« C'est l'utérus. Nous avons arrêté l'hémorragie. »
Mon esprit a commencé son voyage vers un ailleurs meilleurs sitôt que le médecin a prononcé le mot utérus. Je me retrouve repensant aux moments d'avant quand je n'avais pas m'inquiéter des états d'âme de mon épouse. Je fais ce voyage vers mon enfance et les soirées d'hivers assis à la table de la cuisine dans le chalet de vacance de mes grands-parents. Je me revoie au ski, à 22 ans, avec une tête de con, juste heureux de pouvoir séduire et embrasser des filles à la pelle. Et puis, mon esprit l'illumine alors que s'impose à moi le visage d'Anne-Sophie. Là, tout mon intérieur rayonne et je suis empli de bonheur. À tel point que je ne saisis plus rien de ce que dis le médecin dont je vois simplement les lèvres bouger. Il semble qu'il se rend compte que je suis ailleurs, a lors il me répète :
« Avez-vous saisis tous les enjeux de cette intervention ? »
Je le regarde et lui dis
« Faites le nécessaire pour qu'elle puisse partir d'ici dans deux jours. Son médecin traitant l'attend en Suisse. »
« Elle ne peut bouger même en hélicoptère médicalisé. Je préfère ne prendre aucun risque. Vous devriez déplacer le médecin si vous le jugez opportun. »
« Je préfère, oui. Quand à la sécurité, elle laisse à désirer. Je ne veux aucun photographe ou journaliste indiscret. »
« Nous arrangerons tout cela ; Il y a des chambre hautement VIP dans l'hôpital. Ce n'est qu'un détail. Mais avez-vous compris tout ce que je viens de vous expliquer ? Elle devra garde le lit durant les 15 prochains jours. »
« J'ai entendu, oui. Laissez-moi passer un coup de fil, s'il vous plaît. »
Je sors de la pièce dans laquelle je me trouvais face à ce médecin, puis compose le numéro de mon assistante personnelle qui se charge des arrangements pour l'arrivée et le logement du médecin de mon épouse.
Je vais ensuite m'asseoir un moment dans une salle d'attente attenante et le seul réflexe qui me vient à cet instant, est d'envoyé à 6h 30 du matin, un message à la personne à laquelle je pense à l'instant en lui disant : « merci d'exister. Le monde peut s'arrêter de tourner, si je t'ai dans ma vie, cela me suffit. »
J'envoie le message et m'assure après d'avoir effacer toute trace de cette conversation avant de monter à l'étage VIP où a été conduite ma femme.
Quand j'arrive là, mon assistante e rappelle pour me confirmer qu'un Jet privé décolle à 8h 30 pour aller chercher le médecin de mon épouse, à Genève. J'ouvre la porte de cette chambre que je trouve vaste mais sans charme ; une infirmière est là qui semble relever les paramètres vitaux de mon épouse avant de s'en aller.
« Elle dort encore sous l'effet des sédatifs ! », me lance t-elle en partant.
Je reste à distance et regarde la femme qui partage ma vie de douleurs, de manque, d'insuffisance depuis trop longtemps. Elle a les yeux colts mais je n'ose pas m'approcher comme si elle pouvait, dans son état, me sauter dessus en crachant des flammes comme un dragon.
« A quel moment nous sommes-nous trompés ? », dis-je comme si elle pouvait m'entendre
Elle n'a aucune réaction. Je t ire donc un fauteuil, m'y assois et reste là prostré à l'observé pendant ce qui me semble une éternité. J'essaie de me rappeler les moments heureux passés ensemble ; rien ne vient. Il me faut faire un effort de mémoire incommensurable pour retrouver la trace d'un sourire venus après un « je t'aime ». Les choix que nous faisons pour nos vies nous mènent sur d'étranges chemins qu'ils nous aient difficile de remettre en question. Ma vie est indéfectiblement attachée à celle de cette femme. Je meurs si elle meurt. C'est aussi simple que ça.
