Je vous salue Marie...
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Chapitre 3 No.3

Chapitre 2

J'étais en plein délire ; je savais que le cauchemar allait reprendre et que Joan McCall risquait d'être la première d'une nouvelle liste de meurtres en série. La sonnerie de mon téléphone me ramena à la réalité, à l'horreur de la scène de crime. C'était le bureau qui me faisait part de plusieurs appels d'un certain Peter McCall qui s'inquiétait que son épouse ne soit pas rentrée, et qui voulait avertir la police de sa disparition. L'agent de faction au poste sachant qu'une femme venait d'être découverte assassinée avait jugé opportun de me prévenir, pensant qu'il pourrait peut-être y avoir une relation. Et comment qu'il y en avait une ! C'était bien l'épouse de Peter McCall, qui était là, tel un pantin désarticulé, la tête à moitié arrachée.

Il était un peu plus de vingt-trois heures et j'aurais préféré ne pas savoir que le mari avait déjà signalé la disparition de sa femme à la police. Tout cela aurait pu être réglé le lendemain matin à la première heure, après que la police scientifique avait relevé tous les détails de la scène de crime, que le corps ait été transporté à la morgue et la voiture amenée dans les locaux de la police pour y être analysée en détail c'est-à-dire dans au moins deux bonnes heures. J'aurais pu alors rentrer chez moi, essayer d'imaginer le déroulement du meurtre, et me concentrer sur cette vision de l'image pieuse qui, quatre ans auparavant, avait hanté chaque jour de ma vie. Mais je ne pouvais me dérober. Il me fallait absolument aller chez les McCall. De toute façon, le mari attendait une réponse de la police ; sa femme avait disparu et il voulait savoir ce qui avait pu lui arriver. J'avais repéré, sur le permis de conduire de la victime, leur adresse dans un quartier ultra résidentiel. J'allais devoir lui apprendre que son épouse avait été retrouvée assassinée sans décemment pouvoir lui dire « ne vous en faites pas monsieur McCall, on verra tout ça tranquillement demain » ! Ça allait être un coup d'une heure ou une heure et demie du matin, si toutefois j'arrivais à le raisonner. J'avais malheureusement dû faire ce genre de démarche à de nombreuses reprises dans ma carrière et à chaque fois c'était le même scénario accompagné des mêmes sentiments, qui me tordaient les tripes. C'était toujours la même scène qui se répétait, je frappais à la porte, la personne était surprise de voir un inconnu se présenter chez elle, puis se rassurait quand je présentais ma plaque, puis s'inquiétait à nouveau de la raison qui pouvait m'emmener, puis me permettait d'entrer, et enfin, m'écoutait lui annoncer la nouvelle qui allait soudain changer sa vie. L'atmosphère se figeait, le visage de la personne semblant réagir à chaque mot prononcé pour finalement devenir totalement livide. On a coutume de dire que le déni est la première étape du deuil, mais je peux assurer, pour l'avoir ressenti et constaté à chaque fois, que le déni est éphémère et que c'est un véritable coup de poing d'une rare violence qu'on encaisse en plein visage, et c'est l'anéantissement, le KO debout.

Bien qu'il n'y ait plus beaucoup de voitures à cette heure avancée de la nuit j'ai dû mettre environ quarante-cinq-minutes pour arriver chez les McCall ce qui m'a permis de peaufiner mon laïus pour lui annoncer la nouvelle. Il n'était évidemment pas question d'évoquer la présence de l'image pieuse près du corps de son épouse, ce n'était pas le bon moment. Si j'en parlais, il voudrait en savoir plus et je n'avais ni l'envie ni les éléments suffisants pour évoquer des pistes possibles de l'enquête. J'allais probablement me contenter des formules laconiques qui enfoncent des portes ouvertes du style « une enquête est en cours et tout sera mis en œuvre pour retrouver le ou les assassins. Nous vous tiendrons informé évidemment du déroulement de nos investigations ».

Le quartier était splendide et respirait la richesse et le confort, sous la lumière douce des lampadaires. La maison des McCall construite sur un talus était une impressionnante bâtisse avec des colonnades entourant le porche. Elle était d'un luxe peu commun ; une large allée montait en pente douce vers la porte d'entrée, au milieu d'une pelouse à faire pâlir d'envie les joueurs de boulingrin les plus exigeants. Contre la maison et dans le jardin, des éclairages feutrés adoucissaient l'ambiance. Je n'ai pu m'empêcher de penser à madame McCall qui avait toujours vécu dans cet environnement luxueux et protecteur ; elle n'aurait jamais imaginé mourir abandonnée dans une voiture, près d'une maison modeste et d'un canal à l'eau croupissante. Arrivé sous le porche d'entrée, je n'ai même pas eu le temps de sonner. Malgré l'heure tardive, McCall, qui avait dû m'entendre arriver, m'a ouvert la lourde porte en bois précieux. Visiblement, il m'attendait. C'était un homme grand d'une stature imposante, aux cheveux châtain clair, et aux yeux verts un peu délavés ; une mâchoire marquée et un menton légèrement saillant laissaient entrevoir un caractère déterminé. Habillé de façon élégante et décontractée, il dégageait une impression de force tranquille. Je l'ai immédiatement reconnu pour avoir vu plusieurs de ses photos dans le magazine Forbes. Une célébrité dans le domaine industriel et économique

