Andreina s'esclaffe sans rien comprendre.
- Tu vois, même Nana se moque de toi. Elle sait que tu es une vilaine fille... Très très vilaine fille.
J'éclate en sanglot et me laisse tomber au sol. Mon oncle n'a jamais supporté de me voir pleurer. Je savais qu'ainsi j'allais l'attendrir. Et c'était le cas. Il n'a pas tardé à poser ma sœur et venir me prendre dans ses bras pour me cajoler. J'étais sa princesse et j'en étais consciente. L'attendrir avait toujours été chose facile.
- Hey princesse, ne pleure pas mon bébé. Tu sais parfaitement bien que tu es la préférée de tonton. Bien sûr que je t'adore. Tu es la plus merveilleuse des petites filles de la terre. Tu es belle... adorable.
- Et Nana ? J'ai demandé avec toute l'innocence d'une petite fille de 4 ans de l'époque.
- Elle aussi, il a sourit. Vous êtes merveilleuses.
- Et Aleksa ? J'ai continué.
- Aleksa aussi. Vous êtes les trésors de la famille.
- Quand on sera grande, on te fera des misères tonton. Prépare toi à nous subir.
- Ce ne sera pas grave. Je vous aimerai quand même. Vous recevrez tout l'amour du monde. Jamais vous ne manquerez de quelques choses. Peu importe ce que cela coûtera.
Un bruit dans le couloir me fit revenir à moi même. Je m'empresse d'essuyer cette petite larme qui déborde du recoin de mes yeux avant de gueuler comme une sauvage contre Leila notre assistante.
- Il va finir par être prêt ce fichu dossier ? Je peste contre l'assistante du bureau.
Il n'y a qu'une seule assistante pour cinq personnes au bureau. Normal que cela ne suffise pas et que tout traîne à ce fichu poste. La proposition pour embaucher du personnel a maintes fois été soulevée en réunion. Jusqu'à lors rien n'est décidé. Pauvre Leila ! Ce n'est même pas de sa faute. Un autre jour j'aurais pu comprendre. Mais là, je suis à cran.
Ce jour est particulièrement douloureux pour ma famille. Chaque année, ils organisent une messe et cela se termine par une visite au cimetière. Je n'y vais jamais. Mais ce n'est pas pour autant que la tristesse ne me localise pas. Moi, je l'exprime autrement. Par la "colère" assez souvent.
- Le dossier Leila ! J'hurle à nouveau en farfouillant mon tiroir. Qu'est ce que tu fout encore à traîner le pas ?
La porte de mon bureau s'ouvre alors que je n'ai pas entendu toqué bien avant. Tout le monde ici sait que je déteste ça. Mon bureau c'est mon espace privé. Et j'éxige qu'on le respecte. Je me redresse folle de rage avec l'intention d'en découdre.
- Et surtout ne te gêne pas pour frapper.
- ...
Il m'a fallu relever la tête pour découvrir la personne ayant fait intrusion à mon bureau devant moi.
- Capitaine !
Prise de surprise, je fis le salut militaire.
- Ton dossier Taylor, il me tend le cartable gentiment.
C'est avec tout mon sérieux que je m'approche de lui pour le récupérer. J'aurais du voir qu'il y avait là un piège. A juste quelques pas de lui, il me tire à lui. Je bute contre son torse bien dur.
- Pas ici, je le repousse doucement. C'est mon lieu de travail ici Tristan. Et si quelqu'un devrait arriver ?
- Y a t'il un endroit, un moment précis pour embrasser ma femme ? Tu as manqué à ton homme.
Il me presse contre lui et matérialise ses dires en m'embrassant passionnément. Un sourire étire mes lèvres.
- Tu n'étais pas censé être au front ? Je lui demande lorsque je me détache de lui.
- Je suis là pour toi, il me caresse le visage en s'arrêtant sur mon menton. Pour te voir... Être à tes côtés... aujourd'hui.
Je recule de quelques pas, mon cartable en main.
- Comment ça ?
Je demande mais son regard doux sur moi en ce moment laisse peu de matière à réflexion. Il est là... en ce jour... pour moi. Cela ne peut vouloir dire qu'une chose. Il a sûrement peur que je ne m'effondre de nouveau. Ce n'est arrivé qu'une fois pourtant. Même mes parents ne sont pas au courant.
