- Je veux des noms, je hurle hors de moi.
- On ne sait pas encore qui a bien pu entrer chez vous monsieur Mikhova. Personne n'est en mesure de nous fournir un portrait robot assez détaillé. Ce qui complique notre tâche.
- Je m'en fiche. Débrouillez vous avec les infos rapportées par ma fille. C'est assez pour entamer quelque chose, je crois. Ma fille est effrayée. Je vous paie assez pour éviter ces genres de situations pour qu'en plus ma fille soit obligée de regarder par dessus ses épaules quand elle doit sortir de chez elle et même lorsqu'elle est chez elle. Elle est assez traumatisée comme ça. Alors ne cherche pas à ce que je t'aprenne ton boulot, je raccroche.
Ghost ! Le message vient de Ghost ! Je ris jaune. C'est quoi cette farce ? C'est une putain de mauvaise blague ? Quand Gigi m'a appelé pour m'informer de la présence de ces assaillants dans ma maison, j'ai crû rêver. Malheureusement, on est arrivé trop tard Meg et moi. Ils étaient déjà partis. Et voilà que le chef de la police nous sort tout et n'importe quoi révélant son incompétence pour gérer une affaire d'une telle envergure.
Ma fille est recroquevillée en position fœtale dans les bras de sa mère. Elle grelotte encore. Elle a dû être terrifiée de se retrouver avec une arme braquée sur elle. Ma main me démange, j'ai une grande envie de faire passer à ces petits amateurs de merde l'envie de recommencer à s'en prendre à ma fille. Mais je n'ai aucun nom pour l'instant mise à part cette foutue blague. Ghost !
- Mais il est mort, me dis-je. Et puis... Cela n'a aucun sens. C'est quoi cette blague pourri.
Le visage de ma femme est impassible. Je ne sais pas quoi en penser. Jamais elle ne s'est plaint du style de vie que je lui ai offert jusque là. Mais là j'ai l'impression qu'elle veut dire stop. On a touché à son bébé. Je lui ai promis que plus jamais celui-ci ne lui serait enlevé de nouveau. Et là, on n'est pas passé bien loin. Et en pire cette fois.
Je n'aime pas voir ma femme ainsi. Meghan ainsi que ma fille, ce sont mes gâchettes. Si tu y touche, ne t'étonne pas de recevoir des balles perdus. Ma colère est grimpante lorsqu'il est question d'elles. Plus contre moi même qu'une tierce personne. Ce n'est pas ce que je lui ai promis. J'aurais dû faire garder la maison. Même contre son avis.
- Non, mais... Fais chier ! Je boue de rage. C'est qui ce pu... Non, mais qui sont ils ? Pestais-je.
- Papa ! M'appelle Vivi d'une voix douce.
- Oui chérie !
- C'est qui ce Ghost ? Pourquoi ces gens nous délivre un message de sa part. C'est un ami à toi.
- ...
- Papa !
- Un mort, grondé-je afin qu'elle arrête de poser des questions. Qui le restera longtemps, je dis plus bas. Ce Ghost est mort et enterrer.
Ma réponse est cinglante.
- Un mort ? Comment un mort peut commanditer tout ça ? Qu'a t'il contre nous ? Contre toi ?
- C'est ce qu'il me tarde de découvrir, je dis un peu pensif.
- Papa j'ai peur, tu sais. Et s'ils reviennent ?
Elle grelote.
- Tu n'as pas à avoir peur mon bébé. Cela ne risque pas de se répéter. Les dispositions seront prises à ce propos. Tu fais confiance à ton papounet, n'est ce pas ?
Elle secoue la tête pour dire oui. Ma femme me regarde. Elle ne pipe pas mot. Elle ne fait que ça depuis d'ailleurs. Ce regard est plus parlant que milles mots.
- C'est qui le bijou de papa ?
- Moi, repond ma fille faiblement.
- Alors n'aie pas peur. Papa est là, je lui caresse les cheveux alors qu'elle est restée accrochée à sa mère. Papa veillera sur toi au péril de sa vie. Rien ne va arriver à mon bijou.
- Ils ont tué Bérénice Arturo.
Ma femme s'exprime enfin.
- Chez nous en plus. Tu sais ce que ça veut dire Arturo ?
- C'est un message.
- Pas des moindres, assure ma femme. Qui que ce soit, qu'ils restent loin de ma fille ou je ne réponds plus de moi.
- Un message ! Répond Vivi. Je croyais que c'était moi qui ai livré le message papa.
- Tu as eu le message ma fille. Mais le vrai message c'est Bérénice. Une façon de me prévenir qu'ils ont accès aisément à ma maison. Et qu'ils viendront pour moi le moment venu.
