L'esthétique inhabituelle du point d'interrogation
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Chapitre 3 No.3

Les ennuis

Paul ne ressentait aucune impatience à faire de même. Sortir de l'hôpital ? Pourquoi ? Il se posait suffisamment de questions, surtout le matin quand il se regardait dans la glace de sa salle de bain. Pourtant, ses journées n'étaient pas drôles. Émilie le saoulait en lui racontant une vie qui n'était pas la sienne. On stimulait sans cesse son cerveau. Scanners et tomographies n'avaient rien révélé, il fonctionnait parfaitement. Jusqu'à présent, le bien-être de se sentir en vie lui suffisait largement, les questions existentielles pouvaient attendre.

Puis tout vola en éclats. Un jour, une femme d'une beauté impressionnante pénétra dans sa chambre. Paul était étendu sur son lit, il attendait son kiné. Elle tira une chaise et s'installa en face de lui, le contemplant longuement.

- Survivre à un tel accident, il faut d'abord que je vous félicite, monsieur Duval, c'est miraculeux.

Paul lui donna la quarantaine, une quarantaine radieuse. Elle était grande, brune, bien faite, les cheveux légèrement ondulés, et surtout une voix basse, sombre, veloutée. Il était fasciné.

- Vous me reconnaissez ?

- Non.

- Ça m'étonne, vous avez passé suffisamment de temps dans mon bureau... avant l'accident.

- Qui êtes-vous ?

- La commissaire Marie-Ange Leflère.

- Et qu'est-ce que je faisais dans votre bureau ?

- Vous rendiez des comptes à la justice. Ça vous fait rire !

- Non. C'est juste que ça me rappelle mes cours d'éducation civique : ne pas confondre divorce et cambriolage, justice civile et justice pénale. Quels sont les huit grands types de tribunaux ? Les principaux acteurs de la justice ? Où commence une procédure juridique, au tribunal où au commissariat ?Avouez, commissaire, qu'on n'y est pas toujours en présence d'une femme extrêmement jolie.

La commissaire Leflère était habituée à provoquer ce genre de réaction3, elle ne réagit pas au compliment, mais aux propos eux-mêmes. Elle en avait vu défiler des petits délinquants, tous se ressemblaient : violences en réunion, propos discriminatoires, petits trafics, insultes aux agents de la force publique, refus d'obtempérer, mise en danger de la vie d'autrui, délit de fuite. Or, le Paul Duval qu'elle avait devant elle était très différent de ce qu'il avait été. L'ancien était quasiment illettré, incapable de retenir quoi que ce soit, même le code de sa carte bancaire, et voilà qu'il citait des bribes de son cours d'éducation civique !

De son côté, Paul la trouvait absolument magnifique. De façon assez simpliste, il se disait qu'une aussi jolie femme ne pouvait être une garce, et qu'au contraire, elle lui voulait du bien.

- Je suis venue pour...

- Pour me faire la morale. C'est normal. J'ignore quand, comment et pourquoi, mais tout le monde me répète que j'ai échappé de peu à la mort en tentant d'échapper à la police. Vous êtes commissaire. Attendu que police et justice marchent main dans la main, avec comme première préoccupation, non la répression, mais de faire réfléchir et d'éduquer, vous allez utiliser l'argument du bâton, « argumentum baculinum ». Je vous rassure. Je ne conduirai plus jamais de moto, ne tenterai plus jamais d'échapper à la police, et je respecterai toujours les lois, ce qui est de mise dans un état civilisé où leur premier rôle est de nous protéger. Pour finir, je vous remercie d'être venue. Vous êtes le plus séduisant commissaire de France et de Navarre, comme on se plaît à le dire depuis l'année 1610.

Ce fut au tour de Marie-Ange d'être secouée par une franche rigolade, des compliments bidon, elle en avait entendu, mais pas dans la bouche d'un individu comme Paul Duval. Elle le contempla à nouveau longuement. Elle se souvenait d'un individu d'une ignorance crasse, s'exprimant par stéréotypes et avec un vocabulaire proche de celui d'un enfant de douze ans. Un mois de coma profond pouvait-il changer un être humain ?

- Pour quelqu'un à qui, « abréviations, onomatopées, injures et lieux communs » tenaient lieu de langage, vous avez beaucoup changé ! En attendant et en supposant que vous soyez sincère, quant à vos propos, et à cette prétendue perte de mémoire, je vais mettre les points sur les « i ». Non, je ne suis pas venue pour vous faire la morale, mais pour vous apprendre quelque chose.

- J'espère que ce ne sont pas les raisons pour lesquelles j'aurais tenté d'échapper à la police, ça ne m'intéresse pas. Pour tout autre sujet, je tenterai de vous aider, per fas et nefas4, mais ce sera modeste, j'en ai peur, je ne sais rien de Paul Duval ! Je sais juste que je suis vivant, que j'ai vingt ans, et c'est à la fois si effrayant et si merveilleux que plus rien ne m'intéresse.

- Même de savoir qu'on a tenté de vous tuer ?

            
            

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