- Oh, Felix, dis-je en déballant mon déjeuner. Parmi toutes les difficultés que tu aurais pu citer, tu choisis celle-ci : « L'astronomie a ses limites parce qu'il y a des nuages dans le ciel, de la pollution et que parfois il pleut » ?
Je pioche dans ma salade de pâtes en secouant la tête, avant d'ajouter :
- Je t'ai connu bien plus incisif, et surtout, avec de meilleurs arguments. Tu te relâches, mon
pauvre.
Felix s'esclaffe à son tour avant de croquer dans son sandwich à pleines dents. Amis depuis six ans, lui et moi avons un passe-temps favori : tenter de déstabiliser l'autre quant au choix de sa matière principale - l'astronomie pour moi, la biochimie pour lui. Nous savons pertinemment que nous sommes bien trop passionnés par ce que nous faisons pour en être détournés, mais nos joutes verbales nous plaisent.
À cet instant, un rire retentit au loin, et je n'ai pas besoin de lever la tête pour savoir de qui il provient. Je souris tandis que Viola, ma meilleure amie, débarque main dans la main avec son copain Zack. Chaque fois que je les regarde, je ne peux m'empêcher de me dire qu'ils font sensation tous les deux. Zack a les cheveux qui lui arrivent aux épaules, des jeans déchirés et des rangers dont il ne se sépare jamais. Quant à Viola, elle a fait des couettes hautes et des t-shirts à message sa marque de fabrique. Celui qu'elle porte aujourd'hui attire d'ailleurs particulièrement mon attention puisqu'il est orné de l'inscription « Avada Kedavra », une référence à Harry Potter - la grande passion de notre groupe d'amis, au même titre que les sciences et l'astronomie.
- ... mais si tu me pousses à bout, je serai obligée de te rappeler le théorème de Bell, lance ma
meilleure amie en pointant un doigt menaçant en direction de Zack.
Ce dernier passe un bras autour des épaules de Viola et l'attire contre lui en riant. La jeune
femme oublie bien vite sa contrariété et se laisse aller en souriant malicieusement.
Lorsque je suis arrivée au MIT en première année de licence, je ne connaissais personne. Je m'étais faite à l'idée que mes années universitaires seraient certainement solitaires, pour la simple et bonne raison que j'étais décidée à ne pas me laisser distraire par quoi que ce soit. Mais ça, c'était sans compter sur l'administration du campus, qui a eu la merveilleuse idée de me faire partager une chambre avec Viola Malone. Notre coup de foudre amical a été immédiat. Puis très vite, à force de partager des cours avec lui, Viola est tombée amoureuse de Zack. Felix, meilleur ami de ce dernier, est naturellement venu se greffer à notre groupe et c'est ainsi que, depuis plus de six ans, nous sommes l'équivalent des Quatre Fantastiques... sans les pouvoirs magiques et en bien plus nerds.
Viola prend place à mes côtés avant de rouler des épaules et de détendre sa nuque.
- Ce cours m'a tué ! s'exclame-t-elle en acceptant la bouteille d'eau que Zack lui tend. Les première année étaient tellement dissipés... Il y en a même deux qui ont passé toute l'heure à s'embrasser au fond de l'amphi.
- Qu'est-ce que tu leur enseignais aujourd'hui ? demande Felix.
- La physique quantique, répond-elle. C'est pourtant tellement passionnant...
Nous acquiesçons tous vivement.
- Ça a été de votre côté ? intervient Zack en ouvrant sa lunch box.
- On a bossé sur notre thèse, rien de bien nouveau, je déclare.
- Je m'étonne que tu n'aies pas déjà terminé la tienne, fait remarquer Viola.
- On est à trois mois de la soutenance orale, pourquoi est-ce que j'aurais déjà terminé ? je lui renvoie.
- Parce que ton cerveau est plus gros que Saturne, Dovie, c'est un fait, lâche ma meilleure amie.
- Impossible. Saturne a une superficie de 42,7 milliards de km', donc mon cerveau ne peut décemment pas être plus gros qu'elle.
Pour la peine, j'ai droit à un regard assassin de la part de Viola, ce qui me fait éclater de rire.
- Tu m'énerves quand tu joues à Sheldon Cooper, à tout prendre au pied de la lettre, gronde-t-elle en piochant dans ma salade.
- Je sais, je réplique, tout sourire. C'est pour ça que je le fais !
- 782 fois 334, me lance soudain Felix.