Je m'approche et lui pose un baiser sur le front avant de reprendre ma position assise dans ce fauteuil. Je sors mon téléphone et me mets à pianoter dessus pour prendre des nouvelles des différentes bourses. Je lis les titres de la presse en ligne pour savoir ce qui se passe aujourd'hui dans le monde. Je ne suis pas surpris du gros titre du magazine économique INSPIRE qui fait un article élogieux sur mon fils Florent, qui a 15 ans s'apprête à rentré à la MIT grâce à son QI élevé et son génie des sciences. Il ne sait pas dire je t'aime, est incapable de prendre qui que se soit dans ses bras, ne comprend les larmes de sa mère mais résout des équations depuis son enfance. Il deviendra un ingénieur hors pair mais jamais ne saura lasser ses chaussures n même choisir et porter correctement ses vêtements car, pour le bain et toutes les activités banales du quotidien, il lui faut être accompagné. Il gagnera des millions de dollars dont il ne saura même pas quoi f aire car il n'a aucune idée de ce que peut apporter l'argent. Et il est célébré car le génie, il l'a et il l'est.
Je reste là 4heures durant travaillant de mon téléphone, répondant à des appels, envoyant des directives par mails et consultant. Je m'informe de tout à la minute où chacun des bureaux s'ouvrent à paris, Londres, Rotterdam, Genève. J'assiste par vidéo interposé à une réunion qui se tient à Cracovie. Mon esprit est heureux de pouvoir travailler et traiter des affaires à des millions d'euros. Il est 11h quand je décide de partir de l'hôpital en laissant mon épouse sous l'œil attentionné de Charlotte Lieber, une amie de longue date, épouse d'un actionnaire d'une de mes entreprises. Je m'éclipser et rentre à la maison prendre une douche, avaler un repas, faire une sieste d'une heure et revenir à l'hôpital pour y rencontré le médecin venu de Suisse.
Quand je reviens à l'hôpital, le Dr Schweib est bien là. Il m'attend avec un air très concerné et me dit tout de go :
« Elle est réveillée et la première chose qu'elle me réclame est de lire dire quand on pourra procéder à une in vitro. »
« Il y a encore ces trois ovocytes là dans le cabinet du Professeur Eisner à Los Angeles mais je me refuse à passer de nouveau par cette épreuve. Qu'elles sont les autres alternatives, Dr ? »
« La seule solution pour préserver la santé de tout le monde est le recours à une mère porteuse. »
Cela a sur moi l'effet d'une bombe. Je recule comme sous la poussée d'un vent très fort et répond au médecin :
« Parlez de tout à ma femme sauf de cela. Il est hors de question que mes spermatozoïdes se retrouvent dans le corps d'une inconnue. Non. Pouvez-vous lui insuffler l'idée de l'adoption ? Je suis plus en phase avec cette idée. Mais la mère porteuse, on oublie. Elle vous écoutera. Elle vous considère comme un père. »
« D'accord. Car pour tout in vitro, il vous faudra attendre au moins un an. Son utérus a été gravement touché. Et il n'est même pas certain qu'elle mène cette grossesse à son terme, à moins de rester alitée pendant 9 mois. »
« Dr, on oublie. Sommes-nous d'accord ? »
« Tout à fait. »
Je tourne en rond dans ce bureau essayant de trouver force et contenance pour aller affronter mon épouse. Bientôt, je n'ai pas d'autre choix que de monter. J'arrive devant sa chambre, ouvre la porte. Sitôt que notre a mie me vois entrer, elle sourit, embrasse mon épouse sur le front et s'éclipse discrètement. Le regard que me lance mon pousse est incendiaire, meurtrier. Elle aurait des revolvers à la place des yeux, que je serais déjà mort. Elle prend son temps, se redresse difficilement sur son lit, refuse mon aide quand je veux ajuster ses oreillers, puis me lance :
« J'irai où tu iras. Un médecin voyagera avec moi. »
« Je ne comprends pas. Que veux-tu dire ? »
« Fini la récréation, finis tes putes sénégalaises et tes orgies dans les boites à strip-tease au Luxembourg ou aux Pays-Bas. J'irai où tu iras. C'est clair ou je dois te faire un dessin ? »
Je me redresse, la regarde, me passe la main sur le visage et respire un grand coup avant de lui dire :
« Le médecin te demande de garder le lit pendant les 15 prochains jours. »
Elle ricane et me dit :
« Nous le garderons ensemble, dans ce cas. Tu n'iras nulle part où je ne pourrai être. Est-ce clair ? »
Je m'éloigne du lit et vais m'asseoir dans un fauteuil en me tenant la tête des deux mains.