- J'y comprends rien.
Ghost ! J'y repense encore. Cela ne peut être qu'une foutue blague. Mais peu importe qui il est cette personne qui prétend être Ghost, si je dois immerger de nouveau dans mon passé, ils auront affaire à moi. Même si je sais que j'ai tout à fait l'intérêt de filer droit ici sur l'île. Il me faut retrouver mon vieil ami. Ce combat, je ne saurait le mener tout seul.
Les jours se succèdent et se ressemblent. Cela fait la troisième fois en une semaine que je me retrouve au commissariat espérant entendre mieux qu'un "l'enquête se poursuit monsieur Mikhova". Que des incapables. Avec tout l'argent qu'ils reçoivent de ma poche chaque fin de mois, ils en sont incapables de débusquer ces jeunots qui sont entrés chez moi, ont traumatisé ma fille et éliminé ma dame de ménage. Ils ne se sont pas volatilisés tout de même.
- Monsieur Mikhova on a fait tout ce qu'on pouvait. Mais le résultat reste le même. Actuellement, on n'a aucun suspect...
- Non.
Je tape du poing sur la table sur laquelle je prenais appui plus tôt.
- Ce n'est pas ce que je veux entendre de ta bouche Simon. Fait ton boulot proprement.
- On a fait tout ce qui était humainement possible. Mais rien.
- Parce que vous êtes des incapables. Ce n'est pas à moi de t'apprendre comment être efficace.
- Que peut on encore faire ? Ces jeunes nous ont filé entre les doigts. Il faut le reconnaître. Ils ont été assez intelligents sur le coup. Peut-être qu'ils ne sont pas d'ici.
C'est ce qu'il dit. Pourtant j'ai l'impression d'entendre "ces jeunes vous ont bien entubé".
- Rappelle moi ce dont on a parlé quand je suis venu m'installer ici Simon ? Ce que toi tu m'avais promis. A ce moment là, l'argent que je te proposais était si alléchante que tu aurais vendu ta propres mère si cela garantissait notre sécurité à moi et à ma famille. J'ai l'impression de m'être fait arnaquer. Ton équipe, il est où ? Dois je vous apprendre moi même votre boulot ? Assurer ma protection et des miens vous dépasse ? Je paie pourtant assez grassement. Rassure moi.
- Non monsieur. C'est juste que...
- Si c'est cela dites le moi clairement. Que j'augmente votre rémunération.
- ...
- Vous savez quoi, vous avez intérêt à vite trouver une solution avant que je ne m'en charge moi même. Vous avez le reste de la semaine.
Il fronce les sourcils. Un sourire à peine masqué se dessine sur son visage.
- Et comment pensez vous réussir pareils exploits vu que nous même dans la police, on n'y arrive pas ? Me met au défi cet homme qui visiblement n'a aucun respect pour moi. Nous sommes les forces de l'ordres ici. On a le contrôle sur tout ce qui rentre et sort dans la région. Vous n'aurez pas été plus efficace que toute une institution réunie. Même si votre argent vous pousserait à vous imaginer le contraire.
- Sedite i... gledajte me kako to radim (Prends un siège et... regarde moi faire), je prononce durement. Tu verras.
Sa tête de con me laisse croire qu'il n'a rien capté de ce que je viens de lui répéter. J'ose espérer que mon regard menaçant et le ton employé ont eu don de clarifier le message. Je quitte son bureau, non sans claquer la porte au passage. Je suis d'avis que l'on doit pouvoir vivre en paix et que je devais calmer mes ardeurs. C'était cela ma résolution en m'installant ici en dehors du fait que sur cet île on pose peu ou pas de question. Mais toucher à ma famille, qu'importe qui de sensé saurait que c'est la connerie à ne pas tenter. Comment espèrent t'ils que je reste tranquille après ça ? C'est très mal me connaître.
Bérénice a été avec nous depuis si longtemps que je ne compte plus les années. C'était une gosse quand elle est arrivée. Elle a toujours pris soins de ma fille et de ma maison avec amour. Oui elle était payée pour le faire. Néanmoins elle s'en est toujours adonnée à ses tâches avec passion. Il n'était pas nécessaire qu'elle y laisse sa vie dans ses conditions.
J'ai essayé d'envoyer de l'argent à sa famille depuis sa mort. Cela soulagera sans nulle doute ma conscience. Mais la vérité est que cela ne va pas la réveiller pour autant. Le plus important c'est que sa mort ne reste pas impunie. Et de ça, je m'en fais la promesse. Même si ce qui me guide le plus c'est de faire passer l'envie à ces enfoirés d'envahir ma maison de nouveau alors que ma fille y est... d'envahir ma maison tout court. Qui a dit que l'on ne pouvait faire d'une pierre, deux coups ? J'ai toujours aimé ce genre de combine. Je suis dans mon élément.