Tristan et moi, on était marié dépuis peu. 21 ans, c'est l'age que j'avais à l'époque. Tristan en avait 23. Lui et moi, on a succombé à la magie de Végas. Je l'ai entraîné là bas avec moi après une mission pour l'organisation en droits humains pour laquelle je bosse. On s'est pris une cuite et on s'est réveillé, mariés sur un coup de tête. On n'a pas jugé nécessaire de la faire annuler. La folie de la jeunesse, je suppose. C'est après cela qu'il s'est engagé dans l'armée. Je l'y ai encouragé d'ailleurs. Comme pas mal de jeune américain, cela avait toujours été son rêve.
Dans la soirée de notre mariage, j'ai piqué une crise. Tristan m'a retrouvée immergée et inerte dans la baignoire de l'hôtel, une bouteille de vin à côté. Il a eu la peur de sa vie ce soir là. On peut s'imaginer son état. 23 ans et tu te retrouves marié sur un coup de tête à une fille dont tu ne connais pas la famille et qui vient de faire une tentative de suicide.
Tristan est américain et n'avait jamais mis les pieds en Angleterre avant ça. Et mes parents n'avaient jamais entendu parler d'un éventuel petit copain que je pourrais avoir. Et en prime, cela faisait moins d'un an que l'on se frequentait.
Il a voulu savoir par la suite si j'avais regretté à ce point notre mariage pour vouloir en finir aussi vite. C'était dit avec humour. Mais je savais qu'il était encore sous le choc. C'est ce jour là que je lui ai expliqué ce que représente cette date à mes yeux. C'était le jour où mon oncle et toute sa famille ont perdu la vie dans un regrettable accident.
- Était-ce la raison de notre mariage ? M'avait il demandé. Tu fuyais la douleur de cette perte.
- Non. Notre mariage est le fruit de l'amour inconditionnel que je te porte.
On n'en reparle plus dépuis ce jour là car je ne sais toujours pas comment me situer face à tout ça. Mais lui, il me surveille comme de l'eau au feu à cette date. Plus tard, c'est nos familles respectives que l'on était obligé de faire accepter ce mariage précipité. Aujourd'hui encore c'est difficile. La famille de Tristan m'a adoptée. Mais quand à mon père, je crois qu'il a encore mon mal. Façon très poétique de décrire la chose. Mais comme je suis sa princesse, il a dosé sa colère... avec moi seulement. Pour Tristan, c'est une toute autre chose.
- C'est notre cinquième anniversaire de mariage aujourd'hui madame. Tu aurais voulu que je sois ailleurs ?
Tristan se rapproche et prend place sur le bureau.
- Mais vous ne devriez pas rentrer avant une semaine.
- La mission a pris moins de temps qu'il n'était prévu. Alors j'ai demandé la permission à mes supérieurs pour rentrer retrouver ma petite femme qui me manquait sérieusement. Je n'allais pas te laisser festoyer sans moi madame Taylor, il rigole.
- Hmmm !
- Pose le cartable. On prend le reste de la journée pour nous.
- D'accord. Mais...
- Rien. Juste suis moi.
- Ok. Mais...
- Tu as eu ton frère aujourd'hui ? Il ne me laisse pas finir. C'est son anniversaire, non.
- Exactement. Mais non. On ne s'est pas parlé. Junior est... Je lui ai simplement envoyé une vidéo pour lui souhaiter un joyeux anniversaire, je me contente de répondre. Je l'appellerai ce soir en rentrant. Avec le temps, il s'y est habitué. Juju sait que je l'aime.
- D'accord. Allons y, il glisse son bras droit au bas de mon dos. Je t'emmène au pays des rêves ce soir.
- On emmène notre fille aussi ?
- Non. Rien que toi et ton merveilleux mari sweet darlin0g.
Manchester, Angleterre
Milan Ivanović
Ma deuxième fille ainsi que ma femme me voit en méchant de l'histoire alors que ce gamin est juste con. Il fait les choses comme un sombre idiot sans cervelle. Franchement, si je n'avais pas confiance en ma femme, j'aurais douté de ma paternité. Il y a des jours où je me demande s'il n'a pas été échangé à la maternité le jour de sa naissance. Avec tous les chambardements qu'il y a eu ce jour là dans nos vies, c'est possible.
Son cas est bien trop complexe. S'il pense se complaire à l'idée que son père ainsi que sa mère soient riches pour ne rien foutre de sa vie, il se réveillera très bientôt de son rêve avec la migraine. Je ne vais pas bosser durement pour assurer une vie luxueuse à des enfants qui ne foutent rien par et pour eux même. Un fils encore moins. Je n'élève pas des moins que rien chez moi. A son âge j'avais certes pris un mauvais chemin. Mais je faisais quelques chose.