- 261 188, je réponds machinalement.
- Incroyable ! éructe mon ami. J'ai beau te connaître depuis des années, je n'arrive toujours pas à me faire à tes capacités. Mais je continuerai à essayer de te piéger, Dovie, je ne vais pas lâcher l'affaire.
- Tu peux effectivement perdre ton temps si ça te plaît, Felix, mais je suis imbattable en calcul mental et tu le sais parfaitement.
- Que veux-tu ? soupire-t-il. Je suis un scientifique, je ne peux pas m'empêcher de faire des
expériences.
- Ravie d'être ton cobaye, je ricane.
Entre piques amicales, discussions sur la science et débats pour savoir qui est le meilleur héros Marvel, nos déjeuners se déroulent presque toujours de la même façon, et ils passent à une vitesse folle !
Au bout d'une heure, Felix, Zack, Viola et moi traversons le campus en direction d'un amphi dans lequel j'anime un cours d'astronomie pour les deuxième année. Ce qu'il y a de bien lorsqu'on est en doctorat, c'est que notre emploi du temps organisé autour de la rédaction de notre thèse est très flexible. Mes amis et moi en profitons pour assister à certains cours en auditeurs libres, juste parce que nous ne nous lassons jamais d'apprendre. Et cerise sur le gâteau, nous avons saisi l'opportunité d'en donner certains. Dans la mesure du possible, nous essayons de nous rendre à ceux des autres, si bien qu'aujourd'hui mes amis seront tous présents dans l'amphi pour me soutenir.
Avant de le faire, je n'avais pas imaginé un instant qu'enseigner pourrait me plaire. Il faut dire que j'ai tellement d'envies et d'objectifs que je rêve d'atteindre... Leur point commun, c'est qu'ils tournent tous autour de l'astronomie, ma passion.
- Au fait, vous avez trouvé vos déguisements pour la soirée Harry Potter qu'organise Bobby ? je demande tandis que nous arpentons les couloirs.
- Rogue, pour ma part, annonce Felix.
- Vi et moi, on sera Bellatrix et Voldemort, renchérit Zack.
- Et moi je seral...
- Hermione ! terminent mes amis à ma place, ce qui nous fait rire.
Alors que nous nous apprêtons à pénétrer dans l'amphithéâtre, je vois monsieur Fernandez, mon directeur de thèse, en sortir.
- Installez-vous, j'arrive, dis-je au reste du groupe.
Puis je m'écrie :
- Professeur Fernandez !
Il pivote et je trottine dans sa direction tout en levant les bras en l'air pour qu'il puisse me repérer dans la foule des étudiants. Un sourire engageant naît sur son visage dès qu'il me voit. Tout juste entré dans la cinquantaine, le professeur Fernandez est l'un des plus appréciés du campus. Sa proximité avec ses élèves, sa patience et sa passion pour la transmission de son savoir rendent ses cours passionnants à suivre. Je ressens une profonde admiration pour lui : il m'a tant appris, tant aidée... Lui et moi avons une relation privilégiée que je chéris beaucoup.
- Comment vas-tu, Dovie ? me demande-t-il.
- Bien, merci. Je me demandais si vous pouviez m'accorder un peu de votre temps dans les jours qui viennent pour que nous puissions discuter de mes recherches. J'ai trouvé deux articles très intéressants qui, selon moi, méritent notre attention et pourraient peut-être me permettre de creuser mes questionnements de la dernière fois. J'aimerais que nous y jetions un œil ensemble.
- Encore en train de courir plusieurs lièvres à la fois, on dirait, déclare le professeur. Et si tu te
concentrais sur ta thèse ? La soutenance a lieu dans moins de trois mois maintenant...
- Je serai prête, soyez-en sûr : vous savez aussi bien que moi que je fais passer mes études avant tout, j'affirme. Mais je ne peux pas me résoudre à abandonner une piste de recherche qui me paraît prometteuse, même si elle dépasse le cadre de mon doctorat.
- Je comprends.
Fernandez sourit à nouveau avant d'ouvrir son porte-documents et d'en sortir son planning.
- Voyons voir... Demain, c'est impossible, je donne une conférence à New York et j'y resterai pour la journée. Disons dans deux jours ? Tu n'auras qu'à me retrouver à l'observatoire après mon dernier cours. Je t'accorderai une heure.
- Parfait, je m'exclame, ravie. Merci, professeur.