Celle qui m'inquiète le plus en ce moment, c'est ma fille, elle a repris sa vie comme si de rien était. Je doute fort qu'elle s'en soit déjà remise de ce traumatisme si vite. Se retrouver avec une arme braquée sur la tempe, cela ébranle plus d'un la première fois. Mais elle, elle continue comme si rien ne s'était passé. J'ai bien peur qu'elle n'essaie de jouer à la forte juste pour ne pas accepter que je lui mette sous la protection d'un garde du corps comme j'en ai discuté avec elle après le drame. Ou peut être qu'elle est dans le déni.
Exactement comme sa mère, cette fille. Sans minimiser mon côté rebelle qu'elle a elle même développé.
- Papa, ce n'est pas ce qui va m'empêcher de continuer à vivre, elle a soufflé d'exasperation la dernière fois que j'ai tenté d'avoir une discussion à ce sujet avec elle. Ces gens ne vont pas recommencer de si tôt de toute façon. C'est la maison Mikhova. Ils ne s'attendent sûrement pas à réussir deux fois le même coup en peu de temps. Autrement, tu devrais arrêter de graisser la patte à ces incapables, dit elle en parlant des policiers.
Elle doit comprendre que si j'y tiens de la sorte, c'est uniquement parce que je m'inquiète pour elle. Et non dans le but de contrôler sa vie. Elle n'a que 23 ans. Ce n'est qu'une enfant. Pour l'avoir trop longtemps couvée, je sais qu'elle est une petite fille fragile bien qu'elle tente de montrer le contraire. C'est mon bébé et je dois en prendre soins. Même au péril de ma vie.
Alors son non catégorique ne va pas m'arrêter. C'est mon unique enfant. Qu'elle soit d'accord ou non. Je ne peux pas la laisser sans protection. Impossible. En attendant que je trouve une solution plus drastique à ce problème, je mènerai l'enquète par mes propres moyens. Je connais des gens qui seront beaucoup plus efficaces que ces abrutis impotents.
- Il est temps que je me remette en selle, je me répète le regard vide.
Le soir venu, j'ai eu une discussion avec ma femme. Cela m'a surpris de la voir appuyée mon idée de prendre un garde du corps pour notre fille, elle qui trouvait toujours à redire sur le sujet. Je suppose que maintenant qu'elle se retrouve face à la réalité, son cœur de mère a pris le dessus. Au moins là maintenant je peux être sûr qu'elle comprenne mes motivations de l'époque.
- Je veux deux de tes meilleurs hommes demain au Bahamas, j'annonce à mon interlocuteur la main posé sur les cuisses de ma femme. J'ai du boulot pour eux. Des gars qui ne posent pas de questions, qui sauront se faire discret. Et par dessus tout, efficaces. Je peux compter sur toi ?
- C'est comme si c'était fait mec. Je n'en ai pas moi même et tu le sais. Mais je peux demander à un de nos amis communs.
- Je n'en espérais pas moins de toi mon frère. Merci.
- A part ça, tu as repris le contrôle de la situation ? Deux personnes te suffiront ? Tu sais que tu n'as qu'un mot à dire et j'arrive. Et même s'il te faut une armée, je peux te l'obtenir.
- J'espérais bien m'en sortir par moi même. Malheureusement, je n'y suis pas arrivé. Mes actions sont limitées mon frère. Ceci dit c'est encore gérable. Deux de tes hommes suffiront largement. Sinon, je reviendrai vers toi. Pour l'heure, ce n'est pas nécessaire que l'on s'affole.
Darren Jackson
- Moi ce que je ne comprends pas c'est pourquoi c'est moi qu'on envoie, je râle au moment de passer le poste de contrôle.
- Parce que tu connais le terrain mieux que quiconque mon frère, me reprend Jason mon binôme sur le terrain et ami de longue date. Les Bahamas, c'est chez toi. Tu as de la famille ici. Tu sauras très vite te fondre dans la masse. Sans mentionner tes aptitudes sur le terrain. On n'aurait pas trouvé mieux que toi pour cette mission. De plus, moi aussi je suis embarqué dans cette histoire, je te rappelle.
- Sauf que moi, ma spécialité cela a toujours été le contre espionnage mon frère. Je ne vois pas ce que mon nom vient faire dans une histoire de garde rapproché. Cela ne peut être que pour la femme ou la fille de ce monsieur. J'ai entendu dire qu'ils ne sont que trois dans la famille.
