Condamné à fuir
img img Condamné à fuir img Chapitre 5 Bonsoir Злато !
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Chapitre 6 La descente aux enfers img
Chapitre 7 Maintenant ou jamais img
Chapitre 8 Jusqu'à ce que tu me voies img
Chapitre 9 Poison et pouvoir img
Chapitre 10 Ce que la colère nous laisse img
Chapitre 11 Quand l'amour s'en va img
Chapitre 12 L'égo, le cœur et les ruines img
Chapitre 13 Un jour après l'autre img
Chapitre 14 Personne ne se joue de moi img
Chapitre 15 Desilusionnal img
Chapitre 16 Nouvelle vie, nouveau départ img
Chapitre 17 Liens du sang img
Chapitre 18 Chacun sa placeau bord du vide img
Chapitre 19 Et ça recommence img
Chapitre 20 Familly first img
Chapitre 21 Divorcer img
Chapitre 22 Un empire à maintenir img
Chapitre 23 C'est trop calme img
Chapitre 24 Au plus offrant img
Chapitre 25 Je te tiens img
Chapitre 26 Se sacrifier img
Chapitre 27 Une question de pouvoir img
Chapitre 28 A malin, malin et demi img
Chapitre 29 Comme une évidence img
Chapitre 30 Le calme avant la tempête img
Chapitre 31 Ça se précise img
Chapitre 32 Ça sent le brûlé img
Chapitre 33 Derniers instants img
Chapitre 34 Adieux Ghost img
Chapitre 35 Épilogue img
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Chapitre 5 Bonsoir Злато !

Bruxelles, Belgique

Lindsay Kimberley Petrović D.

Je crois que je n'ai jamais regretté une décision aussi vite. Dès que j'ai franchi le seuil de son appartement, avec ma fille dans les bras et la fatigue dans chaque muscle, j'ai su que j'avais fait une erreur. L'odeur de son gel douche, le son de sa voix encore ensommeillée, même la lumière froide qui glisse sur le parquet... tout ici me crie que je n'ai pas ma place. Surtout pas après ce qui vient de se passer.

Elle doit sûrement penser que j'ai fait ça pour l'embêter. Ou que j'ai toujours des vus sur son chéri. Et que maintenant que je ne suis plus avec mon mari, je me projette avec son homme. Dieu seul sait que je n'ai pas ces genres de pensées en tête. Yoan et moi, même sans Alek dans les parages cela n'aurait pas marché. On est bien trop différent lui et moi.

Le désespoir me pousse à faire des choix non calculés. Malheureusement, les répercussions sont grandes. Alors je tente de limiter les dégâts. Je serre ma fille contre moi. Son petit bonnet rose couvre à peine ses joues, elle dort sans se douter une seconde de la merde dans laquelle je l'ai traînée. Je ramasse mon sac, la prends dans les bras et je cherche la sortie.

- Tu devrais la rattraper. Cela ne peut pas se finir comme ça. C'est ma faute en plus. Je n'aurais pas dû venir t'importuner dans ton couple en sachant l'idée qu'elle se fait de moi.

Je ferme les yeux une seconde. Respire. Puis je me retourne lentement, la gorge nouée.

- Elle pense que je suis venue pour te récupérer. Voilà ce qu'elle croit. Elle pense que j'ai vu une faille dans votre couple et que j'ai foncé. Parce que je suis célibataire, donc forcément désespérée. Tu sais à quel point c'est humiliant, Yoan ?

Il baisse les yeux, recule un peu.

- En me laissant devenir le problème, t'as oublié que j'étais venue chercher de l'aide. Pas foutre le feu chez vous. Alors, rattrape-la.

Je le regarde, droit dans les yeux. Il ne soutient pas mon regard longtemps.

- Pourquoi faire ? Inaya est sauvage et je devrais la supporter dans sa sauvagerie ? Tu n'es en riens responsable de son caractère.

Je reviens sur mes pas.

