Je vous salue Marie...
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Chapitre 4 No.4

J'ai réalisé tout à coup que nous étions en conversation presque mondaine et qu'il semblait avoir oublié le but supposé de ma visite. Pourtant ce que je devais lui annoncer était une chose terrible dont il n'avait pas la moindre idée. J'étais assez mal à l'aise et je voulais en finir vite. Quand il s'est tourné vers moi j'ai préféré aller droit au but.

- Monsieur McCall, votre épouse, Joan McCall, possède bien une Chrysler Conquest de 1988 de couleur rouge ?

- Oui, c'est un vieux modèle, mais de toutes ses voitures c'est sa préférée. Elle a eu un accident, c'est ça ? Je m'inquiétais qu'elle ne soit pas rentrée. J'espère qu'elle n'est pas blessée.

- Je suis désolé, monsieur McCall, nous avons retrouvé sa voiture, et votre femme a été retrouvée sans vie dans son véhicule. Je suis désolé.

Le déni, le KO debout... rien de tout ça. Peter McCall est resté imperturbable, juste peut-être quelques mouvements imperceptibles de son visage qui pouvaient faire penser qu'il encaissait le coup.

- Qu'est-il arrivé ? Un malaise, une attaque cardiaque ? Ou était-ce un accident ? Elle a heurté une autre voiture ? Elle est rentrée dans un arbre, dans un mur ?

J'étais surpris qu'il s'attache aux détails techniques de l'éventuel accident.

- Rien de tout cela monsieur McCall ; je suis désolé, mais il s'agit en fait d'un meurtre. Elle a été tuée par une arme à feu.

Je ne voulais pas évoquer l'horreur de la scène, mais j'ai senti que le gars était ébranlé, même s'il voulait donner le change en essayant de ne pas réagir et rester digne. Une telle maîtrise de soi était rare. En général, la personne est anéantie devant ce genre de nouvelle avec les jambes qui flageolent et le besoin de s'asseoir. McCall est resté debout sans bouger pendant quelques secondes qui ont paru interminables. Son visage avait juste un peu pâli. Il restait immobile, le regard fixe semblant s'imprégner de l'horreur de cette nouvelle. Ce peu de réaction, ce détachement apparent, me mettait mal à l'aise au point que je me demandais s'il n'y avait pas un problème sérieux dans le couple

- Mais je ne comprends pas, c'était quoi ? Un vol ? Une agression sexuelle ?

- Les premières constatations sembleraient indiquer que le vol ne soit pas le motif de l'agression. Votre épouse avait sur elle un collier, un bracelet et des bagues qui devaient représenter beaucoup d'argent, et son portefeuille contenait une coquette somme en liquide. Par ailleurs, rien n'indique a priori qu'elle ait été victime d'une tentative de viol.

- Je ne comprends pas. C'est impossible ! Mais alors quoi ? Où cela s'est-il produit ?

- Votre épouse était encore au volant de sa voiture au bord du canal près de l'ancienne demeure de l'éclusier.

- Oui, je vois très bien où c'est. Nous allions parfois nous balader ensemble de ce côté. Mais comment est-ce arrivé ? Qui l'a trouvée ?

- C'est une personne qui promenait son chien qui a vu la voiture stationnée en contrebas de la route et qui en s'approchant a vu la scène de crime. Je suis vraiment désolé. Monsieur McCall, savez-vous si elle avait rendez-vous avec quelqu'un à cet endroit en cette fin d'après-midi ?

- Non, pas du tout. Je suis rentré en début d'après-midi d'un chantier et je ne me suis pas préoccupé de son absence me doutant qu'elle avait dû aller faire quelques courses ou voir des amies comme elle en avait l'habitude. Mais le soir, j'ai commencé à m'inquiéter. Ce n'est pas son habitude de rentrer tard, ou si quelque chose la retient, elle prend toujours la peine de me prévenir. J'ai essayé de lui téléphoner, mais je suis tombé sur son répondeur. J'ai appelé ma fille qui ne savait pas non plus où elle pouvait être. Sa meilleure amie que j'ai également appelée m'a dit en revanche qu'elles s'étaient retrouvées au supermarché, et que ma femme lui avait déclaré vouloir rentrer rapidement pour préparer un dîner qui devait être une surprise pour moi. Tout ceci commençait à devenir inquiétant d'autant qu'elle avait déclaré à son amie ne pas vouloir s'attarder et rentrer rapidement. À vingt-deux heures, ne la voyant toujours pas arriver, je me suis décidé à appeler le poste de police, craignant qu'elle ait eu un accident. C'est horrible, un meurtre ! Mais que dois-je faire ? Puis je la voir ?

- Elle a été transférée à l'institut médico-légal du comté, mais je pense que vous n'aurez pas à vous y rendre pour l'identification, à moins que vous n'y teniez absolument. Son permis de conduire retrouvé sur la scène de crime, ses affaires personnelles et ses empreintes suffiront à l'identifier formellement. Avait-elle, en dehors de vous et votre fille, de la famille, des parents, des frères, des sœurs ?