~~~ Dans les yeux de Mathurin. ~~~
« Bonsoir chérie. Comment vas-tu ? »
« Bonsoir bébé. Je vais bien. Alors, quelles sont les nouvelles ? », me fait Pauline.
« J'appelle pour te confirmer que j'ai eu maître Bitone Ebang au téléphone. L'avion de Flavie atterri à Libreville à 18h 30. Tout s'est bien passé. Elle a été libérée et leur enregistrement a bien été fait il y a quelques minutes. »
« Je suis heureuse de l'apprendre, Mathurin. Tu iras la chercher à l'aéroport ? »
« Oui, j'y serai. Je lui ai réservé une chambre à l'hôtel Hibiscus pour 3 jours, histoire qu'elle ait le temps de se reposer et de voir où elle atterrira. Sa maison est en location, comme tu le sais. »
« Oui, oui. Je me suis dit que peut-être elle irait à Essassa. »
« Non, cela m'étonnerait. Tout le monde a déserté le coin. Ton grand-père est maintenant installé au Cameroun et a mis tout ce qu'il pouvait, en location. Il en tire d'ailleurs des revenus conséquents. Donc, non, Flavie n'aura pas de place là-bas. »
« Mais dans ce cas, où ira t-elle ? »
« C'est la raison pour laquelle je t'appelle, chérie. As-tu deux minutes pour discuter. »
« Oui, oui. J'avalerai mon sandwich plus tard. Dis-moi ce à quoi tu as pensé. »
« Si elle ne trouve pas de solution avec ses sœurs ou ses nièces, je lui proposerai ton studio à Okala. »
« Oh ! C'est 100 mille francs de loyer que je perdrai alors que je les épargne pour payer plus tard les études de Paola Sait-on jamais. »
« Oui, je comprends mais c'est la seule solution possible à moins que tu veuilles qu'elle vienne s'installer dans le studio juste derrière la maison. »
« Non, non, c'est bon. Laisse-lui le studio d'Okala. En espérant qu'il n'y aura pas de souci avec les cinq autres locataires de la concession. C'est grand, il y a de l'espace. Elle ne gênera personne. »
« Si tu le dis. »
« Ok. Je te laisse et t'appelle plus tard une fois que je l'aurai déposée à l'hôtel. Je t'embrasse. »
Je raccroche a près cette conversation avec mon épouse, puis pose mon téléphone sur le bureau. Je me lève de mon fauteuil et vais scruter la vue par la fenêtre à ma gauche. Je souris encore en pensant à la conversation que j'ai eu tout à l'heure avec maitre Bitone Ebang que j'ai dépêché à Pretoria pour gérer le dossier de ma belle-mère. Il n'a pas arrêté de me parler d'elle et de me dire combien il était subjugué par son intelligence qui se révèle à lui depuis quelques jours seulement. Il m'en a tellement parlé que j'ai eu l'impression qu'il inventait complètement cette Flavie qui l'impressionne. Je me suis moqué en lui disant qu'elle est déjà prise et il en a semblé disons, dérangé. Bref, j'espère simplement que cette fascination intellectuelle en reste là et n'aille plus loin.
Je reprends mon téléphone et appelle mon neveu qui supervise les travaux de rénovation dans le fameux studio de Pauline. Les derniers locataires sont sortis la semaine dernière. Toutes les peintures ont été refaite et la cuisine et les sanitaires remplacés. Il faut que je m'assure que les lieux soient habitables dans quelques jours.