Chapitre 5 04

Pourtant il a plein de photos de sa mère partout dans la maison et il sait à quoi elle ressemble, mais il y a des jours où ça lui prend de me poser de telles questions.

Moi: (Souriant) Elle était très belle. La plus belle femme qui n'ait jamais existé. Elle était noire comme D avec les longs cheveux qui lui tombaient dans le dos, elle était mince et grande de taille. Quand elle marchait, on aurait dit qu'elle faisait un défilé de mode et avait un sourire qui était tellement beau que lorsque tu la voyais, tu étais tout de suite content.

Raphaël : Elle m'aimait ?

Moi: Elle t'aimait beaucoup, beaucoup, beaucoup.

Raphaël : J'aurais une autre maman ? Je veux une maman. Même D aussi veut une maman qui va lui faire des jolies tresses comme les autres filles à l'école.

Moi: (Cœur serré) On verra ça. Dors maintenant champion et fait de beaux rêves. Je t'aime.

Raphaël : Je t'aime aussi papa.

Je lui ai fait un bisou sur le front avant de me redresser, me diriger vers la porte, éteindre la lumière et sortir . Je suis descendu et me suis assis au salon après avoir pris une bouteille de bière à la cuisine. J'ai pris une photo de ma femme qui était dans un cadre et je me suis mis à la regarder pendant un moment. Elle me manque tellement.

Moi: (Parlant à la photo) Si tu savais comme tu me manques Joliane. Les enfants et moi tenions le coup mais nous ne nous en sortons pas sans toi. Nous avons besoin de toi. Regarde Daphnée n'a aucun repère et presque personne pour l'aider à prendre soin de ses cheveux. Que dois-je faire ? Les couper? Darnell bien que ne montrant pas ses sentiments, je sais que lui aussi il voudrait que tu sois là. Ne parlons même pas de Raphaël qui, lui, te demande tous les deux jours (Essuyant une larme qui coulait de mes yeux) Et moi mon amour ? Moi je ne vis plus, ma vie n'a plus de sens sans toi, j'essaie de tenir le coup pour les enfants afin de faire bonne figure mais c'est dur. C'est si dur mon amour. Chaque jour passé sans toi à mes côtés est un véritable calvaire. La douleur de ton départ est toujours si vive dans mon cœur, elle ne diminue pas. J'ai l'impression qu'il y a un trou béant que rien ne peut combler. Jo, je donnerai tout pour t'avoir à mes côtés. Je

Ma gorge a été saisie par une forte vague d'émotions m'empêchant de poursuivre mes propos. J'ai serré le cadre photo et j'ai laissé libre cours à mes larmes en replongeant dans mes souvenirs avec ma femme. Cette femme était littéralement toute ma vie. C'est la seule femme que j'ai jamais connu. Nous sommes nés et avons grandi dans le même quartier. Nos parents étaient voisins. Elle Punu et moi Fang (groupe ethnique) . Nous avions un an d'écart. J'étais tombé amoureux d'elle quand j'avais 6 ans et lui avais déclaré ma flamme 6 ans plus tard alors que j'en avais 12. Elle m'avait dit qu'elle m'aimait aussi mais que nous étions trop jeunes pour ça. On devait attendre d'avoir au moins 18 ans pour en parler. Je grandissais avec l'idée que je ferai d'elle ma femme plus tard. Quand j'avais eu 14 ans, j'étais allée dire à son père que j'étais amoureux de sa fille et que je voulais avoir la permission de la fréquenter. Il savait que j'étais un jeune homme sérieux et il louait le fait que je sois allé le voir pour lui parler. Il m'avait donné son accord en me faisant promettre de ne rien faire de sexuel avant ses 18 ans. Bien qu'étant très dur avec l'âge qui avançait et les pulsions qui se réveillaient au fur et à mesure que nous grandissions et à cause de la proximité, nous avons tenu bon. Après quatre ans de relation chaste, nous nous sommes mariés à 18 ans pour elle et 19 ans pour moi avant de retourner à l'étranger pour poursuivre nos études. Elle a étudié la communication pendant que moi j'ai étudié le commerce. On avançait comme ça avant de revenir 4 ans après vu que moi j'y étais depuis 6 ans et elle 5 ans. Quand nous sommes arrivés, nous avons loué un petit studio. Elle a trouvé un poste dans une radio, pas en tant qu'animatrice mais elle y travaillait. Moi je ne voulais pas être un employé, je voulais être à mon propre compte et donc je faisais des petits boulots à gauche et à droite en travaillant sur mon entreprise. J'entendais des gens lui dire un peu partout qu'elle s'était mariée trop tôt, surtout avec quelqu'un qui n'avait pas de grandes ambitions, malgré mes diplômes, je me contentais de faire de petits boulots au lieu d'avoir un vrai travail. Que j'étais un rêveur qui allait la retarder. En plus je gâchais son avenir et sa beauté car une femme telle qu'elle méritait mieux. Heureusement pour moi, ce n'était pas des gens de notre entourage proche, c'était plus des collègues de bureau ou des amis éloignés.