C'est certainement parce que je savais qu'il faisait partie de notre communauté, que je m'étais intéressé à cet article sur lui. Je me souvenais assez bien du portrait qui en était fait dans le magazine. Peter McCall, 53 ans, d'origine irlandaise, n'avait pas voulu suivre les traces de son père, un chirurgien réputé et extrêmement apprécié. Il s'était dirigé vers l'architecture et avait été brillamment diplômé du MIT. Il était passionné par la conception de nouvelles structures dans le bâtiment et vouait une admiration passionnelle pour les grands maîtres, Nouvel, Ghery, Johnson ou Ma Yansong. Il s'était taillé une bonne réputation dans un cabinet new-yorkais puis s'était lancé dans la promotion et la construction d'immeubles dont il concevait les plans et le design. C'était un domaine difficile, semé d'embûches, avec une concurrence féroce, pourtant McCall avait su s'implanter dans ce milieu et avait su imposer la « touche McCall ». L'homme était apprécié et faisait autorité dans son domaine. À de nombreuses reprises, il avait été sollicité par la télévision pour expliquer, du point de vue technique, comment la structure des tours du World Trade Center avait pu s'écrouler lors de l'attentat du 11 septembre 2001. Sa renommée d'architecte avait bien sûr contribué à sa réussite, mais la fortune de sa femme l'avait beaucoup aidé à devenir un des promoteurs immobiliers les plus importants, sinon le plus important de la côte Est.

- Monsieur McCall ? Je suis le lieutenant Mike Perugiano de la police criminelle. En disant cela, je lui présentai ma plaque. En général, ça rassure et en même temps ça impressionne. Ça n'a pas du tout été le cas pour lui. C'était certainement quelqu'un qui avait l'habitude de côtoyer des gens haut placés, des personnalités politiques ou du spectacle, alors un petit lieutenant de police ne devait pas peser beaucoup pour lui.

- Oui, entrez, je suppose que vous venez au sujet de ma déclaration de disparition de mon épouse Joan. Mais je ne pensais pas avoir la visite d'un lieutenant de la criminelle.

Était-il impressionné par ma fonction ?

Passé le hall d'entrée, j'ai eu l'impression de me retrouver dans une salle de bal tellement le séjour était spacieux. Devant mon étonnement, il s'est empressé de me dire que cette maison avait appartenu à une star de cinéma des années soixante-dix, un peu mégalo, dont il ne m'a pas donné le nom. Je me suis dit que, bizarrement, au lieu de se faire construire une maison totalement à son goût, lui l'architecte de renom, il avait préféré acheter celle d'une star de cinéma. Était-ce parce qu'il appréciait le décor hollywoodien de ces années un peu folles ? Pour son côté un peu kitch ? Ou plus simplement parce qu'elle lui avait plu ! Il l'avait quand même fait restructurer pour lui donner un aspect un peu plus intime. Comment cela devait-il être avant la restructuration ! Il faut dire que c'était meublé et décoré avec un goût exquis. Pour casser l'impression d'immensité, un luxueux escalier design mêlant harmonieusement la chaleur et la douceur du bois avec la force de l'acier complétait harmonieusement la pièce. Le mélange subtil et recherché de meubles anciens et de meubles ultramodernes disposés autour de tapis épais arrivait à donner à la pièce un charme d'une extraordinaire finesse d'où se dégageait une impression de bien-être. Beaucoup de cadres disposés çà et là montraient Peter et Joan épanouis en différents endroits tous aussi paradisiaques les uns que les autres. Ils semblaient former un couple vraiment uni et heureux. Près de la cheminée, j'ai immédiatement flashé sur un tableau aux couleurs vives et aux lignes géométriques qui m'a fait penser à un Kandinsky. Voyant mon intérêt pour cette peinture, Peter me confirma, avec une pointe de fierté dans la voix, que c'était bien une œuvre du célèbre peintre russe qu'il avait acquise à une vente aux enchères chez Christie's à Londres. C'était un de mes peintres préférés. J'étais subjugué, moi qui m'essayais, dans mes moments de détente, à faire quelques tableaux qu'en général je badigeonnais aussitôt après, tant j'étais satisfait de mon « œuvre » !

            
            

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