La sacrifiée
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Chapitre 4 03- B

La paroisse se trouvait à quelques pas du couvent, et malgré le noir qui s'attardait encore, elle put voir que cela n'avait pas diminué le nombre de fidèles qui venaient en rang, s'attardant à se saluer les uns les autres.

Assimba dirigea son fauteuil vers la rampe, et se retrouva dans l'église. Celle-ci était très grande, elle pouvait abriter plus de deux milles âmes, et les jours de fêtes, c'était le double. Elle aimait aussi cet endroit, pas seulement pour son calme, Prenant place au fond de la salle, elle se concentra sur la messe qui allait commencer d'un moment à un autre. Elle avait eu le temps de remarquer un groupe d'étrangers assis de l'autre côté de l'église. Presque toute l'assemblée n'avait d'yeux que pour eux. Après la messe, elle décida de ne pas s'éterniser, elle n'était pas vraiment d'humeur à supporter la pluie de félicitations et toutes les familiarités qui allaient suivre. Elle décida de faire un tour à la bibliothèque déjà ouverte. De loin, elle vit la soeur Faustine en compagnie des jeunes qu'elle avait aperçus plus tôt à la messe, ils faisaient sûrement le tour des environs. Quand elle ressortit de la bibliothèque un livre en main, elle retomba sur eux, et cette fois, ils venaient tous vers elle. Elle soupira en silence, et les regarda approcher, avec la désagréable impression d'avoir été piégée.

- Bonjour Assimba, salua la religieuse, quand ils furent près d'elle. Comment s'est passée la nuit ?

- Bonjour, en effet, fit-elle avec un sourire.

- Je t'ai vue à la messe ce matin, je vois que tu as toujours tes bonnes habitudes, là tu te revenais de la bibliothèque, je paris.

Que de répondre, elle tourna la tête vers les nouveaux, ils souriaient gentiment aussi, mais elle voyait bien la curiosité dans leurs regards. Il y avait une jeune métisse, des jumeaux bruns qui se ressemblaient à s'en troubler, et une chinoise. Ils avaient sûrement la vingtaine. L'un des jumeaux se dirigea vers elle.

- Ta roue est coincée, je vais t'aider.

Il inclina son fauteuil, remettant la roue bien droite, puis il se plaça derrière elle, comme s'ils se connaissaient depuis.

- Moi c'est Jack Cappelli, voilà mon jumeau John, elle c'est Lei Hu, et la jolie métisse, c'est Christelle Mengue-hanson, dit-il pour les présentations.

Il avait un charmant accent italien. A s'y méprendre Mengue était un nom des environs, nota Assimba, ce qui signifiait que...

- Tu te souviens des jeunes dont je te parlais hier soir ? Les voici. Et je crois que tu as noté l'un des noms de famille de Christelle. Sa mère est d'ici, elle a même fait tout son parcours scolaire ici, et c'était l'une de nos premières pensionnaires. Après l'obtention de son diplôme, elle avait voyagé pour les États-Unis. Tout comme toi, elle aimait beaucoup le jardin des moines et était désolée d'apprendre qu'il tombe en ruine. Je pense que c'est de là que vient l'idée du voyage, si je ne me trompe pas.

Christelle secoua affirmativement la tête.

- Ma mère a pu arranger avec la secrétaire, et un groupe a été désigné, c'est à dire nous et une bonne cinquantaine d'autres jeunes.

- Il manque un je crois, vous devriez être cinq non ?

- Oui ma sœur, Richard est venu plus tôt avec le premier groupe pour l'installation du camp. Et comme c'est le plus âgé de nous tous, il a été désigné comme chef.

C'était John qui venait de répondre.

Assimba fut son possible pour ne pas éclater de rire tellement l'accent de John était horrible. La sœur Faustine se tourna vers elle, les yeux malicieux.

- Il a un accent horrible n'est-ce pas?

Elle opina de la tête. La religieuse regarda sa montre.