- Tu n'avais pas à lui parler de la sorte toi aussi. Devant d'autres personnes encore moins. Ce genre de chose ne passe jamais inaperçue aux yeux d'une femme.

- Oui. Mais...

- Si ça avait été moi, tu m'aurais parlé comme ça ?

Il soupire, les mains dans les poches, comme un gamin pris en faute.

- A moi aussi cela ne m'aurait pas plu si j'étais à sa place. Je voulais juste ton aide. A cause de moi vous avez des problèmes maintenant.

- Ce n'est pas pareille... Laisse ça. De toute façon tu ne vas rien comprendre. Parlons de toi. Tu vas faire quoi ?

Je détourne les yeux.

- Trouver une autre solution. Déjà, c'était une très mauvaise idée de venir chez toi. En quittant chez moi, je n'avais pas espéré rentrer en Belgique. Venir à Bruxelles encore moins. Pourtant je suis là. C'était la première opportunité qui était venu à moi. Je trouverai bien une façon. Ce dont je suis sûre, je ne reste pas chez toi.

- Ne soit pas têtue Lindsay. Tu as un enfant avec toi. Tu as besoin d'un endroit sûr pour elle. Inaya ne va rien faire. Elle aboie plus qu'elle ne mord.

- Cet « endroit sur » dont tu parles, ne l'est ni pour moi, ni pour ma fille. Je suis prête à parier qu'à cause de ta copine mon mari est déjà au courant d'où je suis en ce moment. Chose que je ne voulais pas.

Il me fixe, contrarié. Puis, sans un mot de plus, il se détourne brusquement.

- Attend moi là. Je reviens.

Il disparut du salon pendant quelques minutes. Je reste là, figée dans l'entrée. Seule. Le silence est retombé. J'entends seulement la respiration paisible de ma fille contre ma poitrine. Je baisse les yeux vers elle, et je murmure :

- Tu méritais mieux que ça, ma chérie. Promis... maman va trouver mieux.

Il revient avec une petite valise dans les mains. De ce qu'il m'a dit, il y avait de l'argent à l'intérieur.

- Tu ne veux pas rester. Je ne peux donc pas t'y obliger. Prend cette valise. Je t'ai mis un peu d'argent. Je ne vais pas accepter un autre refus de ta part. Et si tu as besoin de moi, n'oublie pas. Je serai toujours là pour toi. Toujours. Tu n'auras qu'à m'appeler.

Je le prends dans mes bras pour le remercier. Puis, je repars avec ma fille. Après cet épisode, tout en moi me disait de ne pas rester en Belgique. A Bruxelles encore moins. J'ai essayé de trouver un vol pour la France ou les Pays bas pour faire plus proche, je n'ai pas trouvé de vol pour le jour même. Le plus tôt que j'ai trouvé, c'est pour demain 16 heures. Je ne prends pas. Je prends juste un bus pour liège tout simplement. J'ai passé l'après-midi là-bas et le lendemain, je me suis envolée vers Paris.

Paris, France

Deux heures plus tard, j'avais déjà atterri là-bas, trouvé un Airbnb où loger ma fille et moi. On avait même déjà pris notre douche. L'appartement est petit, modeste, avec une odeur de lessive bon marché et de bois humide. Mais il est propre, calme, discret. C'est tout ce que je pouvais espérer.

Je suis allongée sur ce lit trop mou, les draps encore un peu rêches. Ma fille est blottie contre moi, déjà endormie. Une minuscule main sur mon bras, comme pour me dire : « Je suis là, maman. Je te fais confiance. »

Je l'observais, dans le silence ouaté de cette chambre étrangère. Ses paupières fermées, son souffle régulier, ses boucles encore humides qui collent à son front. Elle s'adapte. Elle encaisse. Trop bien pour un bébé. Cela m'attriste de lui faire subir cela. Mais, il le fallait. En une semaine à peine, ma fille a vécu de tout. Pourtant, elle ne rechigne pas. Elle est trop forte. Trop forte même pour un enfant de son âge. J'ai été chanceuse sur ce coup. C'en est presque injuste.

