French touch
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Chapitre 4 No.4

Dumas rentre directement chez lui, à Aubergenville à une heure et quinze minutes de Saint-Denis. Un quatre pièces dans le centre de la ville à côté de la gare. Sylvie, sa femme, était institutrice et engagée dans la vie associative. Quand il arrive, ses deux filles de dix-sept et quinze ans sont en train de manger des pâtes à la bolognaise. La plus jeune s'étouffe de rire en contemplant les moustaches rouges qui encerclent les lèvres de l'aînée. Elle s'est barbouillée de sauce pour faire le clown. Un duo d'enfer, soudé, uni dans la joie et la douleur.

- Salut papa. On ne t'attendait pas si tôt.

- Je vois ça.

- Tu manges avec nous ?

- Plus tard, je vais me reposer.

Il laisse ses filles dans la cuisine, ferme la porte de sa chambre. Il veut continuer à paraître solide. Il a envie de pleurer sur sa femme, sur lui-même, sur sa famille en lambeau. Il prend un somnifère, met l'alarme du réveil et s'endort sans rêver.

Roussel est restée dans son bureau de la brigade des stups à Saint-Denis à deux pas de la basilique où sont enterrés les rois de France. Enfoncée sur sa chaise, elle grignote un sandwich, l'esprit embrumé. Combien de verres d'alcool depuis hier ? Une dizaine, au moins... ce n'est pas dans ses habitudes de boire ainsi... Maïa abattue en pleine rue avec de la coke plein les poches... En compagnie d'un gosse de riche...

Elle s'entend supplier le juge de lui confier l'enquête, lui affirmer que contre toutes les apparences, Maïa avait décroché de la drogue et qu'elle flaire un gros coup qui dépasse le cas de sa sœur. Qu'est-ce qu'elle en sait ? Elle s'est fiée à ses intuitions... Et si elle se trompait après toutes les années de mensonges de Maïa ?

Elle jette un coup d'œil circulaire sur son bureau. Étagères remplies de dossiers, tableau en liège épinglé de pense-bêtes, numéros de téléphone griffonnés à la va-vite, plans, cartes, adresses. En face de son bureau, celui de Dumas et un autre resté vide depuis le départ du stagiaire, quatre chaises fonctionnelles, une fenêtre donnant sur une cour intérieure. Sur sa table, aucune photo de famille comme il est d'usage d'en mettre pour se raccrocher à l'extérieur. Regard déstabilisant sur la vie de Clémentine Roussel, trente-deux ans, célibataire, sans enfants, sans attaches. Elle se lève, se dirige vers un placard, saisit une bouteille de whisky, se verse une dose dans une tasse à café qu'elle boit lentement pour faire durer le plaisir. Isolée dans ce bureau vide, elle écoute le silence. Elle n'a pas envie de rester seule ce soir dans son appartement du onzième. Coup d'œil sur son portable. Un appel sur sa messagerie. François. Il est à Paris. Il peut venir chez elle vers vingt et une heures. Un texto pour confirmer, limpide :

- Merci. J'ai besoin de toi.

Deuxième tasse de Jack Daniel's, avant de se remettre au boulot. Clémentine rallume l'ordinateur. Elle doit préparer un rapport pour la réunion avec le juge demain après-midi. Impossible de se concentrer. Retour de ses fantasmes sur François, stimulée par l'euphorie de l'ivresse. Souvenirs de ses yeux, ses mains, son torse, ses fesses. Montée du désir, incontrôlable. Image obsédante du corps de François offert dans son lit avant son départ en reportage. Se calmer, se ressaisir, rester concentrée sur l'objectif, arracher des mains de la PJ l'enquête sur la mort de sa sœur, soutenir sa thèse : Maïa a été abattue par erreur dans le cadre d'un règlement de compte. Ce n'était pas elle qui était visée, mais son compagnon.

Pour quelle raison ? La cocaïne était destinée à Hansen... DJ de la jet set... boîte de nuit, lieu de revente... On part de rien ou presque... Noisy-le-Sec, un trafic démantelé l'an passé. Un fil à tirer. Clémentine conclut en établissant un lien hasardeux entre les banlieues pauvres et riches, 93 et 92, une cartographie fumeuse entre revendeurs et consommateurs.

Souvenirs de la langue de François dans sa bouche, entre ses jambes.

Même si c'est tiré par les cheveux et que tout désigne Maïa comme une cible idéale, son passé, la présence du sachet dans son sac, Roussel se persuade que le juge Renaud passera sur ce genre de détail. Elle l'a mis dans sa poche avec son sourire triste, ses yeux de chien battu et sa voix sensuelle.

