avec lui.
- Serah, rappelez-moi de vous ajoutez une prime sur votre salaire après cet exploit, me chuchote Ellery.
Elle récupère deux coupes de champagne et me tend l'une d'elles.