Non pas qu'il soit difficile à retenir, mais si ce n'est pas une personne qui m'intéresse, je ne retiens pas vraiment les prénoms. Puis, assise sur la banquette arrière, à quelques centimètres de cet idiot, je n'ai pas envie de commencer à regarder tout ce qui se passe autour de moi, ni de jouer les touristes. Moi, ce dont j'ai envie là, c'est d'un bon bain chaud, et de pouvoir boire un verre d'alcool bien corsé pour me réchauffer. Et surtout effacer le fait que cela fait plus de neuf heures que je n'ai pas bu une goutte, et mon corps semble être sur le point de s'effondrer. Non, je déconne... Mais j'aimerais digérer le fait que je vais devoir me coltiner l'autre idiot durant les quinze jours à venir, il ne manquerait plus qu'il soit garçon d'honneur et que je doive me taper une danse avec lui durant le mariage. Pour le coup, je préfère me casser une jambe.
Aussitôt dit, aussitôt fait, puisque en sortant de la Jeep, je manque de m'étaler comme une grosse merde dans la neige fraiche qui se trouve devant moi.
- Je serais toi, j'irai acheter de vraies bottes, me fait cet idiot amusé alors que je me tiens à la veste de son copain qui m'a empêché de tomber.
- C'est vrai que tu t'y connais en chaussures ! rétorqué-je en voyant les grosses bottines qu'il a au pied.
-Esquimau va, grommelé-je.
- Il a raison, me fait Noëlla en m'attrapant le bras, nous irons en acheter après que vous vous soyez installés.
- Tu es certain qu'ils sont frères ? lui demandé-je alors que son fiancé semble tellement souriant en prenant les valises.
- Tu apprendras à connaitre Duncan, et je suis certaine que tu l'apprécieras aussi, me dit-elle certaine d'elle en montant les marches du chalet.
- Moi, apprécier cet esquimau, souris-je narquoisement et Noëlla se met à rire.
Bien sûr que la situation l'amuse, et je suis certaine qu'elle a eu un malin plaisir en choisissant nos chambres, puisque ma chambre se trouve face à la sienne. On va oublier l'idée de dormir en string, il est capable de venir me prendre en photo. J'ai une mauvaise image des photographes à cause de mon père et des ses fresques dans sa jeunesse, dont je ne sais pas tout. Enfin, ce n'est pas parce qu'il a un appareil hors de prix, qu'il est photographe. Noëlla m'a expliqué que son fiancé venait d'une famille aisée, mais il va surtout falloir qu'elle me rappelle pourquoi elle se marie dans un bled pareil, alors que nous sommes tous américains.
- Je te laisse le temps de ranger tes affaires, me fait-elle alors que son fiancé l'appelle au rez-de-chaussée, et n'oublie pas d'appeler ton père pour lui dire que tu es bien arrivée.
- Je devrais peut-être lui proposer de nous rejoindre, lui fais-je sur un air narquois et elle se met à rire en sortant de la chambre.
Non qu'elle n'aime pas mon père, mais elle a eu le béguin pour lui dès qu'ils se sont rencontrés la première fois. Et il faut dire que mon père s'amuserait à mettre tout ce petit monde mal à l'aise... mais pour cela, je n'ai pas vraiment besoin de lui...
Duncan
- Je suis content qui tu aies su te libérer, me dit mon frère pour la dixième fois en une heure que nous sommes là.
- Je suis le seul qui soit positif quant à ce mariage, dois-je te rappeler ? en sortant mes appareils photos de mon sac.
Un pour chaque occasion, bien que le Nikon D810 soit celui que j'utilise principalement, puisque mon boulot est de prendre des vues touristiques pour un magazine de vacances. Mon frère n'est pas idiot, et il sait que je suis venu ici, un peu pour le boulot. Car il faut dire que dans notre famille, nous sommes tous éparpillés un peu partout, et surtout, nous ne nous parlons pas vraiment. D'ailleurs, ce mariage en Islande se fait en tout petit comité, d'après ce qu'il m'a dit, puisque les parents de Noëlla sont décédés il y a quelques années, et nos parents... ben, ce sont nos parents...
- En tout cas, merci à toi et Ayden d'être venu.
- J'aurais eu un peu de mal de faire les photos de l'église, en étant ton témoin, souris-je, et puis, nous sommes tous amis.
Damon acquiesce, et je sais qu'il est ému de la situation. Voilà la différence entre mon frère et moi, je suis simpliste, sans prise de tête et j'aime profiter de chaque instant. Lui quant à lui, est le genre de gars qui suit un trait depuis toujours, et qui ne connait pas vraiment le terme « s'amuser ». Donc, j'espère que pendant ces quinze jours, je vais pouvoir faire de lui un bout en train... Enfin, en évitant de m'approcher de cette nana, qui semble bien hautaine avec son regard de braise. Et pourtant, tout à l'heure dans le bus, j'ai eu un aperçu intéressant de son regard noisette, assez illuminé.
- Au fait, sois cool avec Lyly-Rose ! me lance-t-il.
- Qui ? demandé-je perdu ?
C'est là qu'il ouvre la porte, et que Noëlla et cette nana sortent de la chambre juste en face.
- Yepa ! lancé-je en lui souriant.