- Non, elle était seule, elle n'avait plus ses parents. Mais c'est incompréhensible. Si ce n'est pas une mauvaise rencontre avec quelqu'un qui en voulait à son argent ou qui voulait l'agresser sexuellement qui cela pourrait-il être ? Elle n'avait aucun ennemi, au contraire elle était appréciée de tous.

- C'est ce que l'enquête devra déterminer, et votre aide nous sera très précieuse. Ce qui m'interpelle c'est l'endroit où a eu lieu le meurtre. Ce n'est pas un endroit où on s'arrête, surtout quand, comme vous me l'expliquiez, on est pressé de rentrer chez soi pour préparer un repas. Ça a plus l'air d'un lieu de rendez-vous et dans ce cas il faudra déterminer qui elle avait l'intention de voir. Vous avez dit que c'est un endroit où vous aviez coutume de vous rendre en compagnie de votre épouse. Il est donc possible qu'elle ait choisi ce lieu familier pour y rencontrer quelqu'un. L'autre possibilité, c'est qu'elle ait été agressée au moment où elle montait dans sa voiture, et forcée de s'arrêter à cet endroit précis.

- Je n'ai aucune explication. Je ne comprends pas, c'est irréel. Que dois-je faire ? J'avoue que je suis totalement désemparé. Je n'arrive pas à y croire.

- Pour l'instant du côté de l'enquête il n'y a rien d'autre à faire ce soir. La police scientifique est encore sur les lieux pour récolter un maximum d'indices et va ensuite emporter la voiture dans nos locaux pour une analyse approfondie. Le mieux c'est que nous revoyions tout cela ensemble dès demain matin

- Je vais me rendre sur les lieux du meurtre, je veux voir de mes yeux ce qui a pu se passer.

- Je ne vous le conseille pas. Cela risque d'être très traumatisant et vous risquez de perturber le travail des experts médico-légaux. Monsieur McCall, en fonction de mon expérience, permettez-moi de vous dire que vous ne devriez pas rester seul ce soir. Appelez votre fille ou des amis, cela vous aidera.

- Oui, vous avez raison, je vous remercie lieutenant de votre sollicitude.

- Je vous demande simplement de rester à la disposition de la police pour la suite de l'enquête.

J'étais arrivé à placer la phrase qui allait me libérer. Heureusement pour moi, c'était certainement un homme très pragmatique et il s'était rendu à l'évidence qu'il n'y avait plus rien à faire ce soir. J'étais arrivé à le persuader de ne pas se rendre sur place même si je savais qu'à cette heure le corps de son épouse avait déjà été transporté à la morgue. Cela m'a permis de prendre congé en plaçant ma deuxième phrase enfonceuse de portes ouvertes, « croyez que nous allons tout faire pour retrouver le meurtrier de votre épouse et bien sûr, nous vous tiendrons informé des avancées de l'enquête ». Cela pouvait le rassurer et me permettait de mettre un terme à cette conversation. En partant, je lui ai laissé ma carte en lui faisant remarquer qu'il y avait mon numéro de portable et qu'il pouvait me contacter à n'importe quel moment s'il le souhaitait ou si un détail lui revenait en mémoire. Il était plus d'une heure du matin quand je l'ai quitté.

La nuit était fraîche et contrastait avec la douce chaleur qui avait régné toute la journée. J'ai rejoint ma voiture et ai conduit lentement jusque chez moi dans les rues presque désertes à cette heure tardive. J'adorais ce moment où la ville endormie semblait offrir ses rues au plaisir de la conduite. J'ai mis en sourdine un CD de Miles Davis qui m'a accompagné jusqu'au bout de l'agglomération. Les lumières des vitrines des supermarchés ouverts 24 h sur 24 et les enseignes lumineuses avaient laissé place au calme des sous-bois où se cachaient des maisons cossues, au porche délicatement éclairé, comme pour inviter le passant à entrer. Parfois dans l'obscurité je voyais briller sur le bas-côté, les yeux d'une biche égarée qui me regardait passer imperturbable. C'était vraiment un beau quartier et mon épouse adorait cette maison devenue maintenant trop grande pour moi seul. J'étais content de rentrer. Je savais que Cookie, ma petite chatte Korat, devait commencer à s'impatienter. Heureusement qu'elle pouvait entrer et sortir par la chatière que j'avais aménagée sur la porte donnant sur l'arrière de la maison vers le jardin. C'était ma seule compagne ; elle remplissait avec la plus grande affection la solitude qui parfois me pesait. Ce petit animal me rappelait mon épouse. C'était elle qui l'avait baptisé ainsi parce qu'elle était en train de cuisiner des petits biscuits le jour où elle l'avait découvert dans notre jardin. Mon whisky, lui, m'aura-t-il attendu ? Je crois que j'allais l'oublier pour ce soir, et passer directement à mon repas qui allait se résumer à un bol de pâtes chinoises qui traînaient dans le placard de ma cuisine. Comme à mon habitude je me suis encore obstiné avec les baguettes, pour capituler une fois de plus et finir avec la fourchette, puis suis allé me coucher gardant toujours dans la tête, cette image de la Vierge qui semblait me sourire.

            
            

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