- Tout le plaisir est pour moi, répond-il, souriant. Je t'ai promis il y a déjà dix ans de t'emmener aussi haut que tes capacités te le permettent, et je continuerai à tenir ma parole. Tu vas faire de grandes choses, Dovie, je crois en toi.
Le rouge aux joues, je le salue d'un signe de tête avant d'entrer dans l'amphithéâtre, sur les
bancs duquel sont déjà installés Zack, Viola et Felix.
- Tu es encore allée fayoter ? me glisse ce dernier alors que je passe devant lui. Je savais bien que c'est grâce à ça que tes notes ont toujours été si bonnes...
- Persuade-toi de ce que tu veux pour te rassurer, mon pauvre Felix...
Nous rions, avant que je me dirige vers l'estrade et y dépose mon sac pour en sortir mes affaires.
- Bonjour a tous, j'annonce d'une voix forte.
Le brouhaha qui règne dans l'amphi se calme peu à peu et les regards se braquent dans ma direction. Comme chaque fois, une bouffée d'excitation me parcourt à l'idée d'apprendre à mes élèves quelque chose de nouveau - si je parviens à maintenir leur curiosité et leur attention éveillées, bien
sür.
- Lors du dernier cours, je commence, nous avons étudié le milieu interstellaire. Quelqu'un peut-il
me rappeler ce que c'est, en quelques mots ? Jordan ?
Un jeune homme assis au premier rang prend la parole :
- Le milieu interstellaire, c'est la matière qui remplit l'espace entre les étoiles. Il est composé en grande majorité d'hydrogène ainsi que d'hélium.
- C'est exact. Qu'est-ce que tu peux me dire concernant le calcul de sa température ?
- On le divise en plusieurs phases, déclare mon élève. Froid, de l'ordre de quelques dizaines de
Kelvin, chaud, mesuré en milliers de Kelvin, et très chaud, mesuré en millions de Kelvin.
Je lui souris, satisfaite de sa réponse, puis je m'empare d'un feutre et me dirige vers le tableau
blanc.
- Je te dis que tu lui as tapé dans l'œil !
- N'importe quoi, Vi.
- Je t'assure ! Tu n'as pas remarqué qu'il cherche toujours à participer pendant tes cours ?
- Parce qu'il a des connaissances et qu'il s'intéresse à ce que je dis ! Tu te fais des films, Viola.
Ma meilleure amie lève les yeux au ciel. Persuadée que Jordan, l'étudiant que j'ai interrogé tout à l'heure, en pince pour moi, elle me pousse à tenter une approche. Sauf que je suis son enseignante deux fois par semaine, ce qui crée un léger conflit d'intérêts ; et surtout, il ne me plaît pas.
Je ne dirais pas que j'ai un genre d'homme précis: ce qui m'attire, moi, c'est un feeling, une connexion; l'immédiat, le waouh au premier regard. Cela m'entraîne parfois dans de longues périodes de célibat, comme c'est le cas depuis bientôt huit mois. Mais je m'en accommode. Je n'ai pas besoin d'un homme dans ma vie, et je refuse de me lancer dans une longue et harassante quête pour rencontrer la perle rare. Celui qu'il me faut finira bien par trouver le chemin qui le mènera jusqu'à moi...
à moins que ce ne soit moi qui croise sa route la première.
- Tu viens avec nous au bar ? me demande Zack alors que nous quittons l'université.
- Pas ce soir, je dois rentrer pour bosser sur ma thèse.
- Franchement, Dovie, tu devrais relâcher un peu la pression, lance Felix. Tu passes ton temps le nez dans tes bouquins ou à faire des recherches.
- Parce que ce n'est pas en me laissant distraire que j'atteindrai mes objectifs ! je réplique.
- Quand même, je pense que tu devrais t'accorder quelques pauses, insiste mon ami.
- Une autre fois, promis.
Viola me jette un discret coup d'œil mais garde le silence, ce que j'apprécie.
- Au fait, tu te plais dans ta baraque ? enchaîne Zack.
- Ça va, fais-je en haussant les épaules. C'est plus spacieux qu'une chambre sur le campus, mais c'est loin de vous...
- Je n'en reviens toujours pas que la doyenne t'ait demandé de libérer une place pour accueillir des étudiants du programme de découverte, râle Felix.
- Je me suis portée volontaire, rien ne m'a été imposé, je déclare. Et puis, une maison pour moi toute seule, même si vous manquez, ça ne pouvait pas se refuser.
- Mais...