- Je vais vous laisser faire plus ample connaissance, avant votre départ dans trois heures. Vous pouvez prendre votre petit déjeuner ensemble et vous en profiterez pour vous tenir au courant. Le petit déjeuner sera servi dans la salle à manger du parloir.

Elle s'éloigna le plus rapidement possible. Après le départ de sœur Faustine, un silence s'installa, c'était la première fois qu'Assimba était confrontée à ce genre de situation, elle ne savait pas quoi dire exactement. Ce fut Lei qui brisa le silence.

- Assimba ? C'est ton prénom ? En tout cas je le trouve très beau, et original, c'est ma première fois de l'entendre.

- Merci...

- Moi je suis chinoise, de Pékin, et j'ai vingt ans, les jumeaux eux ils sont italiens, ils ont vingt-trois ans, Christelle vient d'avoir vingt-un ans, et toi ?

- J'ai vingt ans, mais cet été, j'aurai mes vingt et un ans.

- J'espère qu'on va fêter ton anniversaire en colonie, fit Jack, cela fera du bien d'avoir une occasion de fêter, vu le travail qui nous attend.

- Je croyais que c'était une organisation, et non une colonie de vacances.

- Oh tu sais, cela fait plus de cinq ans que nous passons toutes nos vacances ensemble, à faire du bénévolat. C'est devenu pour nous une sorte de colonie de vacances, l'utile à l'agréable, c'est ce qu'on dit en français non ?

Le français de Christelle était impeccable remarqua Assimba, elle n'avait aucun accent.

- Je vois. Et c'est quoi au juste votre but ? Je veux dire, est-ce que vous vous êtes levés un beau matin, disant vouloir aider les plus nécessiteux ? Pour des jeunes comme vous, je trouve cela courageux.

- Durant l'année scolaire, nous organisons des tombolas, des soirées de charité, dans lesquelles nous organisons des petites collectes de fonds, et quand l'été arrive, nous rassemblons ce que nous avons collecté et après nous décidons d'une destination qui aura besoin de nous. Ce n'est certes pas grand-chose, mais cela aide parfois à acheter des matériaux nécessaires. Cette année, quand ma mère m'a parlé du jardin des moines et de tout ce site qui tombe en ruine, j'ai eu une envie incroyable de venir le visiter sans savoir pourquoi. Comme si j'étais attirée dans ces lieux.

Assimba regarda Christelle sans comprendre.

- Moi aussi, dit chacun des autres jeunes.

- Et qu'avez-vous vu depuis votre arrivée ? demanda-t-elle.

- Pas grand-chose, nous sommes arrivés en pleine nuit, n'avons pas eu la chance de voir le paysage, mais par contre à l'aéroport, il y avait de superbes filles.

La ressemblance entre Jack et son frère était vraiment frappante, remarqua une fois encore Assimba.

- Les amis, j'ai faim. Nous pouvons rester là à faire plus ample connaissance avec Assimba dans le froid du matin, ou alors nous continuons la discussion devant une bonne tasse de café. Donc qui a faim, nous suivre.

Sans attendre l'avis des autres, Jack se mit à pousser le fauteuil d'Assimba en direction du couvent, suivit du rire des autres. Lei leur emboîta rapidement le pas, et se mit à leur hauteur, et ne cessa de parler.

- Cet endroit paraît très sympathique, il paraît qu'on appelle cela internat, c'est ici que tu as grandi ? Christelle m'a dit que cela ressemble à un pensionnat, j'ai horreur des pensionnats de chez nous. Il paraît que c'est trop rigide. Tu te rends compte ? Passer toute une journée enfermée, toute une année, moi je ne le supporterais pas...

Christelle éclata de rire, ainsi que John.

- C'est notre Lei, la pipelette. Elle peut parler jusqu'à ce que la nuit tombe, nous sommes habitués.