Chez moi, je n'encourage ni la faiblesse, ni le fainéantisme. La connerie encore moins. Je n'avais pas son âge et j'étais déjà indépendant. J'ai tenu mes enfants éloignés de ma double vie. Ils se doutent bien que leur oncle et moi, on a trempé dans des histoires louches par le passé. Cela a été relaté par la presse tant de fois. Toutes des fois où on a pu contenir la vague. Mais aucun d'entre eux ne sait de quoi il en est question réellement. Ils n'étaient que des gosses. Et aujourd'hui personne n'ose en parler.
A chacun, ils ont un bon capital pour se mettre à l'abri. Et je ne parle même pas de ce que moi, je vais leur léguer à ma mort. C'est Ghost qui s'en est assuré. Il y a tellement à faire dans cette vie que quand j'entends mon fils me parler de beaux arts j'ai la migraine. Combien y a t'il de gens ayant réussi leur vie en effectuant ce choix ? Ils ne sont pas un grand nombre en tout cas.
Le tintement de mon téléphone me signale un message rentrant. Je ressors le téléphone pour en découvrir le contenu. C'est de la part de Luan.
"Boss, on a du nouveau."
- J'ai failli attendre, je souffle un peu.
Je relance son numéro automatiquement en quittant le salon. Kyra n'est pas le genre à menacer pour un rien. Alors je sais qu'elle s'exécutera si elle me surprend à continuer dans les mêmes travers. Depuis Ghost, elle devient de plus en plus sensible à cette histoire.
- Quelles sont les nouvelles ?
- On a pu retracer d'où les ordres sont venus.
- De qui donc ?
- Ghost.
- Pardon !
Je m'arrête brusquement.
- Ghost ! C'est quoi cette mauvaise blague ? Je demande perdu.
- J'ai eu la même réaction moi aussi boss.
- C'est qui celui là encore ? Il est connu ?
- Non. C'est juste un abruti qui s'est surnommé ainsi. Il croit faire peur à qui ?
- Tiens donc ! Un usurpateur ! Il cherche quoi ? Tu en as une idée ?
- Rien de bien concret. Se faire un nom, je suppose. Le boss a eu une réputation à en faire des envieux. Il en profite sûrement. C'est sans intérêt pour nous, je dirais.
- Sauf que celui là s'attaque à mon fils. C'est un idiot, je n'en disconviens pas. Mais c'est de mon unique fils qu'il s'agit... mon petit dernier. Quel genre de père serais je si je ne fous rien ? Ma femme ne me l'aurait pas pardonné. Alors, ce type, il lui sera enlevé toutes envies de prétendre à être qui il n'est pas, je dis en fixant mon fils qui se tient auprès de la piscine, non loin de là où j'étais, à faire les cents pas nerveusement, téléphone à l'oreille.
Façon il m'a l'air apeuré, un peu plus et il fait dans son froc. Je suppose qu'il est en communication avec l'un d'entre eux. Et qu'il se fait menacer.
- Bon Dieu ! Est ce vraiment mon fils ?
- Pardon !
- Ce n'est pas à toi que je m'adressais... Un adresse à me communiquer, Luan ?
- Déjà fait boss. Je vous l'ai envoyé par message avant même cet appel.
- Bien. Merci.
- On a quelques hommes encore fidèle pour effectuer le boulot.
- Je m'en charge Luan. Tu n'as pas à t'en faire.
- C'est dangereux d'y aller vous même. On ne connaît pas encore ses intentions vraies.
- Moment propice pour le découvrir alors.
- Vous pouvez compter sur moi. Pas besoin de le mentionner.
- Je sais. Mais ce n'est pas encore le moment de te mouiller.
Je raccroche et glisse le téléphone dans ma poche. Zayn et Luan se sont rangés. Tous deux mariés et père de famille, ils ont mis sur pied une agence de sécurité et bossent dans le privé. Des affaires complètement reglos. Mais de temps en temps je fais appel à eux car mon cercle de confiance est assez restreint. Au fil des années, ils ont fait preuve de loyauté. Ce sont des gens sur lesquels je sais que je pourrai toujours compter. Et ceci en toute circonstance.
Je rejoins ma femme. Elle revenait de la douche quand je suis rentré. Je me pose sur le lit et l'appelle à moi.
- Viens.