- Bon, c'est quoi cet interrogatoire ? intervient Viola. Laissez Dovie tranquille. Et puis tiens, partez devant. Nous avons quelques petites confidences à nous faire, elle et moi.
Je salue les garçons, qui s'éloignent d'un pas traînant. Puis je me tourne vers ma meilleure amie et lui adresse un sourire reconnaissant.
- Merci de couvrir mes arrières, lui dis-je.
- Toujours, me répond-elle. Comment tu te sens ? Est-ce que tu as reçu une nouvelle lettre de menace ?
- Pas depuis la dernière, il y a trois semaines. Je me sens mal de t'obliger à mentir à Zack et à
Felix...
- Hé, tu ne m'obliges à rien du tout, d'accord ? me rassure Vi en prenant ma main. Tu es victime d'intimidations de la part d'un malade qui est jaloux de ta réussite, et pour assurer ta sécurité, tu as dû être éloignée de l'université. Jamais je ne prendrai le risque de te mettre en danger en dévoilant une information que j'ai promis de garder secrète. J'aime Zack de tout mon cœur, mais tu es ma meilleure amie, Dovie. Je veille sur toi.
J'attire Viola dans mes bras et la serre un instant contre moi. Je n'aurais jamais imaginé un jour me retrouver dans une telle situation, mais il faut croire qu'il y a un début à tout. On ne s'attend jamais à recevoir des lettres de menace glissées sous sa porte, et pourtant, c'est ce qui m'est arrivé un beau matin. Je me souviendrai toujours de la surprise et de l'effroi que j'ai ressentis en lisant ces mots pour la première fois :
CESSE TES RECHERCHES OU TU LE PAIERAS.
Si j'ai fait le choix d'ignorer ces messages au départ, il m'est rapidement devenu impossible de fermer les yeux à mesure qu'ils se sont multipliés. J'ai fini par me résoudre à en parler à la doyenne, qui a averti mes parents. Ils en sont tous les trois venus à la même conclusion : quelqu'un en veut à mon travail, quelqu'un qui est certainement à l'université, avec moi... Je n'étais donc plus en sécurité sur le campus.
La mort dans l'âme, j'ai dû accepter de m'éloigner un peu du MIT.
Bien sûr, il m'était impensable de ne pas mettre Viola dans la confidence. D'abord parce que nous étions colocataires et qu'elle m'a vue recevoir les lettres anonymes ; ensuite parce que, profondément ébranlée, j'avais besoin d'un soutien, d'une confidente.
- Bon, je dois y aller, fait-elle en brisant notre étreinte. Tu m'appelles si tu as le moindre problème, c'est compris ? Et je veux que tu m'envoies un message pour me prévenir dès que tu seras en sécurité chez toi.
- Compris, chef !
Viola dépose un baiser sur ma joue puis rejoint les garçons qui l'attendent plus loin. Je les
regarde s'éloigner et, dès qu'ils disparaissent à l'angle du bâtiment, je prends la direction opposée.
D'aussi loin que je me souvienne, intégrer le MIT a toujours été un rêve pour la passionnée d'astronomie que je suis. Je me souviens parfaitement du jour où j'ai reçu ma lettre d'admission. J'étais consciente de la chance que j'avais d'intégrer l'une des meilleures universités du monde, si ce n'est la meilleure. Et puis, au-delà des connaissances que j'allais acquérir, l'idée de mener une vie d'étudiante me réjouissait et j'ai adoré chaque instant de ces six dernières années... Seulement, voilà que tout s'effondre. J'ai quitté les dortoirs du campus pour une maison en banlieue, j'ai quitté mes amis pour vivre seule. Tout ça à cause d'un détraqué qui a décidé de m'en vouloir parce que j'ai entamé des recherches pointues qui, si elles aboutissent, pourraient bousculer le monde de l'astrophysique.
Comme chaque jour depuis une semaine, je me dirige vers un taxi qui m'attend le long du trottoir.
Commandé par l'université, il a pour mission de me déposer chez moi en toute sécurité.
Je salue le chauffeur et m'installe à l'arrière. Les rues de Boston défilent sous mes yeux tandis que nous rejoignons le quartier résidentiel dans lequel se trouve la petite maison ancienne que j'occupe à présent. Elle est loin d'être bien entretenue, mais puisque c'est l'université qui prend le loyer en charge, je ne vais pas me plaindre. Et puis, il y a au moins un avantage: j'ai bien plus de place pour installer mes affaires que dans la chambre que Viola et moi partagions.