Ils arrivèrent au réfectoire du parloir, et trouvèrent la table déjà dressée pour le petit déjeuner. Assimba se sentait très à l'aise avec eux, ils la mettaient étrangement en confiance, elle avait l'impression de les connaître.

- Et votre travail va vous prendre combien de temps ? demanda-t-elle.

- Tu veux dire notre travail? corrigea Christelle.

- Tu viens bien avec nous n'est-ce pas ? fit Lei avec une lueur d'espoir dans la voix.

La même qu'Assimba lisait dans les regards des autres.

- Je crois bien, sinon je vais me faire tirer les oreilles par la sœur Faustine, répondit-elle en souriant.

- Pour la durée, Richard nous donnera plus de détail. On nous a parlé de la rénovation du jardin, des chambres, des écoles et du dispensaire, et quelques maisons pour les habitants, énonça John.

- Il paraît que le jardin est magnifique, s'émerveilla Lei en déposant sa tasse de café.

- Ah oui, il est très beau, renchérit Assimba. Les fleurs sont magnifiques, les arbres si vieux, qu'ils semblent contenir de la magie, au cœur de la forêt, il y a une petite vallée. Vous vous rendrez compte, ils ont même des chênes. Sans vous mentir c'est le jardin d'Eden pour moi.

Tous étaient suspendus à ses lèvres, et lui posaient sans cesse des questions sur le lieu.

- J'ai déjà hâte d'y être.

- John quand tu le verras, tu ne seras pa déçu, fit Assimba.

Elle remarqua les regards qu'ils échangèrent entre eux.

- Tu peux distinguer John de Jack ? demanda Lei toute étonnée.

- Jack est celui qui m'a poussée jusqu'ici, non ? Et au niveau du regard, John a un regard enfantin, tandis que celui de Jack est direct, il a en plus une petite fossette sur le menton, et celle de John est sur la joue. Certes ils ont la même taille, mais il y a une différence. J'espère que vous ne trouvez pas mes conclusions bizarres.

- Tu veux rire ? Je te trouve géniale ! s'exclama Jack en se levant pour lui donner un baiser sur la joue. Je suis avec ces deux filles depuis cinq ans, tu ne peux pas imaginer le nombre de temps qu'il leur a fallu pour ne plus nous confondre.

Tous les autres riaient aux éclats.

- C'est vrai, renchérit Christelle. Il m'a fallu trop de temps, mais toi, à moins d'une heure, tu les connais déjà. Bravo.

- Lei avait trouvé un moyen plus efficace pour nous différencier, continua Jack en beurrant une tartine.

John et Lei rougirent jusqu'aux oreilles.

- Je ne pense pas que cela puisse intéresser Assimba, commença Lei.

- Elle fait partie du groupe maintenant, coupa Christelle avec un sourire malicieux, et je ne vois pas pourquoi cacher qu'elle t'avait donné un petit bracelet contenant des petits coeurs et des initials de vos noms.

Lei rougit de plus belle, tandis que les autres éclataient de rire. Assimba ne remarqua pas qu'elle aussi riait sans gène, elle était bien à l'aise dans ce groupe. Ils étaient simples et elle aimait cela.

- Très beau sourire, fit Jack, qui la regardait sans qu'elle ne s'en rende compte.

Son sourire devint jaune, elle savait qu'il disait cela pour être gentil.

- Merci, répondit-elle. J'ai une idée, et si on formait les binômes ?

Elle vit un énorme sourire se former sur les visages de ses nouveaux amis.

- Jane et John, Christelle et Jack...énonça-t-elle.

- Richard et toi, termina Christelle. Je trouve cela bien, et vous ?

Quand Lei s'extasia sur Richard, Assimba remarqua le regard jaloux de John. Elle se demanda à quoi pouvait bien ressembler le fameux Richard.

- Je suis curieuse de le voir.

- Marina en pince déjà pour lui, et je doute qu'elle soit partageuse.