Imaginez avoir ma fille qui pleure comme une sauvage alors que je devais voyager pour sauver ma peau. Cela aurait été une vraie catastrophe pour moi.

J'ai attendu une semaine pour prendre mes marques. Puis j'ai entrepris les démarches pour une petite maison. Le travail viendra après. En parlant de boulot, je repense au fait que je sois partie sur un coup de tête. J'avais tellement de choses en suspens. Je crains que l'entreprise ne tient pas.

J'ai essayé de me connecter sur le site pour vérifier le déroulement des choses. J'ai aussi cherché à rentrer en contact avec ma secrétaire pour gérer les équipes à distance. Sarah et Stephen gère très bien ordinairement leurs missions. Alors je les ai délégués pour gérer en mon absence.

Avec Céline, on s'est fait un petit calendrier pour mes réunions. Je pourrais travailler en visio lorsque ma présence sera requise en attendant de trouver une meilleure solution.

Les premiers jours, semaines, mois, tout allait bon train. J'effectuais mon travail. Je m'occupais de ma fille. Et le plus important, je n'avais pas Aleksandar sur le dos. Même s'il me manquait terriblement. Certains soirs, quand la ville s'endormait, que les bruits de Paris s'éteignaient lentement derrière les volets, je restais allongée à écouter ma fille respirer. Elle était ma boussole. Mon seul repère. Et parfois, je me demandais si ce n'était pas elle qui m'avait sauvée, au fond.

Puis, j'ai commencé à enchaîner des imprudences. Mon mari a été mis au courant de mes implications dans l'entreprise. Et un beau jour, ce qui devait se produire, se produisit. Aleksandar, aidé de ses troupes a fini par découvrir où j'étais. Par je ne sais quelle magie, il a pu avoir mon numéro de téléphone de la maison où je logeais.

Ce jour-là, je venais à peine de terminer une visio conférence avec l'équipe. J'avais demandé à Celine de me rappeler pour de nouvelles directives. C'est donc tout naturellement que j'avais décroché le combiné quand j'ai entendu sonner. Je ne m'attendais pas, alors là pas du tout à tomber sur l'homologue de satan en décrochant.

- Oui Céline ! je réponds détendue. Je disais tout à l'heure que...

- Bonsoir Злато (mon trésor) ! Comment tu vas ?

J'ai raccroché brusquement le combiné tout en reculant de celui-ci comme s'il m'avait brûlé la peau. Cela n'a pas tardé à sonner de nouveau. Je ne répondis pas. Je tremblais de peur. D'ailleurs, ma main lui-même ne voulait obéir à l'ordre reçu. A savoir, répondre à l'appel.

- Co... comment il a fait ? Comment m'a t'il retrouvée ?

Le téléphone continua à sonner toutes les deux minutes. J'avais plein de messages vocaux. Des messages que je ne vais pas m'attarder à écouter ce qui est sûr. Je doute fort que ce soit lui l'unique personne à envoyer tous ces messages. Néanmoins, je reste tétanisée.

J'étais devenue telle une parano. Avant la fin de la journée j'avais changé de planque. J'ai quitté Paris pour Nantes dans l'après-midi.

Nantes, France

A la différence de Paris, jamais je n'ai eu à vivre dans cette ville par le passé. Cette fois c'est redémarrage complet. Je ne peux espérer que ce dernier se fasse sans embûches et que cette nouvelle expérience soit plus intéressante.

L'appartement que j'avais trouvé était encore plus petit que celui de Paris. Il sentait l'humidité, et les murs semblaient suinter la froideur. Mais au moins, il était éloigné de tout ce qui pouvait me rappeler ma vie d'avant. Je ne voulais pas de souvenirs, pas de liens. Juste de l'air, un peu de calme. Mon téléphone restait éteint la plupart du temps, de peur qu'il ne vienne encore une fois briser le silence que j'essayais de m'imposer. Je repenserai à mes entreprises plus tard. Aucune entreprise ne vaut ma sécurité. S'il m'attrape, Alek ne sera pas tendre du tout. Et j'en suis consciente.