Elle arrange son pegnoire, vient se poser sur mes cuisses, puis m'enlace par le cou. Ma femme n'a pas besoin de s'exprimer par des mots pour que je comprenne à quel point elle a mal. Cela me fend le cœur de la voir si déprimée chaque année à la même date et de ne rien pouvoir y faire malheureusement. Je ne peux que juste être là pour elle. Aussi longtemps que mon corps de vieux le permettra.
- Je sais que c'est assez difficile pour toi. Ce jour est... Les mauvais souvenirs que traînent ce jour ne vont pas disparaître par un cou de baguette magique. Sache que moi je suis là. Je ne vais pas te lâcher. Ce ne sont pas que des promesses mon amour.
- Mon frère m'a répétée exactement la même chose avant de se faire exploser des heures plus tard.
- Au delà de ta douleur, tu as aussi besoin de pardonner à ton frère mon cœur. Pardonne toi d'avoir réussi à l'innocenter un peu trop tard pour qu'il reste. Pardonne aussi à ton frère d'avoir choisi cette voie.
- Peut être... Un jour... Je suppose que c'est la chose à faire.
Elle tente de se lever.
- Reste là, je pose ma tête sur son épaule gauche. J'ai besoin de me recharger un peu. J'ai besoin de calme, de douceur...
- Tu pars à la guerre mon chéri ?
- Même pas. Je veux juste que tu prennes soins de moi.
Je la renifle. Elle sourit.
- Va d'abord prendre ta douche. Et ensuite...
Elle me lance un regard suggestif. Elle n'a pas besoin d'user de mots. Le message est clair. Si clair que je sens les mouvements de mon trop vieux soldat.
- A vos ordres cheffe !
Je me lève alors qu'elle reste accrochée à moi.
- Je t'aime.
- Je t'aime aussi.
Je l'embrasse et la pose délicatement. Par la suite, je vais à la douche. Là bas, j'enlève mes vêtements et me positionne sous le pommeau d'eau. J'actionne le bouton pour laisser couler l'eau. Je commence par la suite par me frotter tout le corps, les yeux fermés. Des bribes de souvenirs d'Alex et moi me revinrent par flash.
- Ce dans quoi tu te lances est dangereux mon frère. Pour toi cela aurait pu passer. Tu y es habitué. Mais vous trois ensemble ? C'est du suicide. Ta fille n'est encore qu'un bébé mon frère. Juste 3 ans. Ne me fait pas ça. Laisse les moi. Tout comme ma femme et mes enfants, je les protégerai au péril de ma vie. Elles n'ont pas à vivre ça.
- Lindsay ne souhaite pas rester mon frère. Curtis lui a promis la même chose.
- Et si ça tournait mal ? Tu t'imagines le bordel ?
- On n'a qu'à espérer que non mon frère.
Deux coups sont portés à la porte de la douche. Ce qui me ramène à l'instant présent.
- Milan !
- Oui mon cœur ! Tu as besoin de moi ?
- Non. L'eau coule depuis des lustres. Je ne t'entendais pas.
- Je suis là. Ne sois pas impatiente, je la taquine. Je viens prendre soins de ton corps doudou. Je fais au plus vite.
- Hmmm !
Je me dépêche de me laver et sortir de là. L'ambiance tamisé de la pièce créée par la lumière des bougies disposées au pied du lit m'accueille. Kyra avait enfilé un ensemble rose fuchsia en dentelles mis en valeur par son petit corps qui me rend toujours aussi bête. Elle est trop belle ma femme. Même la maternité n'a pas eu raison de son corps de déesse.
Aujourd'hui ma femme a 49 ans. Ce n'est plus le même corps de petite jeune impoli que lorsque l'on s'est connu. Mais elle est toujours délicieuse ma petite femme. Le plus important, je suis toujours aussi fou amoureux de cette femme. Moi non plus je ne suis plus si jeune. A 63 ans je suis beaucoup plus près de la tombe que mon corps bien conservé le laisse paraître.
- Approche !
Elle me tire à elle sensuellement.
- Tu as dit vouloir te détendre. Sache qu'il n'y a pas mieux que ce que je te réserve pour s'en charger mon roi.
- Parle moi de ça ma tigresse. Je te suis les yeux fermés partout où tu m'emmèneras.
Je m'installe et laisse libre cours à son imagination pour commander mon corps. Les bras de ma femme reste et demeure mon plus grand refuge à tout jamais. Me réveiller entre les cuisses de ma femme, il y a pas meilleur moyen pour me détendre que celui-là.
- Je t'aime ma reine.
- Mon amour pour toi n'a pas d'égal Milan.