- Ce type doit être quelqu'un d'influent pour qu'on déclasse la crème de la crème pour lui et sa fille de manière si spontanée. C'est comme s'il avait juste sorti sa tablette pour commander une pizza à la dernière minute alors que c'est celle la même que tous convoitent. Et lui, il l'a eu juste comme ça. En un clic.
- Aussi influent soit il, si sa gamine m'énerve, je démissionne sur le coup. D'ailleurs, c'est quel genre de Job cela va être ? Zayn n'a rien dit à ce sujet.
- On dirait que même lui ne sait pas. Ce qui est d'autant plus déroutant. C'est la première fois que Zayn nous envoie en mission sans enquêter sur le commanditaire en question. A ce qu'il paraît c'est un gars à Milan. Tu sais comment le boss réagit lorsque la commande vient de ce type.
- Cette mission, je ne la sens pas, je te dis.
Mon ami s'esclaffe. Il me connait assez pour savoir que je ne blague pas là dessus. Sans me vanter, je suis doué pour le combat rapproché. Je suis un fin stratège même. J'ai déjà eu a intégrer la peau d'un garde du corps pour des personnalités influentes. A cours termes, bien entendu. Et mon principe a toujours été tel : pas d'enfants, pas de femme.
Dans les deux cas, mes raisons ont toujours été les mêmes. Je me vois mal être obligé de subir les caprices d'un des deux. Trop chiants selon moi. Après, chacun son point de vue. Du haut de mes 31 ans, on m'a toujours traité de petit vieux tant j'aime garder mon sérieux lorsque je bosse. Même Jason d'ailleurs.
Cela dit chacun sait comment je fonctionne et tous ont fini par l'adopter. Ce qui rend beaucoup plus incompréhensible pour moi le fait d'être appelé pour cette mission qu'il est claire m'envoie directement face à tout ce que j'ai toujours repoussé. Je suppose que je pourrais en profiter pour voir ma mère et ma sœur au passage. Cela fait si longtemps que je n'ai pas été sur ma terre natale.
Mes parents sont des réfugiés haïtiens. Ils ont fui le pays à cause de turbulences politiques alors que ma mère était enceinte de moi. Après moi, ils ont eu une fille. Mia a 22 ans cette année. Puis mon père est mort l'année de mes 16 ans. J'ai grandi plus vite qu'il ne le fallait. Mais c'était nécessaire pour leur assurer à ma famille ce train de vie qu'elle a aujourd'hui.
C'était devenu moi l'homme de la maison. Aujourd'hui, malgré le fait que je ne suis plus rentré au pays depuis que j'y suis parti, il y a 14 ans de cela, je me sens bizarrement chez moi. Cette ambiance si vive ! Je ne savais pas que cela m'avait autant manqué avant de revenir.
Mon avion a atterri il y a tout juste une heure et demie. Mon képi à la tête aussi noir que le jean dechiré et le polo que je porte, une paire de lunettes de soleil malgré que celui ci se fait un peu rare cet après midi, je traine ma mallette suivi de mon pote qui ballade son regard un peu partout.
- C'est beau ici ! Il s'exclame.
- Mais encore, tu n'as rien vu.
- J'ai hâte alors.
Plus euphorique que cela, il aurait sautiller de joie. Il a peut être oublié que l'on était là justement pour travailler.
- Et maintenant on va où ? Il me demande.
- A l'hôtel. Je nous ai réservé deux chambres en attendant. Comme ça, on se repose avant que l'on ne retrouve la famille Mikhova et savoir ce que l'on attend de nous. Je suppose que le logement va de paire avec le taffe.
- Mikhova ! C'est moi, ou ce nom sonne un peu Mafioso ? On ne sait jamais avec ces russes.
- Ils sont slovaques Jason.
- Y a t'il une différence mon frère ?
- T'es bête, je me moque.
On arrête un taxi qui s'occupe de nous ramener à l'hôtel. En chemin j'ai reçu un appel d'Arturo Mikhova. Il voulait vérifier que l'on avait bien voyagé Jason et moi. Je le rassure à ce sujet et il dit nous attendre le lendemain à la bonne heure.
- Pourquoi on ne va pas directement chez ta mère ? S'interroge Jason après que j'ai raccroché avec monsieur Mikhova.
- Vaut mieux pas. Maman est super. Elle aurait adoré, j'en suis sûr. Mais, je ne sais pas dans quoi je m'embarque avec cette famille. Il vaut mieux tenir la mienne à l'écart. Je ne suis pas venue ici pour les exposer au danger.