Cependant, j'ai beau tenter de me convaincre que c'est mieux de ne pas avoir Aleksandar et ses menaces à proximité, je ne me sens pas mieux pour autant. Là, ma famille me manque grave. Curtis, mamie, Kyra... Souvent fois je me dis que cela aurait été mieux si j'avais choisi de revenir chez moi après m'être enfouie de chez Aleksandar. Cela aurait été sûrement mieux que mon bébé grandisse auprès des siens. Déjà qu'elle va grandir sans père. Elle aurait pu trouver cette image paternelle en mon frère. Est-il vraiment déjà trop tard pour le faire ? C'est la question que je me pose. Parce que, connaissant mon frère, une guerre s'en serait suivie. Tout ce que je ne souhaite pas.

Les jours à Nantes s'étiraient lentement, chacun semblant plus long que le précédent. J'avais l'impression de vivre dans une sorte de parenthèse temporelle, où le monde autour de moi continuait de tourner, mais où je me retrouvais enfermée dans une réalité qui m'était étrangère. Le bruit de la ville, l'agitation des rues, me paraissaient à la fois lointains et proches, comme un murmure que je ne pouvais pas ignorer mais auquel je ne pouvais pas non plus me mêler.

J'avais trouvé une petite boulangerie en bas de la rue. Le pain y sentait toujours aussi bon, et la vieille femme qui tenait l'endroit avait ce regard perçant qui semblait savoir que j'étais une étrangère. Elle ne posait pas de questions, elle se contentait de me donner un travail.

La boulangerie était un petit havre de paix au milieu du tumulte de Nantes. J'y venais chaque matin, presque par réflexe, un besoin de normalité dans cette vie qui me semblait de plus en plus déconnectée. La vieille femme, qui semblait connaître le rythme de la ville mieux que quiconque, m'observait toujours avec ce regard étrange, comme si elle savait déjà qui j'étais, ce que j'avais fui. Un matin, alors que j'étais en train de prendre ma baguette, elle s'était approchée du comptoir, lissant les plis de son tablier, et m'avait glissé d'une voix basse :

-Tu sais, ma fille, parfois, on fuit pour trouver la paix. Mais la paix, elle ne vient pas toujours avec l'éloignement.

Je m'étais figée. Ses paroles, simples mais lourdes de sens, m'avaient traversée comme une lame. Je n'avais pas su comment réagir. Ma main s'était tendue vers la baguette, mais je l'avais laissée retomber, comme si son regard m'avait paralysée. Elle m'avait regardée, un léger sourire en coin, avant de reprendre :

- On croit qu'on peut tout laisser derrière soi. Mais ce qu'on emporte, ce n'est pas que des souvenirs. C'est notre cœur qui ne sait pas où aller.

Je n'avais rien répondu. Ce qu'elle venait de dire, c'était comme si elle savait exactement ce que j'étais en train de vivre. Comme si, d'une manière ou d'une autre, elle avait vu à travers le masque que j'avais fabriqué pour me cacher.

Les jours suivants, j'avais redoublé de précautions. Je m'assurais que mes déplacements étaient discrets, que personne ne me voyait trop longtemps. Mais chaque matin, je revenais à cette boulangerie. J'étais comme aimantée par cette vieille femme qui ne posait pas de questions mais qui, d'une manière subtile, semblait me comprendre mieux que quiconque.

Un soir, alors que je me préparais à partir pour rentrer à l'appartement, un message était apparu sur mon telephone. L'écran clignotait. Mon cœur battait la chamade. Je déglutis, la gorge sèche, et appuie sur le bouton pour écouter le message. La voix d'Aleksandar était calme, presque trop calme.

« Tu peux fuir, Lindsay, mais tu sais aussi bien que moi que tu ne m'échapperas pas. Tu es ma femme. Tu porteras toujours ce nom. Et quoi qu'il arrive, tu reviendras. De gré, ou de force. »

                         

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