Elle va lui dire qu'il faut faire vite dans cette affaire. Les traces disparaissent, les témoins s'évanouissent dans la nature. Et plus un mot sur Maïa. Tant qu'on ne connaît pas son rôle exact, on se focalise sur Hansen. Elle a fini pour ce soir. Il est vingt-trois heures. Elle fignolera les détails demain matin. Sa tête bourdonne d'une seule pensée maintenant, François et son sexe gonflé. Des papillons s'agitent dans le creux de son ventre.

Quand Roussel entre chez elle, le hall d'entrée est plongé dans l'obscurité, mais elle voit de la lumière filtrer par la porte de sa chambre. Elle franchit les quelques mètres la séparant de cette pièce comme si sa vie en dépendait, comme si elle empêchait une catastrophe de frapper le monde dans un film de superhéros. François fait semblant de dormir, nu, allongé sur le dos, les bras en croix, le corps pleinement éclairé par une puissante lampe halogène. Silhouette immobile, inerte, comme morte. Désir de vivre après tout, malgré tout. Soif animale pour cette peau, appétit bestial pour cette chair. Elle enlève sa culotte, remonte sa robe d'été, monte debout sur le lit, enfourche ce corps qui se tord comme pour s'échapper. Elle s'appuie de tout son poids sur son sexe long et large. Elle s'agite violemment dessus jusqu'à ce qu'il cède d'un coup, libérant sa jouissance éclatante et brutale.

Ne pas éteindre la lumière. Prendre le temps de le regarder les bras repliés derrière la nuque, les yeux bleus, le sourire satisfait au coin des lèvres. Cet homme chaud, mon bel amant éveillé. Si j'éteins, je te perds. Un chuchotement dans le creux de son oreille : « François, aide-moi ».

Le lendemain, vers six heures trente, après une douche tiède, Roussel en peignoir prépare un café dans sa cuisine minuscule. Deux tasses sur un plateau, du jus d'orange, une baguette, de la confiture, elle rejoint François dans le salon. Il est assis en tailleur sur le canapé, la tête appuyée contre le mur, les traits fins de son visage détendu, ses cheveux blonds tirés en arrière, le regard bleu, séduisant et attentif. Un mélange de tendresse et de force tranquille infiniment craquant. Clémentine s'assoit par terre, sur un tapis. Elle prend une tasse qu'elle vide d'un trait tandis qu'il boit lentement par petites gorgées. Courte conversation sur son article sur la précampagne présidentielle du Premier ministre que François « couvre » pour son journal, puis :

- Avant de suivre les hommes politiques, si j'ai bonne mémoire, tu faisais plutôt dans les « people », tu connaissais Swan Hansen ?

Une pointe d'angoisse se lit dans les yeux du journaliste. Surprenant...

- Oui, vaguement. C'était le DJ de toutes les soirées de L'Empire, le club « Techno » le plus prisé de la capitale où se réunit le gratin des VIP, footballeurs, acteurs, ministres, animateurs télé... la crème de la crème.

- Je vais aller y faire un tour un de ces soirs.

Cette fois, elle voit carrément de la panique dans le regard de François.

- Pourquoi ?

- Je me dis que je pourrais en apprendre davantage sur lui et éventuellement trouver le mobile de son assassinat et de celui de Maïa en fouinant dans cette boîte. À propos, tu avais déjà vu ma sœur traîner par là-bas ?

- Euh, oui une ou deux fois ! Enfin, j'avais repéré cette fille qui te ressemblait drôlement... Quand je me suis approché, j'ai vu que ce n'était pas la même personne...

- Et tu ne m'as rien dit ?

- Non, je savais que vous étiez brouillées et je n'étais pas sûr que ça soit elle...

- Pourquoi ces cachotteries, François ?

Il dépose sa tasse sur la table basse du salon, il se lève et frôle la main de Clémentine, remonte sur l'épaule, descend brusquement sur le torse nu de son amante en effleurant un sein, descend le long de ses abdos avant de stopper son mouvement sur les hanches fines. Un vertige de désir s'empare de Clémentine. Elle laisse tomber son peignoir. Elle pose sa tasse, caresse le creux des reins de François, empoigne ses fesses à pleines mains.

Il lui annonce :

- Je vais te faire l'amour lentement, tendrement et après je te dirais ce que je sais... au risque de te déplaire.

            
            

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