Joliane ne m'avait jamais rien caché et même quand son boss avait commencé à lui faire des avances à sa deuxième année de travail, elle me l'avait dit et avait même choisi de quitter son poste pour chercher ailleurs. Elle me disait qu'elle croyait en moi et qu'elle savait que j'irais très loin. Même si je n'avais rien à lui donner pour le moment et qu'il y avait des jours où on mangeait même du riz blanc ou du pain à la boite de sardines, ce n'était pas grave. Je me suis battu et j'ai lancé ma boîte qui avançait timidement au début avant de prendre, il y a 5 ans où elle a commencé à démarrer sérieusement. En parallèle, elle a toujours voulu avoir des enfants, très tôt après notre mariage, elle en voulait mais n'attrapait rien. Je tentais de la rassurer en lui disant que ça allait arriver tôt ou tard, que nous n'étions pas pressés et étions encore jeunes. Plus le temps passait, plus elle s'inquiétait. Elle était allée faire des examens et on lui avait dit qu'elle était stérile, pas infertile mais stérile. La cause? Des explications hypers compliquées auxquelles on n'avait rien compris. Je ne voulais pas y croire et je restais focus sur mon projet de société. Un combat à la fois. On réglait d'abord l'aspect financier et après on devait regarder de près cette affaire de stérilité. Sauf qu'elle avait croisé une ancienne amie de fac qui lui avait parlé de Jésus et avait décidé de se convertir et de partir à l'église. J'avais décidé de la laisser faire, si cela lui permettait de s'épanouir elle pouvait y aller. Je la voyais faire des jeûnes et prières à la maison pour être enceinte et également pour mes affaires. Au bout d'un moment, elle était tombée enceinte et c'était des jumeaux. La grossesse là avait été particulièrement pénible et elle souffrait énormément mais elle avait tenu bon et les enfants avaient vu le jour. Nous étions comblés, on avait nos enfants et les affaires démarraient peu à peu. Un an après, nous avons déménagé dans la maison dans laquelle nous habitons car vraiment la machine avait pris. Elle avait décidé de ne pas travailler pour le moment car elle voulait s'occuper des enfants. Elle était venue me dire qu'elle voulait d'autres enfants. Quelle était cette histoire ? Les jumeaux avaient tout juste un an et elle me parlait d'en avoir d'autres ? Après le calvaire de la première grossesse ? J'avais refusé. Pour moi c'était tout bon, on avait une situation financière stable, deux beaux enfants de sexe opposé, une belle maison, deux voitures. On n'avait besoin de rien d'autre. Mais c'était sans compter sur son acharnement qui l'avait poussé à se prendre un autre retard que je lui avais demandé d'enlever à la minute où je l'avais su . Elle avait refusé et on s'était vivement disputé pour ça. Elle m'avait promis que cette grossesse allait être différente de la première et c'était le cas. Raphaël ne nous avait pas emmerdés. Il avait été silencieux jusqu'à deux jours avant sa venue au monde. Ses douleurs étaient plus violentes que pour les jumeaux mais elle a essayé de résister le premier jour dans le silence. Je voyais bien qu'elle avait l'air pâle et s'arrêtait de temps en temps dans un coin de la maison pour attraper son visage mais quand je lui demandais si tout allait bien ou si je devais appeler sa mère, elle me disait qu'elle allait bien et que je ne devais appeler personne. J'avais cru l'entendre parler dans la nuit, la veille de son départ, en disant à quelqu'un qu'elle voulait une bonne personne pour ses enfants mais je n'avais pas prêté attention et le sommeil m'avait emporté. Le matin de son décès, elle parlait aux enfants comme si elle leur disait au revoir et à moi aussi d'ailleurs. Les choses du genre "n'oublie pas que je t'aime", " tu es et resteras mon seul amour", "N'oublie pas d'être heureux", "Il faut bien prendre soin des enfants ". Quand je lui demandais pourquoi elle disait des choses comme ça, elle me souriait en me disant pour rien. Jusqu'au moment où elle est allée à la chambre s'allonger et m'a appelé en hurlant quelques minutes plus tard, elle avait du sang qui coulait de ses jambes. Nous étions partis à l'hôpital et la suite, on la connaît. J'ai vécu dans le déni pendant près de 3 mois et j'ai refusé de m'approcher de mon fils dont elle avait voulu qu'il s'appelle Raphaël. Je continuais de croire que si ma femme était morte, c'était par sa faute. D'abord, je ne voulais pas de cette grossesse, ensuite elle m'avait caché ses douleurs sous prétexte que si elle était partie un jour avant, il serait mort et enfin, elle avait dit au médecin de privilégier l'enfant à son détriment. Donc pour moi, il était le responsable. Mais les parents m'avaient dit que si elle s'était tant battue pour qu'il voit le jour , cela ne voudrait-il pas dire qu'elle estimait qu'il était important et qu'il serait dommage qu'elle soit morte pour rien ? C'était à partir de cet instant que j'avais reconsidéré mon opinion et changé mon regard sur lui. Au lieu de le voir comme le responsable de la mort de ma femme, j'avais décidé de le voir comme le trésor pour lequel elle était morte. Depuis, mes enfants sont toute ma vie. Ce sont les biens laissés par ma femme, mes plus grands trésors. J'ai essayé de me remettre , aidé par ma famille et ma belle famille , nous avons pu aller de l'avant et tenir le coup. Je suis Benjamin NGUEMA, j'ai 34 ans, assis à la tête d'une entreprise prospère, papa de trois enfants, ayant des amis et une famille aimante. J'ai tout, sauf le principal, la raison pour laquelle je me suis battu toute ma vie, ma plus grande alliée, la personne qui me portait littéralement, l'amour de ma vie, la mère de mes enfants, ma femme.

Moi: (Essuyant mes larmes en regardant sa photo) J'espère que tu te portes bien là où tu te trouves mon cœur...

            
            

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