La nana m'ignore totalement, mais j'ai bien eu le temps de voir son regard narquois croisé le mien avant qu'elle ne se détourne.
J'ai l'impression que ses petites vacances avec mon frère et sa fiancée, vont être bien amusantes avec elle. En tout cas, mon frère passe déjà sa main dans ses cheveux, en levant les yeux au ciel. Et oui, on ne me changera pas ! J'aime affoler les filles, et surtout les petites pestes dans son genre...
- Bon, je te laisse t'installer, puis nous irons faire des courses pour la soirée.
- Rassure-moi, on peut boire ? lui demandé-je en sachant que ce n'est pas trop son truc.
- Avec modération ! me lance-t-il.
- Tu devrais savoir que mon deuxième prénom est modération ! lui lancé-je en tapant sur son épaule avant qu'il ne quitte la chambre.
Je passe ma langue sur mes lèvres, en me retournant et regardant la vue sur les montagnes que nous avons du chalet, et je souris. Je pense que je vais pouvoir faire des photos exceptionnelles ici, et peut-être enfin pouvoir avoir un vrai contrat avec l'agence de voyage. Car je n'en ai pas parlé à mon frère, mais je suis un commis comme on dit... et si je ne trouve pas un vrai contrat, je vais devoir rentrer chez nos parents en Floride... ce qui ne m'enchante vraiment pas du haut de mes vingt-trois ans... Mais bon, nous sommes là pour nous amuser, donc je vais éviter de me faire du mouron pour l'instant...
Lyly-Rose
Après avoir enfin pris une bonne douche bien chaude, je sors de ma chambre pour aller rejoindre Noëlla avec qui nous allons aller me chercher des bottes. Pas de ces merdes espagnoles qui glissent...
Arrivée en bas des escaliers tournants, je remarque qu'il n'y a personne dans le chalet et je me dirige vers la grande cuisine, afin de voir s'il n'y a pas un truc à boire. Et quand je dis cela, je parle bien d'un alcool fort qui me permettra de supporter les températures glaciales de ce pays. Et dire que papa me disait « Vas-y ma princesse, tu verras comme c'est magnifique ! Les geysers, les aurores boréales, les sources d'eau chaude, la vue sous la neige... bla bla bla » Tu parles, je suis déjà congelée, rien qu'en regardant par les grandes fenêtres du chalet, où on peut voir cette foutue neige qui tombe.
- Je pense que je peux oublier de lisser mes cheveux durant le séjour, grommelé-je en décapsulant une bière.
- Yepa, il n'est pas un peu tôt pour boire ?
Je lève les yeux au ciel... il n'est pas encore parti pêcher... et possible se noyer dans un lac celui-là ! J'avale ma gorgée de bière, le laissant passer devant moi pour aller à la machine à boisson chaude.
- Cela doit être le décalage horaire, répondé-je en me détournant de lui.
- C'est vrai que tu as un décalage de huit heures avec Seattle. D'ailleurs, cela se voit à tes cernes, me fait-il en touillant son chocolat chaud.
- D'où j'ai des cernes, crétin ! m'exclamé-je ahurie, et en plus je viens d'Espagne, crétin d'esquimau !
- Crétin d'esquimau, rit-il d'un franc sourire.
- Tu préfères que je t'appelle « Inuit » ? lui demandé-je en me penchant sur la table où il s'est assis.
Je plonge mon regard le plus narquois dans le sien, et il tient celui-ci avec un sourire amusé sur les lèvres.
- Yepa, je sens qu'on va bien s'amuser durant ces vacances, me fait-il en portant son chocolat à ses lèvres.
- Tu n'as pas idée, rétorqué-je en me redressant.
Mon regard flamboie du défit que ce crétin vient de me lancer... mon pauvre, j'ai été élevée par le plus grand condescendant de la terre, et des petits con comme toi, j'en mange tous les jours au petit déjeuner. Mon cher esquimau, tu n'es pas encore prêt à passer des vacances d'enfer en ma compagnie.
- Lyly-Rose, tu aurais dû me dire que tu étais déjà descendue, fait Noëlla en arrivant avec Damon dans la cuisine.
- Nous en profitions pour faire connaissance, lui répond cet idiot.
- Ayden est déjà dehors pour aller aux courses, fait Damon à son frère alors que j'affonne le reste de ma bière.
Celui-ci achève son chocolat chaud, et il met sa tasse dans le lave-vaisselle avant de me sourire. Je lui rends son sourire d'idiot, et je lève les yeux au ciel quand il se tourne vers son frère.
- Au fait belle-sœur, il y a une boutique de Damart dans la rue principale. Tu devrais y emmener ton amie, avant que le petit pois qui lui sert de cerveau, ne gèle.
- Dunkan ! s'exclame son frère alors que je cligne des paupières devant le regard amusé de cet abruti.
Noëlla me fait les grands yeux, me voyant serrer la bouteille entre mes doigts. Bien entendu qu'elle me connait pour ne pas supporter ce genre de petit con, mais je souris en regardant son fiancé.
- À propos, tu devrais acheter du poisson frais pour l'esquimau.
- Quel esquimau ? me demande-t-il perdu.
- Sérieux, fais un test pour voir s'il n'a pas été adopté ! lancé-je à Damon en souriant à Noëlla qui se retient de rire.
En effet, le ton est donné pour ses charmantes vacances...