Le taxi se gare devant la clôture blanche de ma maison. Je quitte l'habitacle, remercie le
chauffeur et emprunte la petite allée en gravier qui me sépare du seuil.
Au moment où je grimpe les trois marches du perron, des jappements ainsi que le bruit de petites griffes qui râpent contre le bois de la porte me parviennent. Un sourire aux lèvres, je m'empresse de déverrouiller la serrure, et dès que j'entre chez moi, des aboiements m'accueillent.
- Bonjour, mon Voldi, dis-je en m'accroupissant et en prenant une voix d'une niaiserie sans nom.
Oh oui, tu es resté enfermé toute la journée alors tu as trouvé le temps long, je sais.
Une langue humide me lèche les joues, me faisant éclater de rire, puis mon petit bouledogue français s'élance à travers la salle à manger en direction de la porte-fenêtre, que je viens lui ouvrir pour qu'il puisse sortir.
À l'instant où il quitte l'habitation, le silence m'oppresse. En soupirant, je dépose ma veste ainsi que mon sac de cours par terre et je me laisse tomber dans le canapé. Je ne peux m'empêcher de penser à mes amis, qui sont certainement en train de s'installer à une table, prêts à se lancer dans de longs débats passionnés tout en enchaînant les verres de bière.
Abattue, je me dirige à l'étage pour rejoindre ma chambre. La maison a beau être petite, j'ai l'impression d'avoir bien trop d'espace pour moi toute seule. Alors je m'allonge sur mon lit et je fixe un instant le plafond, sur lequel j'ai dessiné le système solaire.
L'astronomie m'a toujours passionnée, et je ne me sens véritablement sereine que lorsque j'observe les planètes. Depuis ma naissance, j'ai la tête dans les étoiles et je suis fascinée par tout ce qui se passe dans le ciel et plus haut encore. Quand j'étais bébé, mes parents avaient installé au-dessus de mon berceau un mobile avec des dizaines d'astres qui tournaient lentement et scintillaient.
Les grands yeux émerveillés que j'ouvrais pour les contempler ne m'ont jamais quittée.
Si je n'aimais pas autant ce que je fais, si je ne croyais pas autant en mon projet, j'aurais déjà
abandonné, cédé aux pressions de mon corbeau.
Sauf que je refuse de plier. Ce n'est pas de cette façon que j'ai été élevée.
Je me redresse d'un bond lorsque la sonnette de l'entrée retentit... avant de me figer, méfiante.
Qui ça peut bien être ?
Immédiatement, je fais défiler dans ma tête la liste des personnes qui savent où je vis. Elle est très courte : mes parents, mais généralement, ils me préviennent avant de passer me voir ; Viola, évidemment, sauf que je viens de la quitter ; et enfin, la doyenne de l'université, qui n'a aucune raison de me rendre visite.
La sonnette retentit à nouveau. Cette fois, je quitte ma chambre et descends l'escalier en me
faisant la plus discrète possible, pour éviter de trahir ma présence à mon visiteur.
Lorsque je me hisse sur la pointe des pieds pour regarder à travers le judas de la porte d'entrée, j'aperçois de l'autre côté un livreur qui tient une pizza dans la main. Je suis décidée à ne pas lui ouvrir, mais un ding annonçant l'arrivée d'un message retentit depuis la poche de mon jean.
Bon appétit, mon petit génie.
L'émoji cœur qui accompagne le message de Viola me fait sourire... et, toute crainte dissipée,
j'ouvre la porte.
- Dovie Bennett ? demande le livreur.
- C'est moi.
Il me dépose le carton de pizza dans les mains et s'éclipse immédiatement sur son scooter. Je vais me poser dans le canapé tout en répondant à Vi pour la remercier.
L'odeur délicieuse qui s'échappe du carton lorsque je l'ouvre fait gronder mon estomac. J'allume alors la télé et lance aléatoirement l'un des huit Harry Potter, que j'ai déjà tous vus des dizaines de fois mais que je ne me lasse pas de regarder.
Malgré tout, je ne peux m'empêcher de me sentir seule loin de mes amis, en colère aussi de devoir être celle qui se cache et qui se prive de moments de bonheur alors que je n'ai rien à me reprocher.
L'injustice de cette situation m'est de plus en plus difficile à supporter.
Alors j'espère que la personne qui me menace sera bientôt découverte et arrêtée... parce que je
veux retrouver ma vie.