- Zut Christelle, tu as cette manie de gâcher l'ambiance, en évoquant ce qu'il ne faut pas, se plaignit Jack.

- Qui est Marina ? demanda Assimba.

- C'est une peste, répondit Jack.

- Une sorcière, fit Lei.

- Una bonita...

Tous tournèrent la tête vers John.

- Une quoi ? demanda Lei.

- Si tu trouves Richard Slater beau, moi je trouve Marina Diaz très belle aussi.

Lei se tourna vers Assimba.

- Tu vois, elle est une destructrice, elle sème le désordre sur son passage, tu devrais t'en méfier dans le camp. Elle se prend pour le centre du monde, et surtout sa mère est la secrétaire de la Fondatrice de notre organisation.

Au fond, Assimba se dit que Lei exagérait un peu, mais se contenta de sourire.

- Belle comme tu l'es, tu vas sûrement attirer son attention, elle déteste la concurrence.

- Je vais regretter ce que je vais dire, mais pour une fois, Jack a raison, fit Christelle. Mais tu es notre amie, et on ne la laissera pas t'approcher.

- Merci, seulement, je ne pense pas que nous aurons besoin d'en arriver là.

La sœur Faustine fit son entrée, elle les trouva tout sourire. Ils n'avaient pas vu le temps passer.

- Je vois que vous vous amusez bien les enfants, dit-elle en prenant place sur la chaise vide.

- Oh oui, Assimba est d'une excellente compagnie, et nous lui donnions un petit aperçu de l'ambiance, comme ça, elle saura à quoi s'attendre, répondit Christelle avec un clin d'oeil.

- Bon, je venais juste pour vous dire que le chauffeur et la voiture sont prêts, finissez de vous apprêtez, et on ira vous conduira chez les moines, retrouver les autres.

- Nous avons presque fini, il faut juste récupérer nos affaires.

Christelle se leva, imitée des autres.

- Tes affaires sont prêtes Assimba ? demanda la religieuse.

- Oui, je ne les ai même pas défaits.

- Dis-moi où se trouve ton sac, ainsi, je fais les prendre pour toi, proposa jack.

- Demande à la sœur Jacqueline de te montrer sa chambre, répondit la sœur Faustine à sa place.

Ils sortirent les laissant seules.

- Que penses-tu d'eux ? demanda celle-ci.

- Ils sont très gentils, j'avoue que je me sens bien avec eux.

- Honnêtement, je l'espérais, j'ai un beau pressentiment leur concernant, je savais que tu allais bien t'entendre avec eux.

- On s'entend bien en effet, ils ont réussi à me mettre à l'aise, ce qui m'étonne encore plus.

- C'est pour cela que j'insiste pour que tu ailles avec eux, il faut t'ouvrir aux autres, et...

La religieuse semblait toute gênée à présent.

- Je me suis permise de les tenir au courant de tes cauchemars, je savais que tu hésiterais à le faire. Alors ne m'en veux pas trop.

Assimba sursauta, ce n'était pourtant pas dans les habitudes de la sœur Faustine d'être bavarde à ce point et de parler de ses rêves ni de sa vie aux inconnus.

- Je dois avouer que je suis surprise, fit-elle simplement. Je suppose que vous aviez une bonne raison de le faire. Vous avez confiance en eux.

- A vrai dire, je ne les connais même pas, je connais juste la mère de Christelle, mais ils m'ont semblé être dignes de confiance en ce qui te concerne. Alors j'ai pris ce risque. Tu te chargeras de tout leur dire, si tu le veux bien. Seul l'avenir nous dira si j'ai eu raison ou pas, je ne te force pas, tu peux toujours renoncer à partir avec eux, à toi de voir...

Assimba mit quelques secondes à réfléchir, elle ne voulait imposer à personne ce qu'elle endurait, ses rêves ne revenaient que rarement cependant elle les appréciait bien. Elle sourit sans s'en rendre compte.

            
            

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